La Vie Rémoise en 1863

1863

Reims, comme ses sœurs françaises, a, depuis les événements de 1848-52, renoncé aux jeux fiévreux de la politique pour se confiner dans les calculs et les expériences profitables de l’activité économique.

L’esprit s’est assoupi. Comme un ruminant, le corps social broute les herbes grasses de l’industrie et du commerce ; le bétail humain, sous la garde de ses nouveaux bergers et à l’ombre d’un nom glorieux, quoique sanglant, s’engraisse les côtes par les profits accumulés d’une spéculation sobre et calculée.

D’un gros œil terne et indifférent, la famille rémoise regarde défiler les films mondiaux comme la bête des champs contemple le vol des locomotives fumantes sur le rail, entraînant les foules déjà atteintes du vertige déambulatoire.

1855 a fait la guerre de Crimée, 1859 celle d’Italie. Point de répit pour les drapeaux à nos fenêtres et les Te Deum dans notre cathédrale.

Notre bon cardinal Thomas Gousset est infatigable et prodigue ses bénédictions au régime et à nos vaillantes troupes.

Pour ne pas laisser refroidir ces humeurs populaires, 1863 nous donnera la guerre du Mexique. La randonnée pillarde de Chine est proche. On n’entend encore rien du roulement des canons que le vieux Moltke, aiguillonné par Bismark, dirige sournoisement vers les frontières du Danemark, celles de l’Autriche sœur et de l’enviable voisine la France.

Les orages politiques, d’ailleurs, n’éclatent qu’en des ciels radieux et surchauffés par le soleil de quelque gloriole conquérante.

À nouveau, on percevra le bruissement dans le vent des batailles de l’étoffe tricolore claquante, qui symbolise l’image de l’âme même de la patrie française.

Des noms sonores vont bercer nos oreilles : Juarez, le farouche Mexicain ; Forey, le brillant soudard ; Maximilien de Habsbourg, excellent drille, frère de l’horrible gorille qui sera plus tard, pour les Alliés de la Grande Guerre, l’increvable François-Joseph ; l’ambitieuse et futile Charlotte de Cobourg, qui rêve de manteaux impériaux et de diadèmes scintillants, comme de nos jours l’intelligente et impérieuse Clémentine, fille de Léopold II, le frère de cette infortunée Charlotte.

Avec Puebla, ces noms brillent de lueurs romantiques. D’autres résonneront qui évoquent des gens et des choses lugubres : Bazaine et Jecker, et Queretaro, la cité où un empereur de fortune meurt au poteau d’exécution !

La Terre tourne. À Reims, les machines à vapeur sifflent, beuglent en sirènes fauves, les cheminées fument noir et épais, les métiers mécaniques font claquer leurs volantes navettes et grincer leurs rouages dentelés ; les auneurs de tissus sont accablés de besogne. Nos cavistes concourent, en abeilles acharnées, à l’agglutinement du suc de nos vignes dans ces ruches souterraines et frigorifiantes que sont nos labyrinthes des crayères.

Les clercs de banque ratissent les images bleues et soyeuses de la Banque nationale et les napoléons d’or à l’effigie du César à la barbiche et aux moustaches cirées, aux yeux rêveurs et aux jambes courtes.

Les fortunes locales s’arrondissent, et la vie est à bon marché.

Le peuple butineur a le pain à trois sous la livre ou demi-kilo. La liberté du commerce de la boulangerie, à peine restituée, vient de rendre vie à la concurrence, et l’adjoint au maire Gilbert ne dissimule pas la fierté qu’il éprouve à annoncer aux populations en euthanasie qu’un certain nombre de boulangers, dont il glorifie les noms, ont abaissé le prix de la couronne de six livres à 0.85.

Ces philanthropes modestes, que l’aile des anges de la Mercante n’a pas encore effleurés, s’appellent : Beauvais, rue du Jard, 112 ; Prévost, rue Fléchambault, 7, et Bernard, place Saint-Remi, 27. Ils auront des imitateurs.

La mercuriale du marché suit ces cours pour tous les produits de l’alimentation. À Reims, quand le vin et la laine vont, tout va, et la communauté est heureuse. Nous autres, du XXe siècle, reverrons sans doute ces heures lumineuses !

Reims est en pleine santé. À sa tête, une sorte de bourgmestre d’origine rhénane Édouard Werlé, tient avec vigueur et autorité les rênes du char municipal.

Grand, coloré, les cheveux blonds, rares et bouclés, l’œil bleu, le chef branlant agité en des : oui ! et des non ! alternatifs, la voix claire du commandement, cet enfant d’une Mayence française, que les destinées du champagne Clicquot ont appelé à vivre au premier plan de la famille rémoise, Werlé plie sous son joug les volontés rétives de notre bourgeoisie commerçante et intellectuelle, mais la cité prospère, et ses œuvres grandissent.

Le magma électoral vient de l’envoyer à nouveau au Corps législatif, par 23.855 suffrages sur 37.687 électeurs inscrits et 25.325 votants, pour la Marne.

Les urnes crachent en torrents leurs bulletins flamboyants. Point ou peu d’abstentions : tous les souverains de la démocratie tiennent à remplir, au moins une fois tous les quatre ou cinq ans, le grand devoir civique de la votation publique.

