La vie rémoise 1859

À NOS LECTEURS

Les Rémois qui ont gardé un vif souvenir des êtres et des choses de leur Ville détruite goûteront un plaisir ému à lire ces brèves évocations de la vie passée, qui font renaître à leurs yeux des visages connus et leur parle d’événements locaux qu’ils ont vu s’accomplir ou dont ils ont reçu les échos.

Nous ne saurions trop recommander à nos lecteurs de s’attacher à cette lecture, aussi utile pour les survivants d’un passé encore proche que pour ceux-là mêmes qui, intéressés à cette heure à la reconstruction de la vieille Cité rémoise, auront loisir, toute besogne faite, de relier ainsi par la pensée leur propre existence à celle de leurs ascendants.

E. D.

1859

À la lumière du passé, les générations nouvelles peuvent mesurer l’avance ou le recul du bien-être social par la comparaison de mœurs, d’habitat, de coutumes et de façons de vivre, et surtout par les différences matérielles des mercuriales du coût de la vie. Si l’on remonte à l’époque déjà lointaine où filtraient en notre ville les nouvelles de la bonne tournure que prenaient les opérations de l’armée française, en Italie, en l’année 1859, on éprouve presque une impression d’effroi et un recul involontaire de tout notre être, comme si tout à coup on se trouvait transporté au bord d’un précipice, devant un film où défileraient les chiffres troublants des mercuriales économiques de l’époque. À la veille de la prospérité économique, de courte durée, qu’allaient pro­voquer les traités de commerce, l’alimentation affichait les prix suivants des denrées les plus nécessaires à la vie courante :

L’hectolitre de blé est à 15 fr. 25, en moyenne, variant, suivant provinces, de 12 à 19 francs. Le seigle est à 12 fr. 50. Le pain vaut donc : 1ère qualité, au pain de 3 kilos ou 6 livres, façonné généralement en couronne, 0 fr. 75 – soit 2 sous et demi la livre. La guerre d’Italie, survenant le 3 mai, le pain augmente. Fin décembre, il est à 0 fr. 90. Les pommes de terre se paient 3 fr. 50 le quintal ou les 100 kilos. Les pommes vertes, 9 francs l’hecto. Le beurre, 1 fr. 20 la livre, et les œufs, 1 fr. 60 le quarteron ou les 26. La viande de veau est à 1 fr. 90 le kilo maximum, et 1 fr. 60 minima. La viande de porc, à 1 fr. 25 le kilo.

On venait de profiter de deux années consécutives d’abondance. Le franc était au pair. Les salaires ouvriers vont de 1 fr. 50 à 5 francs par jour de travail, et les loyers de 50 à 400 francs l’an.

La laine indigène, par suite de la déclaration de guerre et de la nécessité de fabriquer du drap de troupe, supporte une hausse immédiate de 10 à 25 %. Les laines lavées mérinos et fines valent 7.50 le kilo et les communes 5.50.

À cette époque, la municipalité rémoise avait à sa tête M. édouard Werlé, maire, et trois adjoints : MM. Gilbert, de Vivès et Richardot.

L’industrie et le commerce sont assez prospères ; il se fonde de nombreuses sociétés commerciales.

L’avocat en rupture de barreau V. Diancourt s’associe avec les négociants en tissus Charbonneaux, Kauffeisen & Delautel, rue du Bourg-Saint-Denis, 99, dans l’immeuble occupé précédemment par Guyotin-Lorsignol, fabricant de couvertures.

D’autres groupements suivent : Desteuque, Bouchez et les deux frères Victor et Lespérance Quenoble ; Léon Allart, de Roubaix et Eug. Massé, place Royale, 6 ; Eug. Balourdet et Onésime Radière-Gouilly. Les Gouilly étaient originaires des environs de Sainte-Ménehould. Carpentier & Jamot, tissus, Frumence-Oscar Delamotte et Charles-Adonis Faille, apprêts et teinture.

Par contre, quelques déconfitures : J. Marcel, rue Brûlée, 70 ; J.-B. Houpin, foulon à Fléchambault, et Stanislas Vigoureux, filateur, rue de Contrai, 20.

