Notices 1899 à 1908

12/04/2007 - Lu 8388 fois

Décès de La Vie Rémoise, par Eugène Dupont, de 1899 à 1908

1899

Au Champ des Morts, relevons des corps sans vie qui vont prendre la tête d’un cortège impressionnant, à la fois par le nombre et par la qualité des « de cujus ». Labeur ingrat infligé à la plume de tout mémorialiste qui se respecte et a le cœur tendre !

Le 30 décembre 1898 avait disparu de notre Forum rémois la citoyenne Angèle Gavet, épouse de Léon Brocart, épicier-dépositaire des Potin, place des Marchés, 48. Âgée de 34 ans, elle était fille des Gavet-Provignon, de la même confrérie que détesta Marat, des « voleurs sournois », disait-il.

Viennent ensuite : Marie Lucie Paroissien, nonagénaire, rue de Thillois, 53.

Barthélémy Glad-Picard, de Metz, plombier rue Andrieux, 47, anciennement rue de Mars, inventeur de la pompe à bière qui porte son nom.

Nicolas Mougenot, 73 ans, capitaine d’infanterie en retraite rue de Trianon, 28. Dix ans auparavant, il habitait rue Ponsardin, 60, au 2ème étage, où le remplaça le jeune ménage Julien Jennesseaux, jusqu’en 1914.

En janvier, on inhume la dépouille du vieil Édouard Nonnon, type des plus remarquables de l’industrie rémoise, décédé à 81 ans.

Théodore Dubourg-Maldan, fils du médecin philanthrope bien connu et aimé des Rémois, gendre d’Alfred de Tassigny, rue Cérès, 18, et cultivateur à Longvoisin (Aisne) ; il avait beaucoup voyagé et, comme on dit, pierre qui roule n’amasse pas mousse.

Obsèques civiles de l’ex-député Dr Thomas-Rouget, 73 ans, boulevard de la République, 15.

Léon Victor Rousselle-Auzou, 49 ans, couvreur et pompier haut en couleur, rue Boulard, 19.

Le « papa Ogée », l’un de nos meilleurs « types rémois », chroniqueur au « Courrier de la Champagne », préparateur au volontariat, tenant pension pédagogique, ex-prix de rhétorique au Lycée en 1844, époux de Caroline Hesse, contralto à la Philharmonique, tous deux père et mère de trois charmantes filles qui seront des musiciennes accomplies, Jeanne, Marguerite, Fernande, caracoleuses et amazones accomplies également, et une autre, Berthe, issue d’un premier lit, qu’on a vu filer à la Côte d’Azur le parfaite amour avec Félix Stenger, violoncelliste réputé et père de deux fils, Henri et Charles, musiciens de talent, – la mère elle-même étant pianiste. Pierre Adolphe Ogée décède le 10 février à 73 ans, rue Libergier, 75. Ils eurent un fils, Adolphe, dont le sort est inconnu de la majorité de nos Rémois. Brave homme dans la force du terme, mais du coup presque neutre, bénéficiant de toutes les agapes officielles, modeste comme il convenait. Madame est une forte gaillarde, ayant mené rudement la barque conjugale, et, de ce fait, ayant obtenu de la nature le duvet sous-nasal inhérent aux fonctions masculines. Avec cela, une de ces voix mâles qui, sous un nez et un front olympiens, feraient rentrer dans un trou le mari récalcitrant. Gardons un souvenir ému à la mémoire de ce couple sympathique, qui eut l’heur de donner à Reims les plus aimables et jolies créatures du sexe adoré !

Marie Nathalie Malhanche, de Pontfaverger, 60 ans, veuve Jourdain, « marchandeur » et entrepreneur de triage, mort au bout d’une corde peu auparavant, paraît-il ! – Elle avait un frère, Théodule, trieur à la firme Lelarge, où son fils était employé à l’usine du boulevard Saint-Marceaux, 11.

Jean-François Denizet, chefs trieurs jadis chez Édouard Leget, rue du Levant, 7, 56 ans, avenue de Laon, 306, au « Vieux-Coq », cabaret dont il avait pris la gestion. Bon type, un peu « licheur », ce qui l’entraîna dans la tombe prématurément.

Jean-Baptiste Cury, 62 ans, propriétaire rue de l’Écu, 34.

Jacques Mauvigné, 89 ans, rue du Jard, 148, chez son gendre Roby père, maçon, et tous originaires de la Creuse. Il était aïeul de Thérèse Roby, épouse Albert Dubois.

Célestine Élisa Geoffroy, veuve du père Geoffroy, trieur en son temps, chez son gendre Lesieur, trieur et propriétaire rue des Murs, 28, un gaillard fort et « membru », aux muscles d’athlète, originaire de Mazerny (Ardennes), aux mains d’acier, qui eût étranglé un bœuf entre ses bras, travailleur acharné, geignant, en été, de voir commencer la journée de travail seulement à six heures du matin, alors que le soleil éclairait le monde depuis trois heures déjà. « On perd le plus beau du jour ! » S’exclamait-il, désolé, levant ses longs bras de chimpanzé au Ciel, en signe de protestation. Ceci se passait sur le seuil de l’usine Collet frères & Meunier, boulevard Saint-Marceaux, parmi le groupe des trieurs attendant que sonnât l’heure fatidique du travail. Les trieurs étant payés « aux pièces », à 3 fr. 25 les cent kilos, il piétinait de ne pas être à l’œuvre dès le « petit jour », comme aux champs, en temps de moisson. On a dit ailleurs quelques mots à propos du pénible travail de manutention auquel les trieurs étaient astreints en cette usine. Rien n’y était prévu pour aider à la peine des hommes. Même à 40 ans, en pleine force musculaire, on franchissait la porte de l’usine comme à regret, sachant ce qui attendait le travailleur, et de quel courage il fallait s’armer pour s’atteler à la besogne, en vue de « faire une bonne journée ». Ceux qui gagnent leur vie à de vulgaires écritures de bureau, ignoreront toujours ce qu’est le mérite de l’ouvrier manuel producteur de richesses au profit des autres, et le péché qu’ils commettent en manifestant un injuste dédain pour ceux qui « ont les mains sales » !

Victor Lemoine, rentier et ex-directeur d’usine, meurt subitement le 7 avril, sous le péristyle du Théâtre, à 74 ans : il habitait rue Hincmar, 44.

Julienne Allain, 81 ans, veuve du tailleur Reigneron (voir « Échos et Visions »), et mère du tailleur Édouard Reigneron, rue Saint-André, 36.

Le père Weinmann, 77 ans, marchand d’habits rue de Vesle, 2, le père de la belle Sarah, qui avait tant fait parler d’elle. Grand, à perruque noire frisée, type du Juif élégant et soigneux de sa personne, tête à la Porto-Riche. Sa femme, petite et aussi noire de cheveux que blanche de peau, avait dû être fort belle à la fleur de ses 20 ans. Weinmann était sur le pas de sa porte plus souvent qu’à sa boutique, se complaisant à la vivante image du défilé des passants, très nombreux en cet endroit central, à l’angle du Clou-dans-le-Fer ; il gardait le mètre en mains, cependant, symbole du métier, et comme prêt « à prendre mesure » à quelque client hypothétiques. Simon Blendheim, son gendre, avait rendu vitalité à son commerce en le renflouant de son or.

Latarget le musicien, qui venait de prendre sa retraite, meurt à 59 ans, rue Tronsson-Ducoudray, 4, dans les dépendances du Théâtre.