Une fois ce bout de rôle accompli, tout apparaît sauvé : les Rois fainéants n’ont plus qu’à roupiller jusqu’au réveil au son des fifres goguenards du Boche renaissant.

Battez, navettes ! ronflez, métiers ! fermentez, nectars ! sautez, bouchons ! La vie rémoise est douce à vivre, abstraction faite, bien entendu, des vivants parmi les couches profondes de la plèbe !

Sous ces apparences grisâtres et sommeillantes, la vie intellectuelle rémoise reste cependant en ébullition : elle se consume, il est vrai, en des cénacles privés, et la grande famille des travailleurs est hélas ! tenue à l’écart de ses bouillonnements.

Un noyau lettré et curieux substante la pulpe littéraire, poétique, archéologique, scientifique et artistique du fruit académique : sous le paternel sourire de Thomas Gousset, fils de paysans madrés et leur juste héritier, au ronflement de sa voix de chantre bienveillant, nos Robillard et nos Pinon, nos Clicquot et nos Piéton, nos Midoc et nos Richardot, nos Sutaine et nos Givelet, nos Mennesson et nos Loriquet, nos Landouzy, et vingt autres, dont les noms évoquent tant de travaux glorieux enfouis à cette heure dans les Annales de la vénérable Académie de Reims, entretiennent, en vestales à barbe et en redingote, la flamme intellectuelle dans les cerveaux mercantiles acharnés, par atavisme, au perfectionnement et au rendement de la flanelle, du pain d’épices et du vin mousseux.

Cette flamme n’a cessé de brûler depuis, alimentée par des esprits ardents et entretenue par les pieux enfants de la Nouvelle-Jérusalem rémoise.

À la même époque, une initiative livresque dont les bienfaisants résultats n’apparurent qu’au cours d’un lustre d’années, se manifestait dans le monde de la typographie française, à Paris, par les efforts d’un enfant de Reims, dont le nom, encore aujourd’hui, est à peine connu de ses concitoyens.

Ce jeune Rémois, du nom de Nicolas David, né à Reims, en 1822, au faubourg Cérès, 21, ancien boursier au Lycée de notre ville, après avoir exercé ses talents de poète et critique littéraire dans une publication périodique : la Revue de Reims, disparue en bas-âge dès 1846, avait parcouru la carrière typographique dans la capitale.

En 1863, prote en chef à l’imprimerie Dubuisson, rue Coq-Héron, à Paris, il eut le premier l’idée remarquable, pour parer à une crise de chômage, de fonder une coopérative de typographes, pour l’exploitation en commun du fonds immense des littératures du monde civilisé.

Ainsi naquit cette collection de brochures à petit format et à 0 fr. 25, sous couverture bleue, qui, sous le titre générique de : Petite Bibliothèque Nationale, contribua à la diffusion en France des œuvres poétiques et littéraires mondiales tombées dans le domaine public.

En 1914, le journal rémois le Progrès de l’Est, a inséré en feuilleton la matière d’une Étude biographique et critique sur ce Rémois de haute valeur et son œuvre sociale.

Ce Nicolas David, fils et petit-fils de constructeurs de maisons, avait été ouvrier typographe à l’imprimerie Luton.

Possédant à fond le grec, le latin, l’allemand et l’espagnol, on lui dut par la suite de nombreux articles éclectiques dans la presse parisienne, des traductions, des poésies, des travaux mémorialistes sur Reims et les Rémois.

La revue historique : Révolution de 48, a publié récemment les lettres enflammées et substantielles échangées, de 1848 à 1852, entre ce démocrate renforcé et un de ses amis rémois, Pierre Dubois, typographe aussi, demeuré à Reims, où il mourut en 1868, directeur-gérant de l’Imprimerie Coopérative de la rue Pluche, fondée peu de temps auparavant.

N. David, sous son nom propre et les pseudonymes de D. du Bourg-Cérès et Fléchambault, a signé les préfaces et introductions placées en tête des petits volumes de la Bibliothèque Nationale, notamment l’étude critique sur la Fin d’un monde et du Neveu de Rameau, d’après Diderot, par Jules Janin.

Le jeune Louis-Adolphe Dorigny, qui décède en mai 1863, à 25 ans, occupa ses loisirs de scribe à l’État civil de Reims, dans la recherche de documents sur la célèbre famille des Dorigny, dont il était issu.

Les documents qu’il recueille établissent que le premier sire d’Origny se situe vers l’an 1126. Cette famille était alliée, au XVIIIe siècle, aux Colbert, aux Coquebert, aux Marlot, aux De la Salle et aux Rogier.

Les amateurs de vieux livres recherchent passionnément tel bouquin publié à Châlons, en 1734, sur l’histoire de Saint-Remi l’évêque, par un R. P. Dorigny.

J.-B. Dorigny fils, de Reims, était un érudit distingué avant la Révolution. L’Hôpital Général, ou Renfermerie, fut fondé à Reims par cette famille, et c’est encore un Dorigny qui provoqua la plantation des arbres de nos Promenades, en 1729.

