Hôtel Godbert

2, boulevard Lundy

Note : Ce texte a été publié, pour l'essentiel, en juin 2001, dans le n° 9 de Regards sur notre Patrimoine, publication de la Société des Amis du Vieux Reims.

À noter que la façade sur cour est traitée en pierre de taille et comporte également une tour. Elle n’a pas été ravalée ce qui permet d’apprécier la différence avec les autres façades.

La description intérieure nous est connue par l’actenotarié dressé par Me Edmond Hanrot[17], le 10 juillet 1928, lors de la vente par les Consorts Godbert à Léon Paindavoine :

Un grand hôtel particulier, sis à Reims boulevard Lundy, 2 et rue Warnier, 1, élevé sur caves et sous-sol, comprenant :

Au rez-de-chaussée, grand passage vitré s’ouvrant sur le boulevard Lundy n° 2 par une porte cochère et donnant accès à gauche au jardin, au fond à la cour des communs, à droite aux appartements.

Grand vestibule circulaire sur lequel s’ouvrent :

    • Salle à manger avec boiseries, armoires buffets, monte-plats.

    • Grand salon ovale, avec grande cheminée marbre blanc.

    • Petite salle à manger.

    • Petit salon.

    • Grand bureau.

    • Au premier étage :

    • Grand palier.

    • Chambre à coucher sur cour. Cabinet de toilette à la suite avec placards.

    • Petit couloir conduisant à une chambre à coucher sur jardin. Salle de bains à la suite.

    • Grande chambre à coucher.

    • Petit salon avec balcon.

    • Vestiaire avec placards.

    • Chambre à coucher. Salle de bains.

    • Couloir, lavabo, cabinets d’aisances.

    • Au deuxième étage :

    • Trois chambres mansardées dont une avec cabinet de toilette, cabinets d’aisances.

    • Grenier.

    • Au sous-sol :

    • Calorifère, soute à charbon.

    • Grande cuisine avec placards et monte-plats.

    • Office, débarras.

    • Grande cave en deux parties.

    • Communs comportant :

    • Logement de concierge composé d’une pièce au rez-de-chaussée, ouvrant sur la cour et sur la rue Warnier, une pièce au premier étage.

    • Grenier au-dessus. Cave dessous.

    • Garage à automobiles.

    • Cour, jardin.

L’ensemble d’une contenance superficielle de 744 m² 50 et un décimètre carré.

Du décor intérieur, nous avions pu voir lors de notre visite-promenade, en mai 1997, le grand vestibule circulaire orné de colonnes. Malheureusement, les économies de chauffage ont fait que les plafonds ont été surbaissés et ont ainsi fait disparaître les décors et la noble proportion des volumes.

Qui étaient donc ces Godbert, pour s’offrir une si luxueuse maison ?

Le nom de Godbert est aujourd’hui oublié, ou alors évoque pour les vieux Rémois le souvenir du Docteur Gaudebert, ophtalmologue qui était installé rue Thiers et qui, fait du hasard, sera voisin de la propriété Godbert à Villers-Allerand, dès 1938, histoire d’entretenir la confusion, et s’appelleront « cousins » par amusement. Nous y reviendrons plus loin.

L’Almanach Matot-Braine de 1898 nous renseigne par la nécrologie :

GODBERT (Rose-Croix), né à Reims, le 16 janvier 1819, décédé en cette ville, le 14 novembre 1897.

Fabricant depuis 1849, M. Godbert, né d'une famille d'ouvriers, avait débuté comme apprenti tisseur. Grâce à son activité, il sut prendre une place dans le monde des affaires où il était très apprécié. Sa maison faisait école. Aussi, pendant de nombreuses années, il sut se maintenir au premier rang des vieux fabricants qui ont contribué, pour une large part, à la prospérité de l'industrie rémoise.

Conseiller municipal depuis 1878, M. Godbert remplissait les fonctions de censeur de la Banque de France, de délégué cantonal, d'administrateur de l'école des arts industriels, de président de la commission des dessins de fabrique et de président du conseil d'administration de la Société des déchets, il avait été juge au Tribunal de Commerce.

Monsieur le Maire prononcera l‘éloge funèbre de M. Godbert, récemment décédé, lors de la séance du 10 décembre 1897 du Conseil municipal.

Les Godbert étaient donc fabricants de tissus. Les origines de Rose-Croix n’étaient peut-être pas aussi modestes que le laisse supposer la notice précédente.

Dès 1842, le nom de Godbert apparaît parmi les fabricants de tissus, dans le Bottin qui ne citait que les maisons d’une certaine importance.

Le père de Rose-Coix, Pierre Antoine (1769-1847), originaire de Roye (Somme) était fabricant dès 1819 après avoir été contremaître.

Godbert Jeune était le cadet d’une famille de 8 enfants, dont 4 de ses aînés étaient eux-mêmes fabricants

Les Godbert ne se sont pas alliés aux vieilles familles rémoises. Étaient-ils rejetés par la bourgeoisie rémoise ou ceux-ci ne l’ont-ils pas recherchée particulièrement. Quelques alliances se feront dans leur pays d’origine avec les Deverly et les Taine, de Saint-Quentin.

C’est encore Eugène Dupont[18] avec sa Vie Rémoise [19]qui nous renseigne le mieux :

Ces fabricants de tissu cardé faisaient travailler aux champs; les bureaux et cuve à teindre les échées se trouvaient en équerre rue de l’Écu en venant de l’Esplanade Cérès. Godbert était un excellent homme, placide, aux cheveux blancs et à la parole douce, accueillante, qui avait épousé une très belle et jeune femme, dont la reconnaissance lui fit élever, à sa mort, un monument en marbre blanc, au Cimetière du Nord. Pour elle, il avait fait construite le superbe hôtel qui fait l’angle de l’Esplanade et du boulevard Lundy.

Toujours E. Dupont à propos de son décès[20] :

Rose-Croix Godbert-Deverly, fabricant rue de l’Écu, demeurant Esplanade Cérès, 78 ans, l’un des meilleurs hommes qui fussent. Né à Reims en 1819, le 16 janvier, il est, à 12 ans, apprenti-tisseur chez Vellard dont il devient contremaître. S’établit à son compte en 1849.