Jules Souris, ex-élève des Frères de la rue Large et flûtiste aux Pompiers, sous Bazin, 49 ans rue de Vesle, 107, où il tient atelier de lingerie, comme son beau-frère Cruel-Souris, de la rue Chanzy.

Jeanne Marie Clémentine Barbier, épouse de Alfred Boulogne, 60 ans, rue Hincmar, 7.

Victor Bachelart, le petit Bossu, directeur d’usine Grévin, rue Brûlée, veuf d’une Tissot, 79 ans, rue Cocquebert, 23. Fit partie d’une phalange d’intelligents et ingénieux contremaîtres qui assurèrent pendant des années la renommée et la prospérité des tissus de Reims : il était grand ami de Désiré Lambert, le professeur de dessin industriel, et père de deux fils, Victor et Clovis, qui allaient à l’école du Jard.

Louis Émile Bray-Caurette, 51 ans, modeste « fabricotiau » rue du Levant, 8, apoplectique. Il était père d’un garçon qui mourut en 1930 à Montaigu (Aisne), courtier en tissus, qui eut un temps un dépôt de marchandises avenue Jean-Jaurès, 29, au rez-de-chaussée sur cour, où habitent, au premier étage, les époux Dubois-Roby. La fille des Bray habite, en 1935, à Montaigu, près de Camille Albeau, veuve Émile Petit, qui avait été sa voisine, en 1886, rue du Levant, 6.

Albert Brion, tissus, 44 ans, chez son beau-père Eugène Gosset, des laines, place Godinot, 6. Fin tragique et volontaire.

L’un des Harmel du Val-des-Bois, Félix, 42 ans. Bel homme, grand gaillard au poil et aux yeux d’un noir d’ébène, au regard hypnotisant que certain éphèbe de 14 ans, au visage frais et à l’aspect candide, petit commis aux écritures, en 1873, chez Edmond Givelet, place Belle-Tour, se rappelle avoir vu dardé sur lui, comme pour happer sa chair tendre. Quel levain fermentait donc, sous ce crâne aux deux lumières vivaces ?

Auguste Théophile Cogne-Richard, 51 ans, charcutier rue de Monsieur, 8, angle rue Nanteuil. Très bel homme aux rares cheveux blonds et bouclés, dont la beauté suscitait l’éveil craintif d’une épouse qui songe à son bien, une maritorne impérieuse est impressionnante. Il meurt volontairement, à l’émoi de tous ! Son fils, ex-associé à Bréart, du Buffet de la Gare à Reims, est en 1935, à la tête d’un restaurant champêtre réputé ; à Bellevue, en Montagne de Reims, passé Montchenot. Le mémorialiste se souvient qu’à chaque visite de son cousin, Achille Breton, bourrelier à Hauviné (Ardennes), en passe d’emplettes chez le corroyeur Corneille-Givelet, rue Colbert, on allait faire le déjeuner « à la fourchette » chez Cogne, dans l’arrière-boutique prenant jour rue Nanteuil, en y dégustant, avec un piquant « rouge » ou « blanc de pays », le jambonneau chaud ou le « petit salé » fumant !

L’électricien Henri Guillemart, rue Clovis, 87, est tué par la foudre, le 16 juillet, en rase campagne, à Pontgivart.

César Auguste Damide-Brocvelle, chimiste, 82 ans, rue Dieu-Lumière, 17 ; figure rémoise bien connue.

Et cette autre : Armand Auguste Mennesson-Champagne, 86 ans, rue de Talleyrand, 22, père de Louis l’avocat et de Marie, tous deux célibataires, encore des nôtres en 1932. Cette figure fait partie de l’histoire contemporaine de Reims.

Albert Bouché-Frérot, 45 ans, courtier en laines, rue Notre-Dame-de-l’Épine, 4. Bon gros type, blond, adipeux, rosé et fleuri, buvant sec et bon, fondateur, avec Loilier et Bonjean, des Ventes publiques de laines, en 1891, aux Magasins-Généraux (voir « La Laine de France », par Eugène Dupont).

Julie Clémence Lejeune, veuve Vavasseur, fleuriste, rue de Talleyrand, 4, après l’avoir été rue Chanzy, 75. Ses deux filles avaient épousé les frères Auguste et Jules Roby.

Firmin Charbonneaux, 70 ans, à Villers-Allerand, le 18 août. Maître-verrier, habitant rue Chanzy, 98. Reims lui connut des rapports de généreux mécène, à la Larivaudière, avec certaine délicate et jolie hétaïre rémoise du nom de Thérèse Treiber, – Manon dont il fut le « fermier-général » en remplacement de nombreux Des Grieux fort peu argentés. La vie est courte : qui blâmerait ceux qui peuvent en profiter ? Les Charbonneaux rémois sont originaires de Wasigny (Ardennes). Firmin avait été d’abord instituteur, puis vétérinaire ; enfin, fabricant de savon, comme et avec Ernest. En 1870, il installa une verrerie à Reims, rue Saint-Léonard, laquelle a pris l’extension que l’on sait. Il avait épousé Léonie Devivaise, et devint propriétaire du domaine de Murigny. Son fils Émile a épousé une Henrot.

Jules Polonceaux-Regnault, 76 ans, rue Legendre, 6. L’un des « gros » bouchers de Reims, père d’Adrien et de la vicomtesse de Grandsaigne, – ces deux grands diables « qui n’en finisse point », si connus de leurs concitoyens, pour leur originalité d’allure et de caractère, leurs occupations variées, leur intrusion dans des domaines plus ou moins artistiques qui leur étaient plutôt étrangers, et passionnés pour les beaux chevaux et les fluets équipages. Ils passait aisément de la boucherie à la construction d’immeubles, et Adrien, dont la barbe en source de fleuve voltige encore de nos jours au zéphir champenois, se trouvait, en 1914, à la tête d’un hôtel-restaurant, rue Robert-de-Coucy, qu’il avait baptisé « Commerce et Métropole ». L’établissement avait été primitivement appelé « Commerce ». Ces derniers mois (34-35), Polonceaux a fait reconstruire des logements domestiques en vue de locataires qui se « font plutôt tirer l’oreille ». Les temps sont durs ! Cette famille pourrait fournir une matière abondante à quelque mémorialiste à court. Le petit orgue de Notre-Dame fut inauguré au mariage d’une fille d’Adrien avec le fils Clément Karlerskind, du « Buffet » de Charleville.

Irénée Lelièvre, 68 ans, rue de Courlancy, 115. Fait partie de la matière historique contemporaine de la population rémoise. Ancien mécanicien-constructeur dans la rue de Vesle, il fut le « self-man » proprement dit, issu du peuple ouvrier, et ayant acquis en ses heures de loisir le savoir qui devait le faire approcher des classes instruites et lettrées, autant que scientifiques. Ils s’était attaché aux études astronomiques. C’était un type au physique proudhonien, brun et barbus à peau bistrée, portant de larges lunettes, et de carrure épaisse, tassée, athlétique. Les Lelièvre furent longtemps habitants du Jard, et d’aucuns y logèrent au n° 22, au-dessus de la charcuterie Dupont-Lhote.

Ernest Pochonnet-Gaillet, fabricant de molleton, 53 ans, rue des Capucins, 63. Originaire du Berry, il avait sa teinturerie d’échées rue de l’Université, sur l’emplacement où fut l’église Saint-Étienne, et précédemment occupé par Joseph Salaire, père de Maurice. Ces fabricants s’enrichirent dans la spécialité du « manteau », sorte de tissu à carreaux pour « plaids » écossais, et du molleton, excellente étoffe d’hiver que portèrent longtemps les Rémoises de la classe moyenne, en « caracos » chauds et lainés, faits avec de la « blousse » de laine française. Le tricot à maille l’a remplacé sans l’égaler.