Dans l’église Saint-Pierre-le-Vieil, dont les derniers vestiges, à l’angle des rues des Telliers et du Cadran-Saint-Pierre, enfouis jusqu’à nos jours sous les immeubles où nos aînés ont fréquenté les magasins de confection du Grand-Prophète, sous la belle Mme Bernard à la chevelure poudrée de frimas naturels, et nos contemporains, la bijouterie du flûtiste Tanret, – viennent de disparaître sous la pioche des décombreurs pour aller figurer au prochain Musée archéologique et lapidaire rémois –, cette antique église possédait une chapelle dite de N.-D. de Liesse, où s’abrita le tombeau de la branche cadette des d’Origny. Le caveau de la branche aînée se voit encore à l’église Saint-Jacques, rendue au culte ces jours-ci.

Remy Dorigny et les libraires de ce nom ont été les derniers survivants, au XIXe siècle, de cette famille rémoise au souvenir de laquelle la municipalité a consacré une rue étroite de notre quartier Bétheny.

Louis Dorigny a laissé de précieux manuscrits sur Reims, pour servir d’exemple à nous-mêmes et aux mémorialistes futurs de notre cité reconstruite.

Le Vieux Théâtre de la rue de Talleyrand est placé, en la saison 1862-1863, sous la direction d’un cabot remarquablement exercé et disert du nom de Blandin, qui sera le Barnum de nos spectacles pendant des années, à la satisfaction des habitués du parterre et de l’amphithéâtre.

Par ses soins éclairés et le labeur artistique de son pensionnaire Maillet, la salle est remise à neuf, se requinque du plateau aux combles ; la rotonde s’éclaire de feux surajoutés. Les programmes, sous un régime compressif de la pensée, se corsent au petit bonheur de représentations de gala fournies à deniers comptants par les pensionnaires de la Comédie-Française, Samson, Brindeau, Saint-Germain, dans Mlle de la Seiglière, succès du jour, et d’une partie concertante confiée au talent d’un orchestre réduit mais excellent, où brillent des Guibart, des Chauvry, des Maurice, des Meurger, des Lambin et Delvincourt, des Bünzli, avec d’autres chevaliers de l’archet et du trombone, sous la férule de Launois, au nez en capron, flamboyant et vibrant.

Le répertoire ordinaire en est tout émoustillé. Ainsi, en cette soirée où le public rémois a été convoqué pour entendre les clameurs pathétiques et les dialogues ampoulés d’une vaste machine en 5 actes : Béatrix ou la Madone de l’Art, que son auteur n’a pas osé signer, Blandin fait déclamer les Adieux de Jeanne d’Arc et la Scène du Tombeau, de Roméo et Juliette, pendant que Launois électrise le parterre avec les flons-flons d’Auber, en exécutant l’Ouverture de Fra Diavolo.

La même partie artistique renforce une représentation de la Forteresse du Mont-des-Géants et de Cadet-Rousselle Dumollet, Gribouille et Cie. Ah ! le long chemin à parcourir avant d’atteindre aux splendeurs des proconsulats La Chaussée et Villefranck !

La saison du Carnaval voit renaître le bal masqué, avec son Cortège de la Citrouille et sa Danse de la Fricassée, exécutée par la troupe déguisée de ces Messieurs et Dames du Théâtre.

Peut-être notre jeunesse actuelle trouverait-elle à son tour quelque agrément à ces amusements pleins d’humour et de candeur, tellement en-deça des joies acidulées ou opiacées proposées de nos jours par les entrepreneurs de réjouissances publiques !

La foire de Pâques n’a jamais été plus brillante et fréquentée qu’en ces époques déjà lointaines. Elle était ardemment attendue par les jeunes et les vieux, et les banquistes du monde entier se faisaient un honneur et un profit d’accourir édifier leurs baraques dans notre rue Large et sur la place de la Couture.

On y venait de vingt lieues à la ronde ; l’allégresse publique s’y manifestait, sans vergogne ni fausse honte.

Mais aussi quelle abondance de spectacles et de parades ! Le Cirque des Promenades n’était alors qu’à l’état de projet. Franconi donne ses représentations sous une vaste tente dressée à l’extrémité de la rue Large, au bout du versailles.

On y joue, à la grande joie des tout-petits, des pantomines enfantines : L’Ours et la Sentinelle, les Tonneliers, les Meuniers de Saint-Cloud, Napoléon à la veille d’Austerlitz, Cendrillon ou la Pantoufle de Vair. La troupe était recrutée chez nos bambins de six à douze ans, richement costumés, payés au cachet et dressés par un metteur en scène hors pair.

Combien ravissante la vision de ce petit bonhomme en redingote grise, sous le célèbre chapeau du grand homme, tantôt la main gauche derrière le dos, la main droite dans le gilet blanc, tantôt ouvrant une coquette tabatière et se bourrant le nez d’un simili-tabac en poudre !

Et la jolie Cendrillon, aux gestes gracieux, aux cheveux poudrés, si coquette en ses atours à la Pompadour ou à la Marie-Antoinette !