A propos de Godbert jeune, on sait que le brave type avait fait préparer pour son épouse un monument funéraire, au Cimetière du Nord, avec buste en marbre, comme tout l’œuvre d’ailleurs, - monument qui pourrait presque rivaliser, dans l’esprit comme dans la lettre, avec celui du ménage Pigeon, de la « lampe-Pigeon », à Montparnasse. Godbert était gros actionnaire de la Compagnie du Gaz, et donnait ce tuyau à certain curieux qui l’interrogeait à ce sujet : « Quand on dit que le gaz est à 25 centimes le mètre cube, cela signifie bénéfice net de 25 centimes pour les actionnaires ». Inutile d’ajouter que ces fameux titres, - véritables poules aux œufs d’or - , n’entraient pas dans l’ « ormoire » de Popu ! En revanche, nos administrateurs municipaux en étaient amplement fournis, ce qui entraînait la critique permanente à des conclusions peu à l’honneur de ces dévoués comptables des deniers publics ! Au surplus, à cela près ! N’en-a-t-il pas été toujours ainsi, et n’est-ce pas la vraie règle du jeu ?

À ces propos d’Eugène Dupont, il faut remarquer que le second paragraphe contredit le premier. Ce n’est probablement pas Mme Godbert qui a fait élever le fameux mausolée du Cimetière du Nord[21]. Elle avait alors 80 ans et devait commencer à se détacher des vanités de ce monde. N’aurait-elle pas fait placer le buste de son mari plutôt que le sien[22] ? D’ailleurs celui-ci ne sera posé qu’après sa mort et remplacera un « Ange de la douleur » par le sculpteur Paul Gasq[23]. Ce ne peut être encore moins son mari qui était mort depuis 8 ans. Le mausolée fut l’événement de la Toussaint 1905. Il est beaucoup plus vraisemblable et logique que ce monument ait été commandé à Dufay-Lamy[24] par Céleste Godbert, fils unique des Godbert-Deverly, comme preuve d’amour filial. Il correspondait d’ailleurs à son goût théâtral comme nous le verrons plus loin.

D’ailleurs une lettre d’Émile Dufay-Lamy, en 1912, adressée à M. Péchenard[25], réclame, au nom de son client M. Godbert, le vitrail qui se trouvait dans la chapelle funéraire qui a précédé le tombeau actuel. Il y dit ceci notamment : Toutes les pierres provenant de la chapelle ont été transportées à votre chantier. Monsieur Godbert trouve qu’il est suffisant pour lui de perdre ces pierres, sans qu’il soit obligé de perdre également le vitrail. On peut se demander ce que Céleste Godbert aurait fait des pierres si la Maison Péchenard les lui avait déchargées dans sa cour ?

Joseph Wary avait réalisé un buste de Mme Godbert. Du fait de la guerre il n’a pu être livré. Son petit-fils Pierre Péchenard l’avait retrouvé dans le chantier et voulait le restituer aux héritiers. Ces derniers ont décliné son offre[26]

Le compte-rendu de la presse au sujet des obsèques de Mme Godbert, nous donne une idée de la pompe que l’on savait déployer à cette époque[27] :

Mardi, à 10 heures ½ ont eu lieu en l’église Saint-André, les obsèques de Madame veuve Godbert, née Louise Deverly, décédée le 30 janvier dernier, en son hôtel, boulevard Lundy, 2.

Une superbe chapelle ardente avait été édifiée au domicile mortuaire, par les soins de M. Védie-Jacquart, chargé de la direction des obsèques.

Le char disparaissait sous les fleurs et les couronnes.

Le deuil était conduit par MM. Céleste Godbert, Marcel et René Godbert, Gabet et Félix Godbert, fils, petits-fils, beau-frère et neveu de la défunte.

Le cortège s’est mis en marche dans l’ordre suivant :

Les membres de la famille ;

L’association fraternelle des Ouvriers de la fabrique de Reims ;

La délégation de la Chéchia ;

La délégation de la Fanfare l’Indépendante ;

La délégation de la Société des Sourds et Muets ;

La délégation de la Société de Secours Mutuels de la Police de Reims ;

Les Invités ;

Le deuil des Dames.

L’inhumation a eu lieu au cimetière du Nord, dans le mausolée de la famille.

Nous prions la famille de la défunte de vouloir bien agréer nos sincères condoléances.

Si on peut se demander aujourd’hui qui étaient les Godbert, un journaliste assez perfide s’était déjà posé la question au début du siècle, d’où s’en est suivi cette savoureuse polémique[28].

Qui ça ?

Il y a tantôt huit jours, rubans rouges et rubans violets, rubans de tous ordres et rubans de toutes formes sont venus fleurir de nouvelles boutonnières. Certaines attendaient cela depuis longtemps, d’autres osaient à peine l’espérer, il en est, par contre, qui étaient assurées d’éclore ; celles-ci savent à quoi s’en tenir sur leur décoration. Et maintenant, qui n’ont pas été décorés, ceux qui ne peuvent l’être comme ceux qui le pourraient, discutent les mérites des élus ou, à défaut, - les mérites n’étant plus indispensables – les raisons qui les ont fait élire. C’est trop naturel.

Je les laisse discuter, car j’ai une toute autre préoccupation : je suis à la recherche d’un décoré, je ne demande pas pourquoi on l’a décoré. Je demande qui l’on a décoré.

L’officiel signale, en effet, la nomination comme officier de l’instruction publique de : Godbert (Céleste-Gabriel), de Reims, critique dramatique à Paris.

Qui ça, Godbert ? Où çà critique ?

Notez que Céleste-Gabriel Godbert a déjà été nommé, il y a quelques années, officier d’académie. A l’époque, mon sympathique confrère, Albert Lamblot, avait déjà, comme je le fais aujourd’hui, cherché qui était ce Godbert.

L’officiel d’alors disait : Godbert à Reims. C’était tout. Maintenant le voilà critique dramatique, il a fait son chemin.