À 38 ans, décède à la maison de santé de Châlons l’aimable « enfant de l’Amour » que fut Eugène Victor Duverger, fils de dame Fortunat, qui l’avait conçu avant mariage. Ce fils de Vénus avait tous les charmes physiques de Cupidon, du cupidon de Prudhon, non trop grassouillet, à la façon d’un Ganymède, ce poulet de Bresse pour le Vatel de Jupiter, mais un éphèbe délicat à la peau douce et ambrée, appelant les baisers. Son camarade à l’école du Jard, Camille Venain, contait hier encore, à d’autres condisciples de la même école, l’aventure qui leur survint à tous deux, un jour d’école buissonnière, où ils étaient censés assister à la classe de dessin du Frère Hector, ils s’étaient installés au jeu de billard chez le cafetier Daumouche, rue de l’Étape. Mme Fortunat, étant venu dénicher son « gamin » et ayant enlevé de ce lieu de perdition, Venain était resté seul en face du farouche cabaretier, lequel ne connaissait qu’une chose ; être payé ! Or, Venain n’avait pas un sou en poche. Terrible situation tranchée par le dépôt ès-mains de Daumouche d’un « oignon » en métal blanc, fruit des étrennes de l’année précédente. Le père Venain, qui était alors peintre rue Chanzy, y alla sans trop de fracas des frais de la buissonnière. Ces Venain sont de Ville-en-Tardenois. Venus à Reims, le peintre reprit le fonds de Merlin, rue Chanzy, alors Bourg-Saint-Denis. Camille épousa l’aînée des demoiselles Pothier, filles d’Étienne, employé chez Lelarge, rue des Trois-Raisinets. La cadette, Émélie, fut la femme du musicien Paul Dazy ; la troisième, Rose, est l’épouse d’un dentiste Vignot, à Saint-Brieuc. En 1914, Camille avait son atelier et sa demeure rue des Fusiliers ; il était veuf. Il se réfugia à Paris, rue de la Gaîté, chez sa sœur, épouse de Gaston Choisy, qui avait été horloger à l’angle de la rue Hincmar, et avait installé là une grosse horloge, laquelle disparut quelques années avant-guerre, au temps ou Dauzet avait succédé à Choisy. Ce dernier mourut après guerre, et Camille l’a suivi dans sa retraite à Marseille. De là, il vient de temps en temps à Reims, pour toucher des loyers, notamment celui de la rue des Fusiliers, où il était venu après guerre ; ses amis le rencontrent alors au cabaret Habran-Tayot, le « Lion de Belfort », et recueillent avec plaisir ses anecdotes du temps passé, – car, il est un conteur plein d’esprit. En 1919, on ne lui eût pas donné six mois à vivre, à la suite d’une crise prolongée de diabète, qu’il a vaincue avec verve, comme un bon Champenois qu’il est. Et il vogue vers sa 76e, commençant à se croire immortel ! Lui serrent la main, en passant, ces diplodocus : Élie Culotteau, 85 ans, Vitry, 82 ans, et Eugène Dupont, le copain du Jard, qui va sur ses 77 ! Justes Cieux ! D’aucuns les considèrent tous avec étonnement. « Encore là, ces Vieux ! »

Mme Wibrotte, 82 ans, rue des Fusiliers, 22, mère de Julie Wibrotte, directeur de l’école du Jard.

Louis Véron, 63 ans, rue Hincmar, 55, comptable-liquidateur. Gras et bedonnant, n’aurait que gagner à maigrir quelque peu ; mais, ces sédentaires, que guettent la constipation et l’infection intestinale !

Gabreau-Faupin, ex-fabricant, 84 ans, rue Saint-Thierry. Sompinat ou Suippat, illettré à plaisir, qui, ayant besoin d’un dictionnaire, – pas pour lui, évidemment ! – va chez Paul Giret, libraire de l’Académie nationale de Reims, rue du Cadran-Saint-Pierre, et, à la demande de ce marchand sur le nom de l’auteur désiré ou préféré, répond, en dessinant une dimension de ses deux mains : « Pas plus haut que çà ! » À un ouvrier lui demandant un emploi, et qui lui détaille tout ce qu’il saurait faire, le congédie avec cette bonne parole, qu’il croit sans doute, adroite et spirituelle : « Mon garçon, vous êtes trop capable pour moi ! » Ineffable brute ! En dernier lieu, il avait fait construire une usine boulevards Gerbert, non loin de la rue de Sillery, et monter en chapiteau, sur la haute cheminée en brique rouge, une sorte de diadème en fer forgé, coûtant 500 fr. Mme Gabreau, aussi rustre, donnant une soirée dans son appartement rue du Levant, s’adressant à une invitée, Madame veuve Tourneur-Saingery, de haute taille, qui allait passer sous le lustre du salon : « Oh ! chère Madame, prenez garde de vous « buquer » ! Et cent autres blagues du même genre. Celle-ci, encore : en omnibus, au receveur qui lui réclame sa « correspondance » : « Vous vous foutez de moi, mon gaillard ! Vous montrer ma correspondance ! vous en avez du toupet ! » Tirons l’échelle.

Pierre Ferdinand de Guerne, 53 ans, boucher-fondateur, avec Gustave de Bohan, des « Boucheries agricoles » (voir « Mémorial de Fresne »), chez son gendre Majot, avenue de Laon, 161. Ce Majot était comptable chez Gabreau Jeune, fabricant à Saint-Quentin, dont les magasins de vente étaient rue des Trois-Raisinets, sous le commis Ernest, gros réjoui aux cheveux blonds bouclés, dont on disait que la « patronne » était férue. Gabreau Jeune, par égard à son aîné le précédent, était autrement intelligent que son frère. Connaissant la laine à fond, il avait son propre peignage à Saint-Quentin, dont les « blousses » étaient particulièrement prisées par la fabrique de Sedan, et achetées le plus souvent par Edmond Dupont, marchand de laines en cette ville depuis 1887. C’est lui qui nous indiqua la façon la plus avantageuse d’utiliser la laine en mélangeant toujours de la laine en suint avec la laine lavée d’Australie, dite « scoured ». Le rendement en lavé en est toujours plus élevé, et la matière n’en a que plus de douceur au toucher. Dans cette rue des Trois-Raisinets, Gabreau et Legros Jeune occupaient une partie des bâtiments ayant appartenu aux Pères Cordeliers, et dont le grand mur s’allongeait rue de l’Isle. Mathieu Bernheim, marchand de laines, rue de Mâcon, avait transformé en magasin l’ancien cloître de ces religieux, dont il n’est resté après la guerre que des vestiges utilisés pour un jardin public.

Paul Naudin-Henriet, ex-fabricant, 63 ans, boulevard de la République, 77. Père du lainier Henry Naudin.

Victor Alard-Rousseau, 66 ans, rue Chanzy, 75, propriétaire de cette vaste maison (voir « Échos et Visions du Passé »). Alard était violoniste ; assez long de taille, voûté prématurément, binocle sur le nez, moustache à la Gauloise, fine, barbiche au menton. Il terminait ses jours en faisant du courtage de laines filées, arpentant nos rues de ses longues jambes aux pieds feutrés, sous le bras les petits paquets bleus qui trahissent la fonction. Sa femme était des plus modestes et charitables, tenant ses distances un peu dédaigneusement vis-à-vis des menues gens du voisinage, mais foncièrement bonne. Son époux, au contraire, passait pour être un « pingre ».