Il y a dissolution de société entre Samuel Cunliffe Lister, à Manningham, district de Bradford (Angleterre) et Isaac Holden, directeur de la Société du Peignage de Saint-Denis.

Isaac Holden va transférer ses ateliers à Reims. Lister était l’inventeur d’un procédé mécanique qui fit la fortune des Holden, en même temps que de nos industriels et commerçants rémois.

Gigot & Boisoteau, fabricants de mérinos à Pontfaverger, se séparent. Un fils Gigot sera plus tard l’un des meilleurs et des plus compétents employés de la laine à Reims, de 1880 à 1890, en passant successivement au service des négociants A. Marteau & Cie, Renard & Garnier, E. Piret, pour s’associer, sans résultat appréciable, à son collègue Dupui.

J.-Etienne Jacquet, filateur à Boult-sur-Suippe, se sépare, pour exercer seul, de Gaillot et Lobréau, ses associés de Reims.

Rupture également entre A. François et P.-V. Guerlet, fabricants, rue Saint-Yon.

Dans l’enseignement primaire, des noms déjà connus sonnent à nos oreilles. Eug. Wiet était directeur d’école, rue de la Clef, 1.

Cette année-là, il lui survint une fâcheuse aventure. Au cours d’une promenade avec ses élèves dans la Patte-d’Oie, certains arbres de ce bosquet touffu, abattus pour cause de désuétude, tombent sur le groupe des promeneurs et en écrasent un certain nombre.

En ces temps, Concé, qui fut chef du Bureau des écoles à la Mairie, était instituteur à Beine.

Le pensionnat Muzart, rue Sainte-Marguerite, bat le rappel de la clientèle. Son précédent directeur était le père d’Abel Maurice, qui fut rédacteur en chef à l’Indépendant Rémois, et l’un de nos plus fameux aristarques rémois.

La veuve Maurice épousa N. Muzart, qui, après 34 ans d’exercice, céda l’établissement, en I859, à son gendre Gallet, ex-professeur au Collège de La Fère.

Defrançois, ex-adjudant, maître d’armes, fonde un cours d’escrime et de gymnastique, rue Andrieux, 10.

Le Conseil municipal fait bon accueil à une demande de demi-bourse au Lycée en faveur de l’élève des écoles communales Louis-Désiré Seuvre, qui sera plus tard le docteur Seuvre, médecin en chef à l’état-major du 6e corps d’armée, en 1914.

En I9I5, le major Dr Seuvre est à Compiègne. En 1917, il est promu médecin-major à l’hospice Saint-Nicolas, à Issy-les-Moulineaux. Après l’armistice, il exerce à Clamart, puis à Neuilly-sur-Seine, où il habite en 1922.

Dans la classe ouvrière des usines, la moralité apparaît douteuse pendant un certain temps, de même que parmi la classe des commerçants en détail.

Chez les uns, c’est tromperie, faux poids, falsification de denrées ; chez les autres, grivèlerie et détournement de matières premières dans les industries, au grand préjudice de certains regrattiers. On poursuit vigoureusement ces indélicats personnages.

Il aurait fallu installer, tout contre les Bains froids pour dames, à l’enseigne du Lixiviateur, près de la Porte-Paris, une piscine pour voleurs et contrefacteurs, avec brosses dures et savon approprié aux nécessités de l’heure.

Dans la fabrique, en six mois, on relève 22 condamnations, dont 6 seulement pour Reims, le reste pour les usines de la Suippe.

D’autre part, le nombre augmente des admissions au Tour des Enfants-trouvés, à l’Hôtel de Ville : 11 en 1858, 16 en 1859.

C’est le revers de la médaille rémoise !

L’ordre règne toutefois dans la cité, assuré par les baïonnettes du 2e bataillon du 96e de ligne qui, quittant la caserne de la rue Large pour le Camp d’Helfaut, près Saint-Omer, est relevé par un bataillon du 67e.

La musique et le théâtre font florès.

Les concerts donnés par la Société Philharmonique et la chorale la Rémoise au Jardin-Besnard, rue des Templiers, à l’angle du boulevard du Temple, sont très suivis. Le Théâtre fait recette.