C’était un renseignement ; aussi j’ai, pendant huit jours, feuilleté les journaux de Paris ; je n’avais de ma vie si bien suivi la chronique dramatique de la capitale. J’y ai trouvé des choses fort belles, des articles très bien écrits, cela va de soi, des renseignements très instructifs ; mais de Godbert, pas trace.

Dans quelques années, ce mystérieux inconnu fera sans doute partie de l’une, au moins, de nos cinq académies et le gouvernement lui octroiera le ruban rouge. On connaîtra peut-être alors et enfin qui est ce Godbert, à moins qu’on ne le sache au jour de sa mort. Ce sera un peu tard, c’est vrai, et la notoriété pour ce pourtant heureux critique, aura attendu le nombre des années. Mais enfin, ce sera préférable à l’ignorance complète de ce personnage.

D’ici là, j’en suis réduit à me demander, comme pour Homère, qui est ce Godbert et si son existence est réelle. J’aime à croire qu’il existe puisqu’on l’a décoré, qu’on le décore et qu’on le décorera.

Alors, qu’il s’exhibe !

Marcel Sourceau.

Trois jours plus tard, la réponse ne se fait pas attendre et si elle est bien écrite, Céleste Godbert s’y défend mal, sa réponse est pour le moins maladroite en faisant surtout valoir qu’il est le fils de son père…ce qui va faire les choux gras de Marcel Sourceau :

Coucou ! Le voilà !

Mr Céleste-Gabriel Godbert adresse au Rédacteur en chef du Courrier, la réponse que voici :

Quel vilain défaut que la jalousie ! Parions que M. Marcel Sourceau n’est pas décoré ; qu’il n’a même pas les palmes académiques.

Cela excuse son article acerbe, virulent de mardi : « Qui ça ! » écrit avec du fiel ou de la quintessence de venin.

Donc, M. Marcel Sourceau n’a pas les palmes, mais il a, par contre, une déveine oh ! mais là, une déveine…. Carabinée !

Parti en guerre contre Don Quichotte, contre les 4000 de la promotion du 20 janvier, il tombe en arrêt sur un nom que tout Reims connaît et s’écrie : « Qui ça Godbert ? » - « Qui ça ! ! »… - mystérieux inconnu…personnage ignoré… etc.

M. Marcel Sourceau n’est pas de Reims, assurément, que dis-je ! rédacteur au Courrier de la Champagne, il n’a jamais eu l’idée de jeter les yeux sur la collection du journal. Sans quoi, il eut trouvé quelque part un article de tête de 300 lignes entièrement consacré à mon père. Le Courrier de la Champagne – qui le connaissait – demandait pour lui la croix de la légion d’honneur.

Qu’eut dit M. Marcel Sourceau ? Le ruban rouge c’est autre chose que la rosette d’officier de l’instruction publique !

Il est vrai que mon père était Censeur de la Banque de France, juge au tribunal de commerce, conseiller municipal, président du conseil d’administration de la Société des Déchets, président du conseil d’administration de l’Indépendant Rémois, etc…

M. Marcel Sourceau n’est pas de Reims, il est de quelque village lointain, il ignore le nom de Godbert, il ignore tout. Mécontent, il crie comme un ….sourd ; il ne me connaît pas et croît que personne ne me connaît. Sur ce thème, il écrit une cinquantaine de lignes, qui seraient certainement très spirituelles, si j’étais un mythe comme il cherche à le faire croire, mais qui ne sont que ridicules, s’adressant à un rémois qui a fait ses études au Lycée de Reims et qui assistait dimanche dernier, à l’assemblée générale de l’Association fraternelle des ouvriers de la Fabrique de Reims (fondée le 1er mai 1856), dont il est depuis neuf ans président d’honneur.

Je le répète M. Marcel Sourceau n’a pas de veine de s’attaquer justement à moi.

Il demande qui l’on a décoré ?

Un critique dramatique, amoureux de tout ce qui a rapport au théâtre, qui a donné pendant 22 ans de la copie au même journal et dont M. Marcel Sourceau a certainement lu les articles – sans savoir – comme tout ce qu’il a écrit mardi.

Il termine en disant : « Alors qu’il s’exhibe ! »

L’exhibition est teminée. Si M. Marcel Sourceau ne me connaît pas maintenant !

D’ailleurs peu m’importe !

Céleste Godbert.

N.B. – Je répondrai demain au superbe éloge que mon correspondant fait de son père, dont je ne conteste ni la notoriété ni les mérites. Quant à M. Céleste Godbert, j’avoue en toute simplicité, que malgré son exhibition très caustique, je ne suis pas encore satisfait. –

M.S.

Quel journal ?

M. Céleste Gabriel Godbert, en même temps qu’il adressait à notre rédacteur en chef la réponse que le Courrier a publiée, m’envoyait à moi-même sa carte de visite et ses remerciements. Je lui accuse réception de l’une et des autres. Je pensais tout d’abord, plus heureux que mon confrère Lamblot, que j’avais fait sortir l’oiseau du nid. Nenni, il est resté dans le duvet.

Mais je veux, ligne à ligne, suivre mon illustre inconnu.

En effet, je ne suis pas décoré : ce me sera sans doute très facile, lorsque M. Céleste Godbert m’aura indiqué la route à prendre. Je compte même sur lui, qui a deux décorations, pour me recommander à M. Doumergue.

Je reconnais encore que je suis parti en guerre comme Don Quichotte, et pour soutenir jusqu’au bout la comparaison, j’admets de plus qu’il y avait, en cette histoire un moulin à vent. J’ai soufflé et il a tourné. C’est entendu.

Seulement, les ailes de M. Céleste Godbert ne sont pas d’un aigle ; il est resté attaché à son nid, comme le moulin à terre. Ce n’est pas fort en notre siècle d’aviation.

M. Céleste Godbert me dit que j’écris avec du fiel et de la quintessence de venin. C’est une erreur : j’écris avec une plume marque « mitrailleuse » de la maison Blanzy, Pourre et Cie et de l’encre Antoine. J’écris avec ce que je peux.