Le père Lagache (Louis Lysandre), 61 ans, rue de Pontgivart, 2, prédécesseur au Jard de l’instituteur Wibrotte.

Jeanne Léonie Morlet, 23 ans, rue Saint-Pierre-les-Dames, 13, fille du chef trieur défunt Alexis Morlet, mort volontairement peu de mois auparavant, accusant d’ingratitude ses patrons, Adolphe Prévost & Cie.

Adolphe Mittnacht, 53 ans, boucher avenue de Laon, 232 après l’avoir été quelque temps rue du Jard, 26. Alsacien d’origine, il avait débuté à Reims chez le boucher de la rue Chanzy Weill, en même temps que Désiré Dupont, lequel manœuvrant maladroitement, un matin, son « feuillard », se l’introduisit bien mal à propos dans la fesse droite, comme il l’eût fait dans un « cimier » de bœuf ! Weill eut deux fils, dont le plus jeune, Salomon, dit Edmond, s’était réfugié pendant la guerre à Saint-Étienne et y tint un restaurant, qu’il quitta en 1920 pour reprendre, dans la ville en ruines où il était né, l’Hôtel du Nord.

Alfred de Tassigny, 68 ans, ex-brasseur et capitaine des Pompiers, qui vivait à Pourru-Saint-Remi (Ardennes), meurt à Reméhan. Son nom et sa vie appartiennent à l’histoire contemporaine de notre Cité.

Lucie Adeline Anduze, 60 ans, à la Maison de retraite, veuve de Gustave Bazin. Grande et belle femme, yeux bistrés, cheveux noirs argentés. On disait du couple : C’est une « belle paire ! »

Jacques Anatole Chemin-Fournay, rue de Saint-Brice, 2, marchand de laines, décédé à 50 ans dans une maison de santé, à Paris. Folie des « grandeurs ». Après avoir débuté chez Oury-Dufayt, boulevard Cérès, en compagnie de Lartilleux, comptable, il en quitta avec ce dernier pour s’installer à son compte rue Cérès, à l’endroit même où fut percée la rue Bonhomme. Il continuait la spécialité des laines fines d’Australie, en « scoured » – qui veut dire « lavé à fond à l’eau chaude ». À la disparition de la firme, les deux fils Lartilleux, Henri et Lucien, reprirent la marque en occupant les locaux précédemment habités par le lainier Henry Mennesson, esplanade Cérès, ayant à leur service, – car ils ignoraient alors tout de leur métier –, Édouard Poursain, Émile Sistel et Eugène Picart. Peu avant-guerre, la maison s’éteignit, après le décès de Henri. Anatole Chemin était le frère d’Aline, de l’Embarcadère, mariée au capitaine du 45e R.I. à Laon, Bernard Homps, et, par suite, mère du poète et écrivain rémois Enguerrand Homps, de l’Académie nationale de Reims, rentier-jardinier rue de Courlancy, 137, époux de Mlle Declercq, de Ypres.

Alexandre de Bary, 45 ans, boulevard Lundy, 17, dont l’hôtel fut incendié en février 1889, héritier de la marque de champagne vendue aux Mumm en 1866, et fondée par son père et Max de Guaïta. « Tu ne scandaliseras point ton prochain ! » précepte biblique dont ce seigneur de la Régence se souciait comme d’une guigne. Reims résonna du bruit de ses turpitudes galantes ; comme le Régent, il choisissait ses vestales dans l’ordure faubourienne, et sa principale héritière fut la grosse, grasse et blonde, si mal embouchée, poissarde d’instinct, Eugénie Boucher, habitante du bel hôtel à son nom du boulevard Jules-César. Chacun règle sa vie comme son tempérament et son éducation le lui permettent. On n’a jamais entendu dire que ce citoyen ait fait don d’un centime à la cité où il trouva la fortune. Sa dépouille fut incinérée au Père-Lachaise. Il avait un frère moins dissolu, Louis, dit Loulou, qui fut lieutenant de louveterie, et, le Diable nous emporte ! chevalier de la Légion d’honneur, ayant fondé rue des Fusiliers, une imprimerie d’art. Il était de la même promotion que le lainier Eugène Gosset, – dosage des mieux réussis, l’un faisant digérer l’autre. Telles sont les grandeurs humaines de nos jours !

Louise Buffet, épouse Louis Pommery, sœur du fabricant Charles Buffet, 52 ans, rue Vauthier-le-Noir, 7, décède à Cannes, dans la villa familiale, vendue après-guerre, vers 1930, à la suite de la crise des « champagnes ».

Marie Adèle Bourquin, veuve Gaspard Alvin, ex-trieur, comptable chez le lainier Charles Billet, décède chez son fils Prosper, de la firme Fourmon, et rue des Orphelins, 34.

Louise Desprez, veuve Godin, rue de Charleville, 9, fille du feu Dr Jean-Baptiste Desprez, dont la mémoire fut chère à tant de Rémois qu’il avait aidés à entrer dans la vie !

François Xima, de Metz, 48 ans, cantinier au 132e, époux de Marie A. Égloff. Ernest leur fils est employé dans les tissus.

Mlle Clémentine de Laprairie, célibataire de 69 ans, rue du Petit-Four, 20, âme généreuse et ardente, sœur de Mme de Hédouville, et ayant assisté son père jusqu’à ses derniers jours, rue Jeanne-d’Arc, 11. Un frère fit la désolation de cette famille puritaine, par sa vie plutôt dépenaillée. Ils eurent longtemps pour servante fidèle une certaine Sophie Dupont, de Liry, morte en 1900 rue des Augustins, 12. Elle était fille de Gargoteux et de Henriette Félicité Gerdret, dits De Laprairie, propriétaires à Vrigny ; les Hédouville étaient à Montigny-sur-Vesle.

Philippe Mailland, de Besançon, 82 ans, tailleur, rue de Montbré, 16, veuf de Clémence Benoist, et père de Clovis Mailland, ténor d’opéra, mort à Alger.

Pour mémoire, Charles Latarget, 59 ans, de Bazancourt, inspecteur receveur des Droits de place, chef démissionnaire du personnel au Théâtre, époux d’Eugénie Berthelot, sœur du serrurier. Son fils, musicien au Théâtre et aux Pompiers, Charles Eugène est employé à la Mairie, rue Bacquenois, 25, où il a, comme chef de bureau, Adrien Ludovic Villain, 51 ans.

Eugène Pirsch, 44 ans, comptable, place Ruinart, 10, veuf de Denise Gérard. Ex-élève des Frères rue Large, sous le Frère Narsès, noir de peau et de poil, à forte moustache de grenadier. Jouait de l’alto à la musique des Frères et aux Pompiers. Témoins : Désirée Dosithée Buiron, son voisin du même âge, rond-de-cuir chez les Grandjean, et ex-condisciple à l’École d’Honneur du Jard. Adolphe Dugras, mesureur de tissus rue Ponsardin, 48.

Claude Marie Fontaine, 79 ans, rue du Jard, 86, époux de Catherine Naviaux, 69 ans, et fils de Fontaine-Gallay, originaire de Faverges (Haute-Savoie). Fut maître-ramoneur rue Neuve, 4. Il meurt de sénilité et de la vessie ; son fils aîné Jules, périra de la même infection en 1921, malgré les soins du Dr Louis Fontaine, son petit-fils. Son cadet fut Joseph, et le dernier, Léon ; il eut une fille, encore de ce monde en 1925, dans sa maison du Jard.