Ce genre de spectacle était en vogue depuis des années, déjà même à l’époque où Franconi le vieux dressait ses cerceaux et présentait ses fiers coursiers dans son Cirque Olympique, établi dans les vastes chantiers du charpentier Paroissien, à l’angle des rues Large[1], et Nulle-Part aujourd’hui Caqué.

Franconi eut des successeurs dignes de sa renommée : Bastien, son gendre ; Napoléon Rancy, dont les fils continuent la tradition ; Loyal, les Pierantoni et Priami, aux écuries renommées, aux écuyères ravissantes et légères comme des libellules,, aux clowns enfarinés si cocasses, si spirituels et agiles !

Les physiciens nous ont laissé des souvenirs non moins durables et émotionnants : Lassaigne, Loramus, prestidigitateur incomparable ; Pietro Gallici, avec son hallucinante Tête-Coupée. La salle de Loramus, éclairée par 200 lampes à gaz, peut contenir 800 spectateurs.

Nous retrouverons ces adroits amuseurs de foules, avec d’autres, au cours de notre longue revue, et avant peu.

Rappelons que, en 1863, le versailles de la rue Large prit, pour la première fois, l’aspect féerique qu’il a conservé juqu’à nos jours, grâce à l’emploi du gaz d’éclairage. On adapta à son fronton de la place d’Erlon, un appareil de tuyauterie pour illumination, permettant de représenter un aigle surmontant la croix de la Légion d’honneur, six étoiles et un cordon lumineux. Sous la République, cette décoration fut remplacée par les armes de la Ville, et devint ainsi purement, et justement, locale.

En décembre, à Noël, la foire dite du Jour de l’An, vit se dresser un établissement d’attrait nouveau : au moyen de soldats de plomb animés par une machinerie spéciale, on y donna une représentation de la bataille de Puebla, remportée par les troupes françaises sur les Mexicains de Juarez. Les tout jeunes spectateurs en furent remplis d’ivresse folle et d’ardent enthousiasme pour nos "culottes rouges". Ces minuscules fantoches en plomb colorié, le bruit des canons et la pétarade des chassepots, qu’une grosse caisse, des tambours et des pièces d’artifice imitaient à s’y méprendre, les flammes de Bengale qui rougissaient l’horizon de la scène et enfumaient une salle délirante, les sonneries de clairon, tout contribuait à faire de ce spectacle une des manifestations les plus prenantes et les plus excitantes pour ces jeunes cervelles gauloises, si faciles à surexciter. Au dehors, le public s’exaltait aux gestes et au travail d’un homme-orchestre qui simulait le bruit des combats au moyen d’une grosse caisse, de cymbales et d’un tambour, dont il jouait simultanément avec une adresse incomparable. On ne devait plus jamais revoir cette "baraque" et son impresario. Un autre homme-orchestre apparut sur les estrades et dans nos rues, autrement outillé, portant sur sa tête un chapeau chinois à sonnettes et grelots, jouant des cas­tagnettes et du tambourin, de la flûte et du clairon, voire des cimbales et du triangle. D’où ce refrain chantonné parmi les foules enivrées :

Piss, piss, piss, de la pistonna,

Flûte, flûte, flûte, de la flûte à mouch’ta !

dont peu de nos compatriotes, même de souche auvergnate, ont souvenance évidemment.

Cette victoire de Puebla, que les trompettes officielles de la Renommée grossissaient d’heure en heure, donna l’occasion au bataillon du 90e de ligne en garnison à Reims, d’un superbe défilé, au long des Promenades, et à la Musique municipale des Sapeurs-Pompiers d’une sérénade sur la place de l’Hôtel-de-Ville, – manifestations renouvelées plus tard à la nouvelle de la prise de Mexico.

Nos pompiers étaient ravis de ces sorties en costume dans nos rues pavoisées, et, à la même date, le ferblantier Vuième, de la rue du Bourg-Saint-Denis[2], venant d’être nommé lieutenant de la Compagnie, tambours et clairons en profitèrent pour une procession bruyante dans nos rues, avec reposoir aux Loges-Coquault et libations de reconnaissance et gratuites chez le cabaretier Franchecour, – sans infidélité toutefois aux confrères du voisinage.

La Société philharmonique fonde divers cours d’instruments de musique, professés : le basson, par Mary, serpent à la Cathédrale ; la clarinette, par le bedonnant et moustachu Praslon ; le violoncelle, par Brié fils, futur époux de Mlle Niverd, laquelle termina ses jours sous le nom de dame Védie, à la Maison de Retraite, peu avant la Grande Guerre.

Le violoniste Hormille, professeur de chant au Lycée, venait de partir pour le long voyage d’où personne n’est jamais revenu. Renould, – cravate blanche, nez d’aigle, favoris blancs en côtelettes à manche, aux yeux de picpic –, s’exténuait, en apôtre convaincu, à inculquer aux moutards des écoles communales les principes de la musique chiffrée, d’après la méthode Galin-Paris-Chevé, – entreprise vaine s’il en fût, la musique notée ayant fait ses preuves depuis des siècles. N’était-ce pas vouloir faire avancer une brouette sur des roues carrées ? La méthode eut ses fanatiques, dénicheurs de lunes, nombreux en tous temps. Après la guerre de 1870-71, on n’en entendit plus parler, ou peu, à Reims.