Enfin, venons au fait principal, à l’exhibition de M. Céleste Godbert. Il m’écrit :

Comment ! vous ne me connaissez pas ? Vous savez bien, je suis le fils de mon père qui, lui-même, était président de ceci, administrateur de cela, etc… etc… et fut proposé pour le ruban rouge ?

Aussi, ai-je simplement demandé qui était Céleste Godbert. On peut ignorer le fils d’un homme que tout Reims connaissait. Du reste, il y a quelques années, le journal dont M. Godbert père était administrateur s’unissait à nous et posait la même question : Qui ça Godbert ?

Votre père, Monsieur, était très connu à Reims ; sa notoriété est incontestable et ce n’est pas moi qui la contesterai, mais votre père, ce n’est pas vous, à moins qu’on ne vous ait décoré au « titre paternel » comme on décore au « titre étranger ».

Ce n’est pas le cas. M. Céleste Godbert me dit qu’il fait de la critique dramatique depuis 22 ans, dans le même journal. Telle est la raison des faveurs gouvernementales.

Je ne ferai pas à l’ « officier » Godbert l’injure de croire qu’on l’a fleuri une seconde fois, parce qu’il écrit depuis 22 ans dans un journal – décoré à l’ancienneté ? fi donc ! c’est bon pour les fonctionnaires – mais bien parce que ses articles sont remarquables.

J’ai donc donné un coup de téléphone au roi de nos périodiques – et ce n’était pas faire trop d’honneur à M. Céleste Godbert.

Mais à la revue des Deux-Mondes, on ne le connaît pas. Je me sui rabattu sur le Figaro : il y est également inconnu.

Alors, j’ai compris que, humble comme la violette dont la nuance est à sa boutonnière et appelé comme critique dramatique, à pénétrer dans les coulisses, il adore également rester dans celles de son journal.

Mais quel journal ?

Mr Céleste-Gabriel Godbert serait bien aimable de me tirer d’embarras.

Macel Sourceau.

L’exhibition

J’ai reçu de M. Céleste-Gabriel Godbert la réponse suivante dans laquelle le pathos voisine avec l’infatuation !

Quel journal,

« L’orchestre » (58e année) où j’ai pris la succession de M. Armand Sylvestre le 25 août 1885 (collection complète à la Bibliothèque Nationale).

Je ne me doutais guère que ma promotion au grade d’officier de l’Instruction publique allait déchaîner sur ma tête les foudres du Courrier de la Champagne, et me faire malmener…cavalièrement.

Avouez que la mentalité du Courrier est surprenante. Au lieu de féliciter, de congratuler un rémois, un compatriote qui a reçu une récompense – bien méritée du reste – le Courrier l’aplatit, l’assomme, sans raisons – apparentes au moins.

En 1903, quand je reçus du Ministre de l’instruction publique les palmes académiques, l’article que tout Reims a pu lire mardi dans le Courrier parut dans l’Indépendant Rémois. Mr Sourceau m’apprend qu’il était signé Lamblot. Je le veux bien, je ne me souviens pas.

Le thème était absolument le même ;

« Qui ça Godbert ? inconnu…, où est-ce que ça niche ? »

L’Indépendant Rémois qui me devait cependant des égards non pas comme fils de mon père « décédé » mais comme actionnaire et obligataire « vivant » ; l’Indépendant Rémois inséra l’élucubration du nommé Lamblot.

Mais ce que M. Sourceau se garde bien de dire, c’est que le lendemain même l’Indépendant Rémois s’excusait publiquement et que quelque temps après, le susnommé Lamblot était remercié – On avait fait sortir l’oiseau du nid.

Maintenant c’est fini ! Je vous ai dit tout ce que vous désiriez savoir. Vous pouvez aller dormir tranquille. Vos nuits seront bonnes, vos digestions faciles.

Je suis venu à Reims tout exprès pour répondre à vos attaques.

Je retourne à Paris ce soir et ne lis jamais le Courrier.

Céleste Godbert.

Qui était Céleste Godbert ? Nous l’avons vu plus haut il était le fils unique de Godbert jeune et de Louise Deverly (1824-1909). Né à Reims au 2, rue de l’Écu en 1857, il mourra en son domicile parisien, dans le 13e, en 1913 et sera inhumé à Reims dans le fameux mausolée.Contrairement à son père, il n’aura pas les honneurs d’une nécrologie dans l’Almanach Matot-Braine. Seulement un avis dans la presse[29] :

Les obsèques de Monsieur Céleste Godbert, Président de l’Association Fraternelle des Ouvriers de la Fabrique de Reims, Président d’honneur de la « Chéchia », Officier de l’Instruction publique, décédé subitement le 13 décembre 1913 en son domicile à Paris, boulevard Arago, 60 dans sa 57e année, auront lieu à Reims, le mardi 23 courant, en l’église St-André. Réunion au domicile du défunt à Reims, 2, boulevard Lundy. De la part de Mme Godbert, sa veuve ; de Mademoiselle Céleste Godbert ; de Messieurs Marcel et René Godbert, ses enfants.

Il faut noter que lors du décès de Godbert jeune, le faire-part[30], après avoir énoncé tous les titres du défunt était beaucoup plus laconique pour la famille. Une manière de tourner la difficulté, quant à la situation de Céleste, en annonçant simplement de la part des Familles Godbert et Deverly.

Il figure bien parmi les anciens élèves du Lycée de Reims pour l’avoir fréquenté de 1866 à 1873.

Manufacturier de 1900 à 1903, il se présente ensuite comme critique dramatique. Il figure, en 1908, dans le répertoire des collectionneurs d’Ernest Renart[31], comme officier d’académie, littérateur, 60, bd Arago et au château de Villers-Allerand. Collectionneur de livres de littérature. Ouvrages sur la Marne. Il ne semble pas avoir été membre des Amis du Vieux Reims, était-ce par mépris pour notre société ou par rejet de la bourgeoisie rémoise ?

Il semble avoir mené une double vie à l’instar de celle du grand-père de Charles Braibant[32] relatée dans son premier et excellent roman qui obtint le Prix Renaudot en 1933, « Le roi dort »[33]. Plus tard, vers 1960, Charles Braibant révélera la vérité sur l’histoire de sa famille dans ses souvenirs « Un Bourgeois sous trois républiques »[34]. Il faut avoir lu « Le roi dort », dont l’action se passe à Herpy (Ardennes) et à Reims, pour tenter de comprendre la vie de Céleste Godbert.