Étienne Robert, de la Maîtrise, est chef de la Philharmonique, avec des solistes comme le Dr J.-B. Desprez, Farre et Sibire, sans parler des professionnels comme Guibart, Bünzli, Bonneterre et autres. Antoine Renard, le célèbre ténor de l’Opéra, jadis mouleur sur bois aux ateliers Pierrard-Parpaite, est de tous les galas musicaux, et, en attendant qu’il devienne plus tard le musicien à réputation mondiale du Temps des Cerises, la sentimentale romance du chansonnier J.-B. Clément, il vient ravir les oreilles de ses compatriotes d’adoption.

Salesses est chef d’orchestre au théâtre de la rue de Talleyrand. Il est aussi un compositeur distingué, mettant sa signature au bas de La Brosse, chansonnette comique due au versificateur P. Dubois, prote d’imprimerie ; de Laissons les roses aux rosiers, du même poète, et de la partition de Tam-Tam, ouverture symphonique, que tant de nos contemporains aimeraient à entendre, POUR VOIR ! – et de l’Abeille, scottisch. Sautez, paniers !

Vasseillière, cet autre musicaillon bien connu des maîtres à danser, dont il a comblé les répertoires pendant un quart de siècle, est l’auteur d’un quadrille intitulé : l’Ophicléide enchanté, dont il exécuta le solo à un concert à la Rémoise.

Nos pères adoraient ces petites machines-là, si simples et si peu compromettantes. Temps idyllique, où il faisait bon venir au monde, et, ô mes amis rémois ! le moissonneur de ces éphémérides dont vous engrangez la récolte, en profita cette année-là pour renifler l’air qui soufflait dans la rue du Jard : il y a belle lurette !

Et, pour que cette année-là, tout le monde fût d’accord, on adopte officiellement en France, le diapason normal uniforme, donnant le la adopté pour les instruments, à raison de 870 vibrations à la seconde.

Comme on venait de signer le traité de Villafranca, tous les cœurs en profitèrent pour vibrer à l’unisson, dans la joie de la victoire et du retour à la paix.

Ah ! que les Rémois de 1922 ne retrouvent-ils de telles vibrations !

Ceux d’alors montrèrent un enthousiasme effréné qui se manifesta par des actes dignes d’être connus de la postérité.

Philippot-Payer, boulanger rue de l’étape, fit don de 500 kilos de pain de froment aux indigents. Ce Philippot était à la fois boulanger-pâtissier et débitant de boissons. Son établissement se trouvait en façade sous les loges de la rue de l’Étape, à l’endroit même où peu d’années après, devaient s’élever le Casino et la Brasserie de Strasbourg.

Le lundi de la Quasimodo, la coutume était d’aller manger des dariolles chez Philippot, en buvant un verre de nos délicats vins de pays, à la mousse rose et spirituelle. Et c’était foule dans l’établissement, jusque dans le bâtiment vétuste de la cour, et aux étages, où des files interminables de bancs et de tables en bois s’alignaient pour les grands et les petits.

Philippot disparut, c’est Destable qui maintint la tradition. Malheureusement, ce boulanger, établi à l’angle droit de la rue Large et de la place d’Erlon, n’était ni cafetier, ni marchand de boissons.

La vente se faisait dans sa boutique étroite où, dès midi, les fournées de dariolles chaudes à deux sous, se succédaient sans interruption pour satisfaire à la concupiscence d’une armée de clients, faisant queue sous les arcades et contenue avec peine par d’infortunés sergents de ville.

La foule était dense, grossie sans cesse par le déversoir de la Gare, qui jetait sur le pavé des wagonnées de paysans des alentours, dont c’était le jour de liesse et à qui les loges de la Couture et le versailles appartenaient de par la tradition. Citadins cédaient la place aux ruraux qui, se tenant par le bras en bandes alignées, rasaient tout sur leur passage.

On appelait cette Quasimodo le dimanche des coups de panier ! La coutume en est disparue avec le temps. Les habitudes changent comme les mœurs, et depuis longtemps, nos campagnards s’efforcent de prendre le masque et la tournure des citadins.