Chevé et Aimé Paris se faisaient depuis vingt ans les protagonistes de cet enseignement, dû aux imaginations de J.-J. Rousseau et de son fidèle disciple, Pierre Galin. Cette méthode assurait d’abondants résultats pour la lecture à vue.

Les deux enseignements furent donnés de concert dans les écoles gratuites de la Ville, par Renould, homme distingué, aux allures de magistrat, et le gros Carrier, commis-greffier, à face rubiconde, aux yeux à fleur-de-tête, disciple de Bacchus, joyeux et gesticulant.

Les élèves étaient ou paraissaient sceptiques. Du scepticisme à l’ironie hésitante, puis aux moqueries déchaînées, finalement à la rébellion, il y eut l’espace d’une distribution de prix à l’autre. C’en avait été suffisant pour tous de se voir réunis sous les bâtons de quatre chefs différents, Renould et Carrier, pour les adeptes du chiffre, Léon et Ernest Lefèvre, pour les rétrogrades de la note, en présence de ces cahiers où des portées à la clef de sol d’une part, et des hiéroglyphes arabes de l’autre, semblaient être les évangiles de deux religions en compétition, – le Nouveau contre l’Ancien testament.

Contre le ridicule, en France, même et surtout au regard des intelligences à peine pétries sous les formes civilisatrices, rien ne saurait ni lutter, ni durer. Ces cahiers de musique étaient autographiés, mais de façon si défectueuse, que tel soprano de ces chorales d’écoliers goguenards ne sut jamais si le titre du seul chœur qu’il eut à interpréter était : le Chant des fleurs ou le Chant des fileurs ! Infortunés professeurs et discoureurs, à quoi bon vos apostolats et la sueur de vos fronts !

Les affaires du textile sont prospères. Les industries heureuses n’ayant point d’histoire, on ne signalera que les nouvelles firmes apparues au soleil rémois : Théodore Baudet et Jules Berthe, Pinon frères, au 14 de la rue Saint-Symphorien ; Lemoine-Brabant père & fils, avec usine à Bazancourt et sur le boulevard Cérès [3], et bureaux rue du Levant[4], 3.

Pour les laines, Louis Gay & Cie, rue Noël, 3, et magasins rue du Jard, 8 ; Fulgence Ponsart et Maurice Barrois, rue Clicquot-Bervache, 10.

Pour la vente des tissus, Henri Picart & Cie, rue Saint-Symphorien. Est dissoute la firme Godbert & L. Bernard. La marque Ponsin aîné, Thuillier & Jacquemart prend le nom de Thuillier-Ponsin & Jacquemart-Ponsin. On vend aux enchères publiques le matériel de fabrication provenant de la faillite de Stanislas Vigoureux.

Tel épeutisseur de Pontf averger comparaît devant le Tribunal correctionnel de Reims, présidé par Henri Robillard, ayant pour assesseurs Louis Caussin de Perceval et Luzier-Lamothe ; comme substitut, Aug. Vaney, et commis-greffier Romagny. L’indélicat industriel est condamné pour avoir livré à la Société des Déchets, 384 kilos de laine lavée, dans lesquels on expertise 15 % de poussière et de cendre de bois. Pichenaude qui ouvrira l’œil aux trop malins !

Les menus faits locaux ne sont point de ceux qui bouleversent une population. Le 1er bataillon de voltigeurs du 53e de ligne prend la place du 90e.

On met en vente, rue de Pouilly, quatre tableaux de Détouche : Le Satyre, Une partie de lanquenet, Épisode de la vie de Richelieu, Épisode de la vie de Colbert. Les amateurs se les arrachent à bon prix, Détouche ayant déjà pris à cette époque sa bonne place au palmarès des peintres de talent appelés à faire honneur à notre cité, dans la postérité.

Apparaissent aux étalages de librairie-papeterie ces feuilles coloriées qui, sous le nom de décalcomanie, vulgarisent une invention appelée, pendant des années, à divertir les enfants sages et de tempérament lymphatique et à apaiser l’hubris des moutards trop vifs, joueurs et bruyants. Aucune enfance n’a ignoré cet amusement.

Ambroise Petit commence son apostolat musical en instituant chez lui, rue Neuve, 166, un cours de chant, patronné par la Sainte-Cécile.

Anatole Lagarde est nommé imprimeur sur lettre et libraire, en remplacement de son beau-père Huet, rue de l’Arbalète, 22, lequel, en philosophe désabusé des industries du papier sacrifie à la blonde Cérès en se livrant à la culture à Neuflize, dans les Ardennes, – non toutefois sans s’être, lui illettré, assuré le concours d’un chef agricole. Les railleurs et les médisants ont prétendu qu’en dépit de ses efforts, il n’avait jamais su tirer deux moutures d’un sac de blé !

Apparaissent les premiers wagons à couloirs sur la ligne ferrée de Paris à Strasbourg. On commence les travaux de la ligne Reims-Châlons par Mourmelon et le Camp de Châlons. Ce vaste champ de manœuvres reçoit, en août, la visite inaugurale de Napoléon III, qui y passe la revue des premières troupes du cantonnement. Des courses équestres militaires y attirent une affluence d’officiers de cavalerie et d’éleveurs de chevaux de tous les points de la France.