Céleste Godbert va avoir trois enfants naturels de Louise Lechein, de 1880 à 1887. Ces enfants ne seront reconnus qu’en 1892, devant la Mairie du 14e arrondissement de Paris, et légitimés par le mariage de leurs parents à Paris 13e, en 1898[35], soit quelques mois après le décès de Godbert jeune. On peut en deviner les raisons.

Il est permis de penser que Godbert jeune mourra sans savoir qu’il était grand-père[36].

Louise Lechein était rentrayeuse[37] et qui plus, était enfant naturelle non reconnue. Sa mère, journalière, qui ne savait ni lire ni écrire, étrangère de surcroît, avait par ailleurs 3 autres enfants naturels non reconnus. L’un d’eux ne sera reconnu qu’à l’âge de 22 ans[38]. Louise devait être une très jolie fille ?

Bizarrement, Louise Lechein conservera son emploi de rentrayeuse et continuera à vivre chez sa mère, durant sa liaison avec Céleste, de 1880 à 1887. Céleste ne la mettra pas « dans ses meubles » comme on aurait dit chez les Lechein à cette époque. Ce qui est surprenant, d’autant plus qu’il régularisera la situation en 1898 comme nous l’avons vu plus haut.

On comprend tout de suite que les Lechein n’étaient pas du même rang social. Deux des frères de Louise étaient cordonniers et un autre caviste ; difficile de les faire recevoir en l’hôtel Godbert. Ils n’y auraient sans doute pas été très à leur aise.

Céleste a en fait occupé peu de temps l’hôtel. De 1909, à la mort de sa mère, à son propre décès en 1913. Il habitait précédemment 6, rue de l’Écu et à Paris, 60, boulevard Arago depuis 1898.

L’hôtel semble avoir été inoccupé depuis le décès de Céleste jusqu’à sa vente en 1928.

Sa veuve rédidait à Villers-Allerand, dans la belle Villa Godbert qui n’avait rien d’un château, comme la nomme pompeusement le Répertoire des Collectionneurs, même si elle était entourée d’un très joli parc. On peut toujours voir cette maison, qui a subi quelques transformations, au travers de la très belle grille en fer forgé ornée des monogrammes G et D.

Des fastes des séjours à Villers-Allerand, il nous reste cette évocation d’une charmante partie de campagne[39] :

La « Chéchia » à Villers-Allerand :

À dix heures vingt, nos anciens « zouzous » prenaient le train à la gare de Reims pour se rendre à Rilly-la-Montagne. Le trajet fut des plus gais, chacun sachant que les anciens zouaves n’engendrent pas la mélancolie.

De Rilly, la Chéchia se rendit à Villers-Allerand où la plus cordiale des réceptions l’attendait chez Monsieur Céleste Godbert, son président d’honneur.

Très gracieusement Mr et Mme Godbert et leur charmante fille font les honneurs de leur « home » fait de verdure et de coins charmants où le séjour est des plus agréables et où l’hospitalité est donnée à cœur ouvert…

A midi, l’appétit aiguisé par ce voyage matinal, est grand chez nos « chacals » et ils font honneur au menu excellent préparé et arrosé des vins tirés de derrière les fagots, de 1899, 1901 et 1906.

Au dessert, M. Poulain président de la Chéchia se lève et prononce un discours très applaudi. Il fait l’historique de la Chéchia dont il expose la situation au point de vue financier puis il remercie vivement le président d’honneur, Monsieur Céleste Godbert, de sa bonne hospitalité.

Mr Poulain accroche ensuite à la boutonnière de M. Godbert de jolies palmes diamantées offertes par les membres de la société qu’il préside depuis de longues années.

…Un charmant concert s’improvise alors et l’on a le plaisir d’entendre Mademoiselle Godbert dans l’audition d’œuvres de grands maîtres : Manon, la fille du Régiment, que tous les assistants soulignent de chaleureux applaudissements.

M. Godbert prend une photographie, dont tous les anciens zouaves conserveront une épreuve comme souvenir charmant et durable.

Puis on part pour une excursion en forêt à l’Étang Saint-Bernant, séjour enchanteur des plus pittoresques.

Mais il faut songer au retour, et, après un goûter champêtre, suivi de quelques chansons, les membres de la Chéchia reprennent le chemin de Reims, enchantés de la réception amicale et grandiose qui leur fut offerte par leur président d’honneur.

Tout semblait aller pour le mieux dans le ménage Godbert, mais ce ne devait être qu’une apparence, car Céleste par son testament, fait en la forme olographe à Paris le 10 janvier 1908, déclare priver sa femme de l’usufruit légal lui revenant aux termes de l’article 767 du code civil. Ce qui revenait a la déshériter purement et simplement. Mais peut-être était-ce un arrangement en faveur des enfants.

Cette propriété appartenait déjà aux parents de Céleste, car Eugène Dupont raconte, à la manière d’un naufrage, une anecdote[40]: où se trouvant en compagnie d’amis, ils venaient de manquer le train à Rilly. Retour à pied, … un landau à 2 lanternes allumées s’avance dans la direction des naufragés de la terre (le landau venait de conduire à leur propriété de Villers-Allerand les époux Godbert jeune, et rentrait à Reims, à vide… du moins jusqu’à Champfleury). Toute la famille Dupont est donc revenue dans le landau des Godbert, car Dupont connaissait le cocher, un ancien receveur de tramway.