Auguste Houpin, 81 ans, associé apprêteur, né à Buyon-Plachy (Somme), veuf en premières noces de Hortense Petit, et en secondes noces de Victoire Laure Mongrenier, qui, paraît-il, était quelquefois dans les vignes du Seigneur. Il habita longtemps rue du Jard, 21. Sa première femme était fille de cadet Petit, de Liry, frère de Véronique Petit, mère de Louis Joseph Dupont, trieur de laines ; elle mourut jeune. Assez « cascadeuse », elle fréquentait, étant fille, le bal du Trianon, avec des amies telles que Joséphine Rousseau, qui épousa Auguste Petit, constructeur de la rue Petit-Roland, et Francine Balteau, mariée avec Pierre Dubois, typographe et écrivain rémois, dont l’histoire été écrite (voir « Pierre Dubois », 1911).

Angélique Antoinette Châtelain, de Saint-Juvin (Ardennes), veuve de Remi Godefroy, et fille de Antoine Châtelain-Collin ; elle habitait rue Landouzy, 41. À la mort de son fils Amédée, elle allait tous les jeudis ravauder les chaussettes d’un ami de son regretté fils, Eugène Dupont, rue de Contrai, et y déjeunait, afin de faciliter l’éclosion de souvenirs endeuillés du défunt, ami de la maison. Inhumée au cimetière de l’Est, auprès d’Amédée, ses cendres ont été dévastées et jetées au vent, avec celles de l’aimé, par les obus allemands qui saccagèrent cette nécropole. L’accompagnent à sa dernière demeure son plus jeune fils Vallantin, 44 ans, cocher de louage, rue de Brimont, 75, et son gendre Larrieu, cocher, rue de Beine, mais anciennement rue de Vesle, maison du restaurateur Lina.

Pierre Charvesse, mégissier rue de Vesle, 247, de Lavialle (Haute-Loire), époux de Joséphine Chabat ; son successeur, Salmon, est propriétaire d’une marque de champagne.

Maria Karolina Di Mainone, 47 ans, professeur de langues, place Royale, 6. Native de Dresde, comme Mme Charles Marteau, elle meurt l’Hôtel-Dieu.

Eusèbe Lecrique, de Suippes, lainier, relevé le 2 mai de la Meuse, écluse des Grands-Malades, à Namur. Fils de Lecrique-Souris, mari d’Irma Noblin. L’un des professionnels de la laine les plus compétents, acheteur à Londres pour Leclère-Bourgeois et autres. Court, râblé, peu communicatif, expert en la matière.

Louise Marie Baptiste, fille de Jean et de Louise Céline a Buÿck, épouse de Pierre Joseph Martin Macabies, de Perpignan, bouchonnier, rue des Élus, 15, qui, lui, décédera à Reims, rue Ponsardin, à 87 ans. Macabies, à l’armistice, rentra à Reims et habita rue du Jard, 46, d’où il venait boire son demi de bière et faire son « piquet » journellement avec son ami le beau Leclercq, de la Maison de retraite, au « Café Français », rue de Contrai, 1, tenu alors par son fils Houdinet. La maman Baptiste-Buÿck était fruitière rue de Vesle, 236.

Augustin Grandvarlet, 82 ans, rue Savoye, 25, ex-épailleur de laines, veuf de Jeanne Thérèse Manceaux, fils de Grandvarlet-Parizy, beau-père de Damery, représentant en vins.

Jules Warnier, 72 ans, rue Werlé, 1, veuf d’Élisa David, et fils de Warnier-Brégeault. Homme public, sur lequel il a été abondamment épilogué, en tant qu’ex-député à l’Assemblée nationale et négociant en tissus.

Charles Adonis Faille, de Juniville, 70 ans, rue Chanzy, 83, avec jardin ayant porte sur rue des Fusiliers (voir « Échos des Visions »). Époux de Estelle Mongrenier, 65 ans, et fils de Eugène Faille et de Clotilde Hurault. De ceux dont on dit qu’ils sont « médecin des chevaux de bois », plus affairé autour d’une chopine de vin qu’après quelque malade ou estropié d’occasion. Les années 1880-99 le virent attablé au « Vieux-Tableau », cabaret du père Girard, fréquenté par de vieilles coteries aimant à conter leurs fredaines du jeune temps, en fumant la pipe ou la cigarette, et faisant la partie d’un piquet interminable avec le serrurier Quenot, le musicien François Gautier et autres, tous gais lurons et au nez rubicond. Girard mort avait été dignement remplacé par Brugère, à cet angle du faubourg Fléchambault et du chemin des Bains. Mlle Mongrenier, maîtresse femme, et « digonneuse » émérite, veillait au potage et aux choses domestiques. Un jour qu’elle avait embauché une pauvre vieille, aussi sinon plus âgée qu’elle, pour balayer son ruisseau des Fusiliers, elle voulut guider sa servante haillonneuse dans l’ exercice de ses basses fonctions. La riposte fut brève et péremptoire : « Foutez-moi la paix ! vous ne m’apprendrez pas à faire mon métier ! » et le paquet de haillons secouait une tête irritée et redressait sa galoche de menton à poils follets. Dès lors, Mlle Mongrenier fila doux !

Aphrodise Théophile Habert, 77 ans, de Sormery (Yonne), rue de Charleville, 9, veuf d’Adèle Pétel. Ex-notaire, donateur est conservateur du Musée archéologique qui porte son nom. Il a des cousins, héritiers : Maximilien Gérard, ex-instituteur à Sormery, et Louis Robil, carrossier à Saint-Florentin.

Jeanne Françoise Tortrat, 88 ans, rue Marlot, 5, veuve Pierre Cadot-Tortrat, fille de Jacques Tortrat-Tisserand. Le tombeau de cette famille, au Cimetière du Nord, est honoré d’un monument en marbre dessiné par Ernest Kalas. Un fils Tortrat a remplacé la demeure maternelle rue du Couchant, 3, par un immeuble muni de nombreux garages.

Le 17 août : Henri Dallier, 77 ans, comptable rue Thiers, 32, époux de Eugénie Adèle Victoire Lengrand, qui a 72 ans. Fils de Pierre Louis Dallier et Marie Rose Bonnette, jadis fripiers et antiquaires sur le Rang-Sacré, et père de Henri Dallier le musicien, organiste à Saint-Eustache de Paris et à Sainte-Clotilde et la Madeleine, et de Constance, épouse, sur le tard, de Millérioux, à Cagnes (Alpes-Maritimes).

Pochonnet, cité plus haut, était de Dun-le-Roi (Cher) et époux de Léonie Gaillet, 46 ans.

Joseph Bocheux, 75 ans, de Saint-Quentin, à la Maison de retraite, veuf de Jeanne Héloïse Boulonnois. Habitait dans l’immeuble médiéval dit maison des Anglais, détruit depuis. C’est le directeur Auguste Grégoire, ex-commissaire de police, qui prendra soin de sa dépouille, à défaut de parenté.

Léon Gilbert Couttolenc, 58 ans, de Paris, professeur de chimie au Lycée, à la maison de santé à Châlons.

Marie Estelle Chauvry, 23 ans, rue Brûlée, 42, fille du musicien. Son frère Henri, musicien, 37 ans, habite rue de Vesle, 33, et Léopold Caillot, neveu de Nocton-Baudet, ce dernier beau-frère de Chauvry père, a le même âge, est comptable chez Neuville frère. Pendant guerre, il sera photographe à Fontainebleau !