Le cardinal Gousset fulmine contre la Vie de Jésus de Ernest Renan. Le bon Meurger, qui rédige la chronique musicale dans le Courrier de la Champagne, après avoir risqué l’éloge du pistonniste Lambin dans le Stabat Mater, de Rossini, exécuté en concert philharmonique, se lamente sur la rareté des violonistes à Reims. Leur nombre va toujours décroissant : la jeunesse a pris l’amour immodéré des cuivres, qui font plus de bruit et dont l’apprentissage ne fatigue pas les méninges en exigeant peu de temps : on ne trouve plus que des altistes, des trompettistes, des saxhornistes et saxotrombistes, – produits français de la culture wagnérienne.

Le jour où la Municipalité aura réussi à doter Reims d’une salle de théâtre où l’on puisse chanter l’opéra, il faudra se passer d’orchestre à cordes ! on s’imagine difficilement un orchestre à vent pour jouer le Chalet, le Domino noir et la Dame blanche !

Les oisifs qui ont le temps de s’occuper de politique, commencent à murmurer le nom d’un avocat déjà réputé pour sa faconde du barreau de Paris. On susurre entre deux chopes mousseuses Tassigny, ou deux chopines de Villedommange, le nom de Gambetta.

L’orthographe de ce nom est douteuse ; les uns disent Gambitta. Ce salivaire génial vient de défendre au Tribunal de commerce parisien les frères Bacri, exportateurs de produits algériens, boulevard Montmartre, à l’enseigne du Prophète Mahomet, accusés d’avoir vendu pour de l’ambre une matière qui se calcine au feu. Gambitta explique aux fumeurs de pipes du monde entier, qu’il serait vain de croire à la présence de l’ambre réel dans le commerce, attendu qu’il n’est qu’une déjection d’animaux marins difficile à se procurer. Ce qu’on vend aux fumeurs pour de l’ambre véritable n’en est qu’une imitation, appelée écume de mer. À distance, nos contemporains ne seront peut-être pas fâchés de ce renseignement donné bénévolement par l’homme qui devint le Messie de notre IIIe République.

En ces temps d’égalité sociale sous le régime napoléonien, le service militaire était obligatoire, pendant sept années, pour tous.

Sept ans ! On prenait le jeune Français à son plus bel âge, à ces vingt ans qui sont l’éblouissement de la vie humaine, pour l’encaserner et le discipliner aux œuvres de combat pour la sécurité et l’existence de la Patrie. Dette sacrée, due par tous !

Mais tous ne la payaient pas : il y avait avec les nécessités légales, mille accommodements qui permettaient à la majeure partie de la population française d’échapper à ce pesant et ruineux impôt qui se nourrit des restes de la liberté humaine ligotée et saccagée, par la faute des hommes.

Parmi l’un de ces nombreux moyens, nullement à la portée de toutes les bourses, le moins glorieux et le plus vulgaire à la fois consistait à acheter un remplaçant. Pour la modique somme de 2.400 francs, le mauvais gagnant à la loterie du tirage au sort pouvait racheter sept années de liberté et du bonheur de vivre dans le travail sain et rémunéré !

Les pacifistes avaient à Reims, en 1863, un assureur militaire en la personne d’un nommé Gerson-Lévy, marchand d’hommes comme d’autres sont marchands de bestiaux...

Quel chemin parcouru depuis ! et que de matière à réflexions !

La crise du logement existait déjà à cette époque. Petit-Demange, rue de Châtivesle, 56, à grand renfort d’annonces, recherche un rez-de-chaussée pour y établir un commerce de détaillant en mercerie et, véritable gâcheur de métier, offre de payer six mois à l’avance ! Nos propriétaires d’aujourd’hui se mettraient rapidement d’accord avec lui sous ce rapport.

Souris-Quénet, tapissier, rue Neuve[5], met en vente des machines à coudre de tous modèles, pouvant marquer de 1200 à 2000 points à la minute. La prodigieuse Elias Howe allait faire son apparition sur le marché rémois, et le gros Doyen en gérer un dépôt dans la rue du Bourg-Saint-Denis.

La société de canotage les Régates rémoises lance son premier bateau à vapeur – construit à Montmort – sur les eaux du Canal.

Le nom de J.-B. Langlet, qui deviendra dans la suite des âges, si cher aux cœurs rémois, fait son apparition sur les feuilles publiques : il vient d’obtenir, en deuxième année, une mention honorable au concours de fin de classes à l’École de Médecine.

Eugène Wiet, directeur d’une école primaire supérieure, rue de la Clef[6], fondée en 1854, bat le rappel des pensionnaires en vantant la supériorité de ses produits et le nombre de ses élèves primés dans les Écoles supérieures.

La concurrence était vive, au grand profit de la collectivité, entre les divers établissements populaires d’enseignement : écoles libres, écoles mutuelles, école des Frères de J.-B. de La Salle.