Céleste fera quelques aménagements à la propriété et demandera à Dufay-Lamy un projet de salle de spectacle. Je possède un tirage de plan (66 cm x 48) du dessin, de Louis Guérin[41], de ce petit théâtre, daté du 21 avril 1911, qui pouvait contenir 112 spectateurs. Un autre dessin (60 cm x 45), daté du 30 avril 1911, présente un projet différent où la salle de spectacle est prévu pour 130 personnes avec en outre une cabine de projection pour cinéma. Le premier projet comportait cour, vestibule, vestiaire, wc, 2 loges de 6 places, salle de spectacle, scène, et une aile composée de 2 chambres avec vestibule, toilette et wc. Dans le second projet ; la cour devient jardin, l’aile est supprimée. Il comporte toujours une entrée avec vestiaire et wc, salle de spectacle, scène avec 2 loges d’artiste. Le balcon se compose d’un salon, d’un débarras, cabine de projection, et 2 loges de 6 places chacune. Les deux projets sont de style néo-Louis XVI. On ignore si ce charmant théâtre a été réellement construit ?

Mme Godbert sera inhumée en 1926 dans le cimetière de Villers-Allerand, sous une simple dalle de granit rose près de sa fille et de son gendre.

Il semblerait que la descendance des Godbert-Lechein se soit éteinte avec leurs trois enfants.

L’aînée Céleste (1880-1950) épousera Henri Oller (1872-1950), qui n’avait aucun lien avec les Oller de Reims, bien connus comme fabricants de bouchons, mais qui par contre était le propre neveu du célèbre Joseph Oller, créateur du PMU, propriétaire de champs de courses, du Moulin-Rouge, de l'Olympia, etc. Ce sont eux qui conserveront la propriété de Villers-Allerand, qui sera ensuite vendue par leur neveu et héritier M. Josenance, qui dirigeait l’usine de Puteaux. Une place de Villers-Allerand rappelle le souvenir d’Henri Oller, qui était Industriel, chevalier de la Légion d’honneur, propriétaire d’une importante imprimerie à Puteaux et responsable de l’organisation du PMU à Paris. Il fut probablement bienfaiteur de la commune qui veille à l’entretien de la tombe.

Les Oller-Godbert resteront fidèles à l’architecte Dufay-Lamy qui leur fera un plan de cheminée du hall (style art-déco, dessin de Louis Guérin) pour leur maison de Villers-Allerand[42], ainsi qu’un plan de rampe d’escalier[43],

Le second enfant, Marcel Godbert (1885-1945) époux de Marguerite Drouot, sera déporté et mourra au camp de Dachau pour une mauvaise plaisanterie faite aux Allemands sous l’occupation. Le Dr Gaudebert nous raconte ce drame[44] : Marcel Godbert, âgé d’une soixantaine d’années, habitait rue de l’Écu et vivait de ses rentes. Il fut déporté bêtement 3 jours avant la libération de Reims. Alors que les armées allemandes en déroute faisaient mouvement dans la direction Sud-Nord, Marcel, le sourire aux lèvres, sur le terre-plein de la Place Aristide Briand, indiquait, aux officiers allemands qui lui demandaient la direction de Charleville, la direction de Laon ou de Soissons (la Résistance avait dans les nuits précédentes enlevé toutes les pancartes de direction). Une heure plus tard les mêmes troupes qui s’étaient aperçues du faux renseignement repassaient Place A. Briand et embarquaient le pauvre Marcel. Il est mort soit sur la route, soit dans un camp et fut porté « mort en déportation ». Son épitaphe figure sur le mausolée du Cimetière du Nord. Il semblerait qu’il ait tenu un garage avec commerce d’automobiles dans les années 30 au 6, rue de l’Écu.

Le dernier, René Godbert (1887-1966) vivait à Paris. Il épousera Jeanne Meekelenburg puis Marie-Louise Simon. Il ne semble pas avoir eu de descendance.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’hôtel Godbert fut vendu en 1928 à l’industriel Léon Paindavoine (1892-1962), originaire de Lille, et dont le souvenir nous est rappelé par le Foyer de jeunes travailleurs, qui porte son nom, rue du Lieutenant-Herduin[45]. Léon Paindavoine possédait un important tissage de coton et de soie, situé rue Gosset[46]. D’une grande générosité, il abandonnera 30 millions de francs de dommages de guerre pour la construction de logements pour abriter de jeunes ménages à Reims. C’était en 1958, en pleine crise du logement, et « France-Soir » s’était fait l’écho de cet acte de générosité hors du commun, d’autant plus que ses usines avaient été ruinées deux fois, en 1918 et 1944. Léon Paindavoine était décoré de la Croix de guerre 1914-1918.

Du fait de sa séparation avec sa première épouse, il quittera l’hôtel quelques années plus tard, entre 1933 et 1935, pour aller vivre dans le grand immeuble de rapport au 8 bis, boulevard Lundy. Il se retirera à Nice et finira ses jours à Reims, où il avait gardé un pied-à-terre, au 2, rue Clovis à l’angle de la rue de Vesle, dans un immeuble à l’architecture particulièrement indigente des années 50.

Bienfaiteur de l’église St Nicaise[47], au Foyer Rémois, ses obsèques y seront célébrées, selon ses souhaits. Il repose au Cimetière du Nord auprès de sa seconde épouse. Sa première épouse est toujours de ce monde.

En 1936, l’hôtel est à nouveau inoccupé.

En 1955 il appartient à la société « Le Ciment armé Demay frères ».

Enfin en 1980, l’immeuble sera divisé en copropriété sous le nom de « Société civile immobilière Aristide Briand »., et c’est grâce à un de ses copropriétaires, M. André Dupuis, membre de notre association, que nous avons pu pénétrer dans cette magnifique maison aujourd’hui sauvée.

Jean-Yves Sureau.

26 avril 2001.

[1] Notre Association est la seule à posséder la collection complète de ce journal. Celui-ci a fait l’objet d’une réédition, après réduction au quart, d’après notre exemplaire par les Éditions À l’Écart, en 1985.

[2] alias Charles Bosseux (1860-1915).

[3] Rebaptisée place Aristide Briand.

[4] Archives municipales de Reims, permis de construire n° 56649.

[5] (1926-1983), fondatrice et secrétaire générale de « SOS Reims, Urbanisme et Nature ».

[6] Archives municipales de Reims, permis de construire n° 64900.

[7] (1888-1961).

[8] Reims, Matot-Braine, 1960.

[9] (1845-1914).

[10] La notice, sur Joseph Wary (1849-1918), du « Dictionnaire biographique de la Marne », Flammarion, s. d. (vers 1907) confirme bien qu’Edouard Lamy est l’architecte de l’ hôtel Godbert.