Marcellin Séverin Hutin, 81 ans, ex-tisseur, de Laigny (Ardennes), veuf de Ursule Aspasie Maresse, fils de Hutin-Anciaux, mort le 20 septembre. Jadis, exploitait un théâtre de marionnettes au n° 17 rue du Jard (voir « Rue du Jard »).

Françoise Cuny, de Mets, rue des Fusiliers, 62, tante de Jules Wibrotte, veuve de Armand Wibrotte. Témoins : Ernest Urbain, cordonnier du quartier, et Ernest Decroix, marchand de chaussures, 24 ans, rue de Arbalète, 32.

Détoulet, 58 ans, rue du Barbâtre, 199, trieur au chantier Lelarge, boulevard Saint-Marceaux, phtisique. On l’inhume au Cimetière du Sud, et, pour honorer sa mémoire, ses collègues, qui connaissent ses goûts, ont prié le boulanger Pierlot, à l’angle Anot-Dieu-Lumière, de leur cuire des darioles, que l’on mangera à l’issue de la cérémonie funèbre, chez le cabaretier Paillotin. Ce fut une occasion de célébrer les vertus et de rire des travers du défunt, au demeurant le meilleur camarade d’atelier. Il avait épousé Berthe Léonie Camus, fille d’un trieur, dont il eut un fils, Ernest, menuisier.

Antoine Stanislas Rufin Niverd, de Coulonges-en-Tardenois (Aisne), 87 ans, veuf de Rosalie Hennequin. Il est hospitalisé aux Petites-Sœurs des Pauvres.

Abraham Mendel, de Grosbliederstroff (Moselle), 43 ans, époux de Hélène Lambert, et frère de Salomon Mendel, 32 ans, fondé de pouvoirs chez Alexandre de Bary, rue Sainte-Marguerite, 8. Il a un beau-frère, Alexandre Marter, 63 ans, rue des Capucins, 10.

Jean Anatole Ibry, de Coulommiers, 86 ans, rue Marlot, 18, époux de Francine Goulet, et ex-associé d’Henri Gand, fabricant rue Brûlée.

Alfred Ragot-Blaise, de Metz, 33 ans, charbonnier, Faubourg-Cérès, 17.

Le 14 décembre, à deux heures du soir, à l’Hôtel-Dieu, et dans un cabanon, le trieur et clarinettiste aux Pompiers Léon Templie, ex-sergent-major au 104e R.I. Né à Reims, rue Brûlée, le 6 mars 1860, époux de Zéna Adélaïde Étienne, dite Zéna Papillot, rentrayeuse chez le large, rue des Trois-Raisinets (voir « Échos et Visions du Passé », le Théâtre des Variétés). Très beau garçon, comme ses sœurs étaient très belles filles, au teint mat, peau fine et blanche, presque imberbe, « chair à plaisir » livré aux amoureuses, fort et travailleur, ex-élève des Frères du Jard, instruit et d’un bagage intellectuel dépassant de beaucoup la moyenne des « manuels ». Il faisait partie, à l’époque, du triage Collet frères & Meunier, boulevard Saint-Marceaux, et habitait rue du Barbâtre, angle Saint-Maurice, au 2e étage. Quelques jours avant sa mort, atteint de la folie des grandeurs, et se disant millionnaire, il passa rue des Fusiliers, 41, chez son ami le trieur Eugène Dupont, en compagnie de sa brûlante épouse Zéna. Celle-ci, en arrière de lui, fit un signe indiquant qu’il était « loufdingue », comme dirent alors ses collègues. Et il offrit au camarade un voyage en sa compagnie en Belgique, où l’on devait parvenir par la voie maritime. Pour le rassurer sur les dangers de mauvaises rencontres, il sortit soudain de sa poche un revolver, qu’il braqua dans la direction de l’ami, alors peu rassuré, de ce fait. « Et, tu sais, si on veut nous attaquer, voilà de quoi se défendre ! » Qu’il eut appuyer sur la gâchette, et… Couic ! l’interpellé ! Avec prudence, on promit de se préparer de suite au départ, mais en le priant d’achever ses visites en ville, notamment chez son beau-frère Maugin, des tissus. De cette manière, on pourrait être prêt quand il le serait lui-même. Inutile d’affirmer que ce fut avec un réel soulagement qu’on referma la porte sur cet indésirable visiteur, et le verrou fut tiré en hâte. Son épouse était d’un tempérament enflammé, et il n’eût pas suffi à éteindre ses feux ; aussi, avait-elle gardé des poires pour sa soif en ville. De belle taille, bien tournée, peau fraîche, mais desservie par une denture en saillie sur des lèvres pourpres, des yeux à faire baisser le regard de ceux qui les affrontaient, vive, le parler volubile, une « passionnée » ! en un mot, elle lui rendait la vie fort animée parfois, – car, si elle partageait volontiers l’affection de la « foule », elle eût voulu conserver pour son usage personnel son Antinoüs. Disons qu’ils se « cocufièrent » mutuellement, avec une ardeur sans pareille : il y fut vaincu ! Coquets l’un et l’autre, portés sur la toilette et travaillant pour y suffire, lui, à la claie du trieur, elle l’aiguille de la rentrayeuse en mains, avec, peut-être quelques suppléments d’ordre plus général. Un neveu de Jonathan Holden avait coutume de dire : « Tout le monde l’a eue » ! Il exagérait, et un interlocuteur lui avait un jour répondu : « Tous moins un : moi ! » Tout cela n’enlève rien aux qualités qu’à côté des défauts chacun de nous possède, à des doses variables, et la Mort règle toutes ces questions. Léon avait fait partie de l’orchestre des Variétés au temps où son ami Eugène Dupont en était chef. Il habitait au 118 rue du Barbâtre, au-dessus du pharmacien Cougout. Zéna était remariée et habitait à Paris en 1914.

Henri Pothier, 63 ans, chantre et contrebassiste à Notre-Dame, époux d’Adeline Joséphine Vion, rue Gambetta, 64. Il avait deux fils, Émile et Edmond, qui furent élèves au Jard. Son frère aîné, Étienne, était aux tissus chez Lelarge, et beau-père de Paul Dazy, chez lequel il devait mourir, rue de Contrai, 8.

Aristide Barthélemy (Léon), 41 ans, agent de locations, avenue de Laon, 3, originaire de Poilcourt, époux d’Éléonore Pauline Cailliez.

Nicolas Georges Despicq, 69 ans, débitant buraliste à Cormontreuil.

Du père Ogée, disons qu’il était fils d’Ambroise et Marie Jeanne Dupont. Son fils est, en 1899, artiste peintre à Paris, faubourg Montmartre, a 52 ans, et porte prénoms Charles Adolphe.

Caroline Grandremy, de Cormicy, 81 ans, rue Jacquart, 50, veuve de Jean-Baptiste Blaise, dit Destables, ex-cabaretier à « Saint-Roch » rue du Barbâtre, où se rencontraient Émile Godret, dit Bazières, Henri Rochet, trieur, dont la mère tint la première des succursales des Établissements Économiques à la fondation, et au siège du Barbâtre. – Un petit-fils, Charles Blaise, dit Destables, fut dans les « champagnes » à Épernay, et, à Reims, avait appris le violoncelle par Abel Lajoye, où il fit partie du « quatuor », puis de la Philharmonique. – Le père de celui-ci, Jean-Baptiste était employé rue de l’Union-Foncière, 16, à La Haubette.