De ces challenges intellectuels est issue la forte génération, imbue d’idéalisme et de vues élevées, qui consolida en France le régime républicain, de 1875 à 1900. Ceux qui étudient le mouvement des idées en vue d’en extraire la méthode idéale d’éducation d’un peuple ne sauraient négliger de telles constatations et en faire leur profit.

Édouard Drumont insinue quelque part, dans ses Souvenirs, que les hommes de la Commune sont précisément sortis des écoles communales primaires, et notamment, en majeure partie, furent les élèves des Frères de la Doctrine chrétienne ! Ne nous en montrons pas trop surpris !

Les mêmes chercheurs de quintessence prétendent qu’en année de bon vin, les mariages d’inclination furent toujours nombreux. 1863 n’est pas pour affaiblir leur théorie : nos jeunes Rémois se précipitaient passionnément vers les douceurs de l’hyménée.

Parmi les unions qu’eurent à consacrer les officiers de l’état civil et bénir les pasteurs de nos religions d’État, citons le jeune et fringant Eugène Gosset, 26 ans, place Royale, n° 8, et Mlle Triquet, 18 ans, de la ferme de Richecourt.

En même temps, Jacques Géry, 23, rue Coquebert, et demoiselle Ehringer, rue de Vesle, 156 bis.

Puis, c’est le père Melchior Nitzsché, si bien connu des lycéens auxquels il enseigna les langues vivantes, notamment le boche, et qui, à 55 ans, convola avec une veuve consolable, Adèle Guinot, qu’il avait connue et appréciée pour ses qualités culinaires en fréquentant la pension alimentaire dirigée par cette personne, rue du Levant, 10. Nitzsché (atchoum) est mort en 1886, à 78 ans.

Le négociant David épouse Mlle de Lossy.

Louis-Arsène Fanart, 28 ans, rue de la Renfermerie, 4, associe son nom fameux parmi les artistes rémois à celui de Rivart, non moins honoré.

Charles Barbelet, qui devait inaugurer dans nos murs la fameuse Tisane mousseuse de Champagne à 1 fr. 25 la bouteille, dont s’arroseront ses huîtres de Marennes et ses escargots réputés, marie le tonneau à la lingerie. Le Café Charles, de la place Royale, germait déjà en ses méninges avisées, et tous les gourmets rémois de sa génération lui en vouèrent une reconnaissance sans limite.

Adolphe Main, épicier, rue Neuve, 116, s’unit à demoiselle Dupuy, de Osly-Courtil (Aisne). Il était originaire du pays de Champfleury, Laon, et se montra parfois dans sa sphère intellectuelle, non moins original que cet écrivain humoristique.

Main fut un des plus ardents protagonistes et généreux mécènes de l’Orphéon des Enfants de Saint-Remi, dont le directeur, Ambroise Petit, était l’un de ses meilleurs amis. D’une amabilité extrême et de caractère enjoué, il devint populaire dans son quartier et parmi une clientèle étendue qui lui resta fidèle de son vivant.

De jambes courtes, il était obligé de se hausser sur la pointe des pieds pour atteindre une chaise de son séant. La tête allongée en forme de pain de sucre, – métier oblige ! – il s’exerçait habilement à plisser la peau du front pour faire danser son chapeau-melon à la façon d’une barque de pêcheur sur les eaux d’un océan.

Napoléonien enragé, il gardait une horreur invincible de tout le personnel républicain qui renversa l’Empire. Il témoigna publiquement de cette antipathie lors du changement de dénomination de sa rue. Et ses factures portèrent en en-tête : A. Main, rue Neuve, dite Gambetta. Hormis ce léger travers, homme inoffensif à tous degrés, et excellent citoyen.

Philippot, le marchand de dariolles de la rue de l’Étape, prend femme, vu le bon marché de la farine, dont le quintal est à 34 francs.

Aussi le récent négociant en laines Léon Favart, qui entre dans la famille des Lhotelain : on aura sans peine du pain et de la bonne laine à matelas.

Un charpentier de bois, aussi célèbre par son pantalon de velours à la hussarde, ses longs cheveux plats à la Corse et son vaste feutre mou que par sa voix de muezzin (ténor remarquable à la Cathédrale et à l’Union Chorale), Sagnier, enfant du Barbâtre, épouse une aimable et jeune rentrayeuse de la rue Montlaurent. Ah ! celui-là resta bien de Par-en-Haut toute sa vie.

Te souviens-tu, lecteur, des larmes qu’il t’arrachait lorsqu’avec trois de ses compères en robe de mousseline blanche fripée, il lançait aux voûtes de nos églises, les clameurs de désolation du De Profundis ! de Hardoin, – chef-d’œuvre du genre, si poignant, qui t’écrasait sur la stalle du chœur où la mort de quelque être cher t’avait fait échouer ?

Ah ! cet Hardoin ! son De Profundis ! et ces visions de l’abîme ! Les défunts même en tressaillaient dans leur cercueil !

L’accordeur de pianos Hector Manceaux, aux yeux de saphir et que la perruque aux longs anneaux guettait déjà, se prête lui-même à de charmantes accordailles.

Les blagueurs, nombreux dans le tissu, ont toujours prétendu que le père Senart-Colombier signait tous ses actes d’état civil du nom social : Senart & Cie. C’est une vaste fumisterie ! Achille Honoré, de ce nom, 26 ans, rue de Talleyrand, 23, épousera, en 1863, Mathilde Martin, dont le nom faisait partie de cette célèbre firme rémoise de tissus.