Un certain nombre de Rémois se portaient, en ces jours de liesse, vers les villages voisins, à Saint-Brice, Cernay, Berru, La Neuvillette, Taissy, Saint-Léonard, le pont de Muire, Tinqueux, Bezannes, et surtout à Cormontreuil, où Lapy-Brédy et ses émules leur préparaient cette gibelotte de lapin que nous avons tous dans le sang, à Reims, depuis des temps immémoriaux.

En ces temps-là, le monde de la couture s’apprêtait à porter le deuil d’une mode déjà vieille et devenue fort grincheuse : la crinoline, atteinte de consomption, allait périr.

On suivait à la trace les progrès de sa maladie : elle maigrissait du buste de jour en jour, et s’évasait en éventail, au lieu de ballonner en cloche. Pour sauver les apparences, on la recouvrit de la robe Ysabeau.

Les femmes, pour ménager la transition, s’amincirent les hanches, déguisèrent leur taille ; néanmoins, par un geste de charité, et ne voulant pas lâcher la moribonde avec trop d’ostentation, elles multiplièrent les plis creux, qui s’évasèrent alors avec prodigalité dans le bas de la jupe.

Les couturières avaient encore de quoi s’occuper pour orner ce vaste cône où tant de grâces charnelles se donnaient de l’air et gigotaient en petites folles, dans l’intimité de la garde-robe.

Les chroniques de la mode du temps nous apprennent que pour la robe on emploie une garniture en bande de velours gansé d’or, qui part de l’encolure, borde le corsage, lequel s’ouvre de côté et continue à décrire un large biais sous la jupe. Les manches sont plissées en travers et bouffantes ; tous les plis sont retenus par une bande de velours sur la longueur du coude.

On met par-dessus toutes ces choses le mantchou, sorte de douillette ample en velours noir.

Dans les classes ouvrières, la mode était simple. Telle brave blanchisseuse-repasseuse du Jard portait, aux jours de cérémonie et les dimanches et fêtes, une robe de soie noire, à corsage adhérent à la jupe, la capote de même couleur et de même étoffe garnie d’imitations de fruits, notamment des cerises à longue ou courte queue. Aux oreilles, de larges et rutilantes boucles d’or, et l’alliance aux doigts. On portait des bottines à élastiques.

Aux jours ouvrables, la bonne femme était, l’été, en jupe et caraco d’indienne, la tête nue ; l’hiver, le même costume en molleton de laine, et sur les cheveux en bandeaux un bonnet de mousseline blanche, tuyauté sur le devant.

La voirie a peu de travaux en train, mais beaucoup de projets : pavage des rues du Bourg-Saint-Denis et du Jard.

On projette la construction de la Maison de Retraite, pour laquelle le Société des Déchets donnera 50.000 francs.

On met à l’étude le percement de la rue de la Gare, qui deviendra la rue Thiers, et on reconstruit la chapelle du Petit-Séminaire, rue des Augustins, sans que personne puisse se douter qu’un jour le Conseil municipal d’une grande ville détruite et qui veut se refaire y tiendra ses séances.

Ainsi vont les choses, indifférentes aux volontés et aux espoirs des hommes !

Que si l’on consulte l’état civil de cette cité de 50.000 âmes, on évoquera les noms de familles qui avaient leurs racines ancrées dans ce sol gaulois depuis des éternités ou qui allaient y jeter des semences fécondes pour l’avenir.

Honneur aux défunts, d’abord.

Lacatte-Joltrois décède le 22 février 1859, à l’âge de 83 ans, en son domicile de la rue Brûlée, 50. En lui Reims perd un de ses plus vigoureux mémorialistes et de ses fils les plus passionnés.

La Bibliothèque municipale possède de sa plume, en dehors de ses études sur Saint­-Remi, la Cathédrale et d’autres monuments, un recueil manuscrit de faits divers locaux, éminemment précieux pour ceux qu’intéresse la popote rémoise, et où l’histo­rien ou le chroniqueur n’ont qu’à puiser à leur soif.