Émile Colson-Cleiren, du Jard, peintre, perd un frère, Eugène Louis, peintre, 36 ans, rue des Carmélites, époux de Marie Sidonie Kieffer, rentrayeuse, et fils de Colson-Chéruy. Émile mourut jeune encore dans la rue Brûlée, 64.

Louise Adèle Cerf, 76 ans, rue du Cloître, 13, veuve Wieszeniewski, fille d’Étienne Cerf-Cordier, et sœur du chanoine Cerf.

Jeanne Nicolle Clarisse Desingly, de Sommepy, 69 ans, rue des Écrevées, 3. Son mari a 71 ans, Jean-François Leloup, chef-trieur chez Collet frères & Lucien Meunier, boulevard Saint-Marceaux. Brave et honnête homme s’il en est, ce vieillard maigre, au teint rosé, les cheveux blancs, mais d’une incompréhension remarquable de la responsabilité de ceux qui détiennent des possibilités de bien ou de mal envers ceux qui peinent sous leurs ordres. Aussi, les trieurs eurent souvent à suer sang et eau pour des « manutentions » pénibles qu’il eût pu leur éviter avec quelque bonté d’âme et quelque intelligence. Mais ce vieux paysan sans culture avait chevillée en sont fruste cerveau cette devise inhumaine parce que trop divine : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ! » Ce précepte ne s’applique aux enfants des hommes nés dans la culotte d’un travailleur de la plèbe. On ne fera jamais assez pour en adoucir les rigueurs !

Benoît Albert Israël, dit Aron, 32 ans, né à Alger, comme Alexandre, de Aaron Israël, 70 ans, et de Rose Israël, 60 ans, et employé de commerce. À présumer de sa parenté proche avec le sénateur actuel de l’Aube ?

Enfin, nous fermerons ce cahier noir sur un nom de bien rémois, quoique le bonhomme fut natif du pays des gros haricots Jacquot, de Soissons : Auguste Jourdain de Muizon, 60 ans, et de Clotilde Joséphine Marie Dauphinot.

Requiescant in pace !

1900

Des Morts à foison ! La Barque à Caron n’y suffirait point ! Bocquillon, qui avait son lexique personnel, dirait : “des rabeutlées !” dans sa “Lanterne” sans mèche. Ah ! cette “Lanterne” qui était à celle de Rochefort comme la Lune au Soleil ! Quel pauvre style, voulu ! quels dessins à la plume, à la portée des simples ! quelle présentation naïve ! mais quelles vérités, et sans avoir l’air d’y toucher ! Nous en avions pour nos deux sous. Et Alphonse Humbert, de la “Commune”, dut y gagner gros, cependant. Avec quelques journées de geôle, semble-t-il nous souvenir ? On a mieux, de nos jours, mais il ne déplairait pas de retrouver quelque équivalent. Passons.

Debout les Morts ! ces morts qui furent l’ultime proie d’un siècle aux abois.

Jules Palloteau, 73 ans, ex-apprêteur, veuf de Hortense Guyotin, rue de la Prison, 5.

Gustave Le Bâcle, de Jugon (Côtes-du-Nord), 51 ans, grand et gros homme congestif, qui s’évertuait à faire apprécier aux Rémois un vin clair et léger de Loir-et-Cher à 0.40 le litre, en ses celliers de rue de la Justice. Époux de Julie Virginie Geoffroy.

Louis Paul de Clédat, déjà nommé, 54 ans, lieutenant-colonel au 132e.

Marie Rose Pigeon, 34 ans, chez son père Paul Pigeon, fileur, 66 ans, rue de Venise, 40, veuve de Louis Aubry, de la maladie même qui l’emporte.

Apolline Balsamie Barbelet, de Bétheny, 49 ans, épouse séparée de Alfred Chédeville, charcutier rue de l’Université, puis rue de Cernay, fille de Barbelet-Prévoteaux.

L’ex-notaire Émile Marguet, 76 ans, à Courcelles Saint-Brice, chez son fils Pol, époux de Élisa Lucas, fils de Marguet-Henriot.

Jeanne Sarah Aron, de Nîmes, 23 ans, épouse de Salomon Mendel, fille du rabbin de Lunéville, Michel Maurice Aron et de Eugénie Rothschild. Mendel est l’homme de confiance de Alexandre de Bary, qui, en présence de sa Vénus Elvire Boucher, traitait grossièrement son comptable d’un mot ignoble, parce qu’il voulait remettre à son patron un pourboire de “fournisseur”, soit 1000 francs !

Eugène Habran, 58 ans, caissier de banque, époux de Justine Léontine Gérard, fils de Habran-Bougie. Son frère Jean-Baptiste est architecte rue Clovis, 16, et son beau-frère, Louis Alfred Gérard, architecte rue de Courlancy, 25.

Pierre Chabrolle, débitant-logeur rue de Contrai, 2, 50 ans, époux de Marguerite Noël.

Anne Greig Paton, de Broughy-Berry (Écosse), 53 ans, épouse de Jean Lewthwaithe, directeur du peignage Isaac Holden, rue des Moissons, 27, 48 ans, fille de Paton-Jameieson.

Le 2 décembre, mort de Ernest Alby, 42 ans, époux de Maria Adrian, et scribe au bureau de l’État civil, à Reims. Il venait de marier sa fille Désirée.

Arthur Désiré Maussant, 53 ans, peintre, rue Chanzy, 56, époux de Delphine Lambert, 46 ans, qui, elle, décédera rue des Fusiliers, 33, où elle cohabitait avec le propriétaire, Camille Venain, veuf, en 1925-26. Adepte du spiritisme, elle faisait tourner les tables, et communiquait avec les esprits défunts ! Morte, sa passion va pouvoir se satisfaire in anima vili.

Alfred Pothé, 66 ans, rue du Jard, 96, époux séparé de Adélaïde Sophie Ponsin, 70 ans, couturière. Ex-comptable chez le lainier Gadiot, il décède à l’Hôtel-Dieu le 27 décembre 1900. Son fils Charles, relieur, suit son cercueil avec un ami, Eugène Dupont. Les Pothé furent des enfants du Jard.

Jean Remi Queutelot, de Aure (Ardennes), 80 ans, rue Landouzy, 52, veuf de Catherine Raulin, et père de Prudent Queutelot, enfant du Jard, ayant terminé ses classes à l’école des Frères à Saint-Thomas sous le Frère Alode, avec les Debossu, Prenat, etc. Attaché au bureau d’architecture à l’Hôtel de Ville, Remi Queutelot avait contribué, avec Auguste Petit, à bâtir les premières maisons aux approches du Jard, dans la rue des Capucins.

Louis Justin Sohet, de Monceau (Belgique), rue Marlot, 6, 58 ans, époux de Anne Backes. Eut deux fils, dont l’aîné entra à la Société des Déchets, et le cadet dans les tissus, comme son père. Élèves au Jard.

Isidore Charbonneaux, des tissus, 70 ans, rue Boulard, 17, époux de Julie Thoreau, et fils de Charbonneaux-Denizet.

Dr Arthur Decès, 68 ans, rue Chanzy, 70, dont on ne dira jamais tout le bien qu’il mérita. Son fils Charles Marie, qui avait débuté dans la médecine, entra ensuite chez les Pères Jésuites. Son gendre, le médecin Georges Colleville, 45 ans, rue de l’Université 14, viendra habiter avec Anna Lochet, sa belle-mère, rue Chanzy, et, après-guerre, restera à Paris.