Le notaire Neveux, rue du Trésor, 3, décide, avec une délicieuse Châlonnaise à laquelle ont plu ses yeux et ses cheveux d’un noir de jais, sa haute carrure et la noblesse de son beau visage tout rond et sympathique, qu’ils donneront un jour à notre bonne ville de Reims un de ses enfants les plus glorieux, celui qui, pendant la guerre, fut le sauveur des richesses de nos musées, en même temps que le consolateur des proscrits, ce Thierry Seneuse, dont la douce enfance s’était écoulée à l’ombre des hautes et glorieuses tours de la Merveille. Que Thierry Seneuse soit loué à jamais pour son hymne à notre chère petite patrie commune !

Les morts allaient vite aussi, et luttaient avec les vivants.

C’est en 1863 que décèdent Charles Farre[7], la comtesse de Chevigné, fille de l’immortelle veuve Clicquot ; Louis-Hippolyte Andrès, ex-fabricant, rue de La Salle, 5; Alexandre Henrot, médecin des Pauvres, dont le nom évoque une lignée d’incomparables serviteurs de la cité ; Hippolyte Puyo, directeur de filature au Mont-Dieu, et l’agriculteur urbaniste Charpentier-Courtin ; Jean-Nicolas Ponsin, le vieil artiste peintre rémois, professeur de dessin au Collège, qui meurt à 86 ans, au n° 13 de la rue de Venise, avec une infinité d’autres concitoyens du genre crafouillat et de moindre importance au point de vue œuvres sociales et sonorité des noms propres.

Toutefois, notons le décès de la veuve Détourbay, née Koska, 56 ans, rue Neuve, n° 91, sans doute la mère[8] de cette remarquable femme qui fut la comtesse de Loynes. Le libraire Ernest Renart, Rémois de Maisons-Alfort, insère la notule suivante dans son catalogue d’ouvrages concernant Reims, à propos du livre de A. Meyer : Ce que je peux dire :

"Jeanne Detourbay, née à Reims, de modestes ouvriers, protégée par le prince Napoléon et éduquée par Sainte-Beuve, amie de Jules Lemaitre, joua un rôle de premier plan dans l’aventure boulangiste."

En 1863, le prince Napoléon était venu, avec son cousin l’Empereur, inaugurer la ligne ferrée de Reims au Camp de Châlons.

Ch. Gaudier, dans le Progrès de l’Est (I9I3-I4), affirme que la future comtesse de Loynes rinçait les bouteilles, en sa prime jeunesse, dans une maison de champagne de Reims.

Ce nom de Détourbay réapparut ces derniers temps à l’occasion du procès Paul Meunier ; il est porté par la femme de Hans Bossard.

Sait-on ce que coûtait la houille, il y a soixante ans ? 1 fr. à 1 fr. 85 l’hectolitre pesant 80 kilos, pris à Mons, en Belgique. Le transport coûtait 0 fr. 28 par tonne et par kilomètre, plus 1 fr. 60 à la tonne pour chargement.

Le pharmacien-herboriste Schmit-Féry, rue de Vesle, 17, livrait une sangsue pour cinq sous, son huile de foie de morue pour 2 fr. 50 le litre et sa graine de moutarde pour 1 fr. le demi-kilo.

Au Grand-Prophète, Bernard, qui avait à cette époque un coupeur originaire d’Aix-la-Chapelle, Fégers, habitant chez le bottier Vermonet-Legros, rue du Bourg-Saint-Denis, 96, et espion boche, livrait un habit noir de cérémonie, en taupeline de Sedan ou drap d’Elbeuf, depuis 35 fr. jusqu’à 75 fr., le reste à l’avenant. Allons offrir ces prix-là à nos habilleurs d’après-guerre : on sera bien reçu !

Un geste de solidarié économique remarquable, unique dans nos annales : Lister et Holden, du peignage anglais, offrent un banquet en l’honneur de l’Empereur, le 15 août, à 600 ouvriers, chez le père Fagot, à Rilly-la-Montagne. Un bon point, c’est tout, mais combien d’imaginations vont faire le trajet de Reims à la Montagne, et revivre des heures joyeuses et consolantes !

Reims, qui avait entrepris de nombreux travaux de voirie sous l’impulsion de son vigoureux bourgmestre, se glorifie, au 31 décembre 1863, de ses 55.808 habitants, et de son importance qui les classe, après Metz, au 16e rang des villes de France. Son ardeur à croître le devait amener rapidement à dépasser ses rivales !

[1] Aujourd’hui rue Buirette.

[2] Devenue rue Chanzy en 1884.

[3] Devenu boulevard de la Paix en 1906.

[4] Devenue rue Marie-Stuart en 1925.

[5] Devenue rue Gambetta en 1884.

[6] Rue disparue lors de la création du cours Jean-Baptiste Langlet.

[7] Plus exactement le 26 décembre 1862.

[8] Il s’agit ici, en fait, de la tante de la comtesse de Loynes, et non de sa mère.