[11] (1873-1963).

[12] Cf. manuscrit de notre bibliothèque.

[13] Il faut lire en fait 1875.

[14] On voit ici que les édicules n’avaient pas la taille de ceux d’aujourd’hui. Cf. Place d’Erlon.

[15] cf. Roger Ambros, « Poésie et Histoire sur les façades de Reims », Guerlin-Martin, 1993, toujours disponible en librairie.

[16] qui ont disparus en partie lors de la récente réfection.

[17] Notaire à Reims, 10, rue Noël. Cet acte m’a été généreusement offert par Mme Meillet, née Solange Paindavoine, à La Ferté-sous-Jouarre.

[18] (1859-1941), dont les volumes de « La Vie Rémoise » pour les années 1861-1864, 1865-1868, 1869-1872, sont toujours disponibles en librairie.

[19] « La Vie Rémoise en 1895 », ms Du 92, Bibliothèque Carnegie.

[20] « La Vie Rémoise en 1897 », ms Du 92, Bibliothèque Carnegie.

[21] Cf. Regards sur notre patrimoine, n°4, décembre 1998, p. 32

[22] Le buste en marbre blanc de Mme Godbert a été volé le 18 janvier 2001. Il mesurait 80 cm de haut et il était signé Émile Peynot , 1904. Cf. Roland Conilleau, « Émile Peynot, statuaire, Villeneuve-sur-Yonne, 1850-1932 », 2000.

[23] L’un des auteurs de la Fontaine Subé.

[24] (1868-1945), gendre et successeur d’Édouard Lamy.

[25] Louis Péchenard, marbrier, gendre et successeur de Joseph Wary.

[26] Pierre Péchenard, fils du précédent (1914-1986), marbrier-sculpteur, souvenirs recueillis vers 1980.

[27] L’Indépendant Rémois, mercredi 3 février 1909.

[28] « Le Courrier de la Champagne », rubrique Au jour le jour des 28 et 31 janvier 1908, 1er février 1908. Ces articles ont été recopiés, en 1994, par notre sociétaire Mme Renée Ardhuin. Nous l’en remercions vivement pour notre joie à tous.

[29] L’Indépendant Rémois du 22 décembre 1913

[30] Bibliothèque Carnegie. CR V 1492 MM (collection de lettres de faire-part).

[31] Qui fut libraire à Reims 5, rue du Cadran-Saint-Pierre, dans les années 1880, avant de s’installer à Maisons-Alfort et d’y publier son fameux « Répertoire Général des Collectionneurs » qui ferait aujourd’hui le rêve des cambrioleurs.

[32] (1889-1976) Directeur général des Archives de France, président d’honneur de la Société des Écrivains Ardennais. Son frère aîné Marcel Braibant, qui fut avocat à Reims, conseiller général des Ardennes, était membre des AVR. Leur père Maurice Braibant, député des Ardennes, fut juge suppléant au tribunal de Reims en 1899.

[33] Cet ouvrage qui aura plus de 60 éditions en un an, sera traduit en américain (sic), anglais, polonais et tchèque.

[34] Charles Braibant y dit : Telle est l’histoire que j’ai romancée dans Le roi dort. Quelques personnes qui ne connaissent pas la vie de province l’ont jugée invraisemblable. Elle n’est pas invraisemblable puisqu’elle est vraie.

[35] Leur contrat de mariage fut reçu à Reims par Me Paul Thiénot, le 15 septembre 1898 (communauté en biens acquêts).

[36] Contrairement à Mme Braibant qui découvrira à 80 ans qu’elle était grand-mère et arrière-grand-mère. Le secret fut gardé dans le village pendant 30 ans !

[37] Ouvrière d’usine dont le travail consistait à refaire des portions de trame ou de chaîne, lorsqu’une déchirure se produisait dans le drap, lors du tissage. Synonyme de stoppeuse.

[38] Par cet acte de reconnaissance, passé chez Me Douce le 28 janvier 1881, nous apprenons que Catherine Alexandrine Lechein était née au Luxembourg en 1829, qu’elle était fille d’un fonctionnaire né à Bruxelles en 1791. Elle habitait 158, rue Ponsardin en 1887, année où l’on perd sa trace.

[39] Le Courrier de la Champagne, 5 août 1908.

[40] « La Vie Rémoise en 1893 » p. 25. Ms Du 92, Bibliothèque Carnegie.

[41] (1860-1941), architecte au Cabinet Dufay-Lamy.

[42] daté du 16 décembre 1925, dont je possède le tirage (90 cm x 50).

[43] daté du 15 décembre 1925 (58 cm x 43).

[44] lettre du Dr Gaudebert à Mme Renée Ardhuin, du 5 mai 1994.

[45] Il fera un don de 30 millions de francs pour cette fondation.

[46] Au n° 47, à l’angle de la rue du Dr Lemoine. Emplacement du magasin Champion actuel.

[47] Léon Paindavoine a contribué largement au financement des orgues de cette église.

L’ensemble de la construction est assez bien proportionné et demeure élégant avec ses trois façades sur le boulevard Lundy, l’esplanade Cérès[3] et la rue Warnier.

C’est un véritable joyau qui orne l’entrée de notre prestigieux boulevard. On frémit à l’idée que cette maison a failli disparaître sous la pelleteuse des démolisseurs pour faire place à une hideuse station-service. Et il s’en est fallu de peu, voici pourquoi :

En 1973, le permis de démolir[4] avait été accordé par la Ville de Reims pour y construire un immeuble de 5 étages avec station service !

Et pour enlaidir davantage, la Direction de l’Équipement demandait par son courrier du 5 mars 1975 :

Il serait souhaitable pour la circulation, d’imposer un retrait de l’immeuble pour le mettre à l’alignement du bd Lundy qui existe à l’ouest de la rue Camille-Lenoir.

Par contre cette proposition peut rencontrer des objections au point de vue esthétique pour la place Cérès.

Par cette dernière remarque, on constate que l’on était quand même pas tout à fait inconscients !