On chercherait en vain le nom de ce vrai Rémois sur une quelconque de nos plaques des rues. L’esprit de parti est féroce !...

Bah ! la queue de notre chien a bien poussé !...

Un autre érudit disparaît, regretté par tous les ama­teurs de livres : Brissart-Carolet, libraire dans la rue du Cadran-Saint-Pierre, père de son successeur si connu et méritant, Brissart-Binet, éditeur et historiographe de Cazin, et aïeul de notre contemporain, l’avocat Brissart.

Le chapitre des mariages donne de la joie au cœur. Voyez plutôt : tout Reims presque va défiler devant l’œil du vieux Rémois et soulever à ses regards des tourbillons de souvenirs.

Allons, chasseurs, vite en campagne !

Et les cors sonnent dans la cour d’honneur du château au pied du perron.

Voici les épousailles de Jacques Olry, attaché aux Affaires étrangères, et de Mlle Rœderer. On assiste aux grandes battues du Vexin, aux alentours de Gisors, et la meute des chiens aboie à nos oreilles. Les ruines de l’École de Musique, rue des Deux-Anges, montrent leurs ossements décharnés et calcinés. On pense à la maison de la Mutualité, à la richissime biblio­thèque ! Somptuosités et détresses !

Puis, c’est Louis-­Joseph Bourg, qui épouse Victoire Mennesson. Bourg est un musicien de premier ordre, qui fut organiste à Saint­André, et se perdit dans les flots de la laine. On revoit, en ses vieux jours, ce corps impotent, à l’âme emportée, aux yeux si vifs, promené dans une poussette par un fils dévoué, Henri Bourg.

Un autre lainier se laisse entraîner par les doux appels de l’hyménée : c’est Adolphe Prévost, qui se marie avec Mlle Altmayer ; il sera plus tard l’un des doges de notre République lai­nière.

Les tissus ont leurs agapes matrimoniales : Émile Lochet et Mlle Fanart, Paul Pinon et Mlle Léonie Duplessis[1], Auguste Alard et Mlle Clémence Plumet, Jules Andrieu et Mlle Céline Appert, sœur du fabricant Appert-Tatat.

Des grands noms encore : Alfred Magne, receveur du Loiret, et Mlle Werlé ; le Clicquot devenait financier.

Voici Gustave-Adolphe, – non point roi de Suède, ni champion de la Libre-Pensée, tel Gustave-­Adolphe Hubbard, – mais G.-A. Labori, chef de gare à Reims, et Mlle Cartié, qui nous donneront le célèbre Labori, avocat de tant d’affaires retentissantes.

Lucien de Hédouville, châtelain de Montigny-sur-Vesle, épouse Pauline-Augustine de La Prairie, châtelaine de Vrigny.

Le célèbre et glabre Gerdret de La Prairie fit les noces dans son superbe parc de Vrigny, au vaste étang poisson­neux.

Celui qui sera le député Thomas et l’un des fiers bonzes de notre Temple médical de Reims, devient le mari de Mlle Rouget-Liénard, pendant que la bière et le champagne mêlent leurs flots mousseux en l’honneur de Alfred de Tassigny et de Mlle Pauline Delbeck.

Lagarde, qui était adjoint de Huet, l’imprimeur, épouse la fille de son patron et sera à son tour gérant du journal le Cour­rier de la Champagne.

Et les grandes orgues de la Merveille tonitruent là haut pendant le défilé de ces hauts seigneurs et barons du négoce et de l’industrie de nos régions : Mendelssohn, ce Boche sonore, et sa sempiternelle Marche nuptiale du Songe d’une nuit d’été, marquent le pas de la co­lombe blanche et tremblante conduite glorieusement au trépas de sa virginité, sous les doigts puissants et agiles du maître Ernest Duval.

Pris de frénésie conjugale à son tour, ce précoce amoureux de 21 ans, ce Duval qui sera de toutes nos fêtes, convole, lui aussi, en hâte, avec la toute fraîche et gentille Clémence Leclère.

Ainsi va le monde !

[1] En réalité, le 10 janvier 1860.