Il faudra l’intervention d’Arlette Rémia[5] pour empêcher cette erreur monumentale.

Heureusement, l’encadrement des crédits, fera que l’architecte laissera passer les délais et le renouvellement de son permis sera rejeté. La Ville de Reims n’accordera pas de nouveau permis de construire, sans doute sur l’intervention du Ministère, via Arlette Rémia, car une lettre du Secrétariat d’État à la Culture, de l’Architecte des Bâtiments de France au Maire de Reims, du 1er août 1975, dit ceci :

…Il importe de conserver la construction actuelle, qui présente à coup sûr un certain caractère (et beaucoup plus que le projet présenté), et forme un ensemble avec les immeubles de l’entrée du boulevard Lundy.

Cependant, un promoteur revient à la charge en 1978[6], avec un projet d’une laideur à faire pleurer. Mais les projets de démolition et de reconstruction seront rejetés. De même qu’une demande de démolition d’une cheminée et de la suppression de la coupole, soi-disant dangereuses, seront refusées. Depuis les cheminées ont disparues alors qu’elles existaient encore en 1984 !

René Druart[7] dans « Les transformations de Reims au XIXe et au XXe siècle »[8] avait écrit :

Les angles de rues favorisent les morceaux de bravoure chez les architectes qui y étagent balcons, loggia, et dômes altiers, tels Lamy, 2, rue Thiers en 1880. Cependant, aucune construction n’égale à cette époque en somptuosité l’hôtel Godbert, 2, Boulevard Lundy, où Henri Schmit, architecte du théâtre de la Renaissance à Paris, se croit place de l’Opéra.

En 1874, Gobert Jeune fait l’acquisition de terrains et charge l’architecte Édouard Lamy[9] d’y édifier un somptueux hôtel particulier. La sculpture des ornements est confiée à Joseph Wary[10].

L’architecte Abel Robert[11] aurait déclaré à René Druart que le véritable architecte était Henri Schmit, qui serait par ailleurs auteur du Théâtre de la Renaissance. Henri Schmit est né à Reims en 1850, le Théâtre de la Renaissance est daté 1872. Pourquoi serait-on venu à Reims chercher un architecte, jeune et inconnu, pour construire un théâtre à Paris ? Il est plus probable qu’Henri Schmit, employé chez Lamy, ait effectivement travaillé sur le projet. Mais à ce compte, on peut remettre en cause la paternité de la plupart des édifices passés et à venir.

Les travaux seront menés rondement car le cartouche de la coupole porte le millésime 1875. Cependant les aménagements intérieurs ne devaient pas être achevés car il semblerait, si l’on se réfère aux annuaires d’adresses de l’époque, que Godbert ne l’ai occupé qu’entre 1880 et 1882.

C’est toujours l’excellent René Druart qui en donne une description détaillée[12] : Hôtel Godbert sis 2, Bd Lundy (anciennement Bd du Temple) aux angles de la place Aristide-Briand (anciennement esplanade Cérès) et de la rue Warnier. L’immeuble, surélevé, est centré par une tour ronde avec balcon à balustrade au 1er étage, supporté par deux femmes gainées ; baie cintrée audit étage surmontée d’un écusson tenu par deux génies. Quatre colonnes supportent la corniche, surmontée d’une tourelle à fronton daté 1879[13] couverte par un dôme d’ardoises en tronc de cône, couronné lui-même par un édicule[14].

Les façades sur le boulevard et sur l’esplanade ont 3 ouvertures à chaque étage, 3 lucarnes en pierre, la médiane à fronton arrondi et les deux autres à fronton triangulaire ; les fenêtres médianes du 1er étage sont surmontées de masques de femme. La façade de gauche offre une porte cochère au rez-de-chaussée.

Une 3ème façade sur la rue Warnier, à 3 fenêtres de large, est flanquée à droite d’une porte cochère sur cour et d’un mur, couronnés par une balustrade pleine.

Tout est dit. Je laisse au lecteur le soin de découvrir, au travers des clichés ou mieux sur place, la profusion des ornements, tels que pilastres, guirlandes, bustes, fleurs, consoles, cariatides, corniche à modillons, postes, balustrades en fonte ou en pierre tournée, Hercule revêtu de la peau du lion de Némée[15], cartouche de marbre au monogramme enlacé G.D. (Godbert-Deverly). Sans oublier la toiture aux immenses brisis d’ardoise, terminés par des bourseaux ornés d’oves[16] et de feuilles d’acanthe en plomb aux extrémités. Les cheminées monumentales ont été arasées.

La disposition des lieux, qui avait permis l’ouverture de deux portes cochères, offrait lors des réceptions la possibilité aux équipages d’entrer par le boulevard Lundy, de déposer les invités sous le passage vitré, à l’abri des intempéries, et de ressortir par la rue Warnier sans avoir à faire de fastidieuses manœuvres dans la cour. Celle-ci fut ainsi réduite au minimum, au profit du jardin dont les dimensions sont toutefois assez modestes du fait de la présence de communs importants.

Signe particulier : La plus belle maison de Reims.C’est ainsi que se terminait la petite notice biographique, consacrée à Godbert Jeune, dans La Vie Champenoise illustrée[1] du 8 au 15 septembre 1894, et dont le portrait-charge, par Tristan de Pyègne[2], figurait en page de couverture, parmi d’autres édiles.

Godbert Jeune avait alors 76 ans ! Il se prénommait à l’état civil Rose-Croix, prénom assez original mais difficile à porter, si bien que M. Godbert est resté « Jeune » toute sa vie… et même sur son épitaphe, malgré ses 78 ans. Tristan de Pyègne s’en amuse, non sans humour sous forme de rébus, au bas de son dessin.

L’hôtel Godbert n’était peut-être pas pour tout le monde la plus belle maison de Reims, mais elle était sans conteste la plus richement ornée pour ne pas dire la plus chargée ! Ce luxe tapageur avait dû choquer les rémois habitués à plus de sobriété. Avec le recul, on ne peut qu’admirer cette profusion d’ornements. Depuis le récent ravalement, on redécouvre ce luxe de détails au travers du jeu de la lumière sur la belle pierre blonde.