Albert Jolly, 63 ans, adjoint au Maire, décède subitement sur les marches du péristyle, au Théâtre, le 18 mars.

Numance Valery Rézelles, de Serzy, 56 ans, rue de Courlancy, 32, époux de Isabelle Clotilde Picard, père de Émile Gustave, 31 ans, métreur, rue de La Salle, 6 (Voir “La petite Fafa”, de Léon Niclot, Almanach Matot-Braine). Ami du dessinateur Alfred Lemoine, 42 ans, rue Lasage, 2.

Léon Chauffert, des tissus, rue Chanzy, 6, époux de Marie Léonie Régnier, fils de Charles Hubert, 70 ans. Beau-père de son associé Paul Érard.

Zoé Vitry, de Suippes, 76 ans, épouse de Eugène Leblanc, 84 ans, ex-courtier en laines, rue David, 18. En 1884, Leblanc était trieur au chantier Picard-Goulet fils. La défunte était fille de Vitry-Blanchin.

Alfred Gigot, 48 ans, de la laine, ex-placier pour Albert Marteau, puis Renard & Garnier, et finalement à son compte, associé à Dupuy, rue de Vesle, 30. Témoins : Edmond Ries, son beau-frère, des tissus, comme aussi Prosper Alvin.

Lazare Immanuel, de Sedan, soldeur de tissus, rue Cérès, 63, 55 ans, époux de Lucienne Alice Lévy.

Louis Delsuc, des tissus, de Pierry, 65 ans, fils de Delsuc-Lafrance, rue de Talleyrand, 47, veuf de Claire Lefebvre. Témoins : son fils Raymond et Jules Tavernier, voyageur en tissus, rue Colbert, 33. – 428e décès de l’année, le 21 février !

Marie Élisa Péchenet, de Marvaux, 66 ans, rue des Augustins, 10, veuve de Constant Colmart, marchand de déchets de laine, ayant eu son bureau rue du Barbâtre, 5, et ses magasins au n° 12. Aux obsèques de Colmart à Saint-Maurice, tout ce que la laine comptait de courtiers et de bons vivants était présent ; mais causèrent une sorte de scandale en quittant l’église dès que le mort y eût pénétré avec sa famille proche, son fils Nestor et son neveu Constant. Le suisse, désolé, s’était efforcé de les retenir : “Restez au moins à UN !” La défunte était fille de Philippe Péchenet-Garrot. Nestor Colmart, qui avait pris la suite des affaires, ne réussit pas. On le vit brigadier secrétaire de police et, avant 1914, habitant à Gratreuil, chez ses beaux-parents, les Fournel. Il mourut à Fronville (Haute-Marne), en exil. Un de ses fils fut tué alors qu’il revenait en permission, par un avion allemand ayant bombardé son train. Les deux autres sont à Gratreuil depuis 1919 : Georges et Fernand (Voir Almanach Matot-Braine, “Un mariage à Gratreuil” en 1920). Le neveu Constant Colmart fut acheteur à Londres pour la Société des Déchets et eut un fils, enfant du Jard, Maurice, sous-lieutenant, mort sur le front. Un autre, Honoré, blessé de guerre, est à la Société des Déchets caissier (Licencié en 1935 avec tout le personnel, en raison de la crise lainière).

Un 1207e décès : Georges Bentley, de Guernesey, 79 ans, sellier au peignage Isaac Holden, habitant cité des Anglais, rue Houzeau-Muiron, veuf de Jeanne Warey, fils de Bentley-Armstrong, père de Jean, contremaître. Témoins : Jean Gledhill, ingénieur à l’usine. – En 1915, Jean était contremaître à Suresnes, chez Darracq, fabricant d’avions ; il rendit là de grands services aux Réfugiés rémois, notamment aux trieurs sans emploi.

Myrtil Archambeau, 39 ans, chef-vigneron à Murigny, né à Pouzieux (Vienne), époux de Marie Lavergne, couturière.

Jean-Baptiste Gayet, de Grandpré, trieur, 83 ans, veuf de Zélie Manichon, fils de Thomas Gayet et Charlotte Verdelot. Décède le 23 février, à la Maison de retraite. Étant trieur à l’usine Rogelet, sous Ponce Bonneterre, l’excellent violoniste et compositeur de musique de danse, il dirigea, des années, le bal-musette de Ragaut, rue de Neufchâtel, avec son “Salomon”, qui devint propriété de son 2e violoniste, Eugène Dupont. Grand et sec comme un sarment de vigne, il ne sortait de ses cartons quelque danse nouvelle seulement lorsqu’il l’avait étudiée et apprise par cœur. L’orchestre sous ses ordres, de 1876 à 1879, était composé d’excellents musiciens : le “père” Collard, ex-zouave, clarinette, septuagénaire ; Lecomte et Détré, pistons ; Rivière, ophicléide ; Louis Coutier, tambour ; Visé, trombone ; Caÿde, contrebasse, et le 2e violon déjà cité, lequel gagnait là l’argent qui devait lui permettre, en octobre 1879, de faire son volontariat au 91e R.I.

Jules Charbonneaux, 44 ans, placier en toutes marchandises, sans valeur sociale mais aimable garçon, rue Chabaud, 13, où il est voisin des Lutta et de la veuve Pierre Dubois-Balteau (Voir “Pierre Dubois”, 1911). Fils de Charbonneaux-Compas et époux de Louise Varlet.

Alfred Ruotte, de Troyes, 56 ans, placier en laines, rue des Consuls, 1, époux de Victorine Rose Hupin. Leur fille, très belle blonde et gracieuse, reprit la “marmotte” de son père et fit, à son tour, la “place” en fabrique et négoce.

Stanislas Gabreau, dit Gabreau Jeune, de Jonchery-sur-Suippe, 74 ans, fabricant rue des Trois-Raisinets, époux de Germaine Bourgoin, une “gaillarde” à moustaches, fils de Gabreau-Lorin. Grand, barbu blanchi sous le harnais, une compétence remarquable en laines et fabrication, eut son usine à Saint-Quentin, où les salaires étaient moins élevés encore qu’à Reims.

Un trieur surnommé “le disque” en raison de la couleur de son visage boutonneux, Henri Coupin, de Saint-Michel (Aisne), célibataire et rentier “au pain de seigle”, rue Legendre, 14, mort à l’Hôtel-Dieu.

Le graveur rémois réputé Charles Wéry-Mennesson, 68 ans, de Sedan, fils de Wéry-Gaunier, rue de Pouilly, 8. Son successeur Louis Sevestre habitait alors rue de Mars, 61.

Jules Jourdain, de Pontfaverger, 35 ans, rue de Chevigné, 1, veuf de Estelle Vasson, fille elle-même d’un trieur, et époux de Amélie Guijon, couturière. Mort à l’Hôtel-Dieu. Fut, avec son père et son frère Paul, un de ces “marchandeurs” qui sont la plaie du triage et des exploiteurs éhontés de l’ouvrier !

Henri Labori, de Strasbourg, né le 26 novembre 1853, et père de l’avocat Labori . Inspecteur à la Compagnie de l’Est, à Charleville, il décède le 7 août place d’Erlon. Fils de feue Mademoiselle Labori. Témoin : Henri Brundsaux, chef à la Petite Vitesse.

Émile Albeau, 54 ans, entrepreneur de bâtiment issu d’une famille de plafonneurs, veuf de Flavy Héry, époux de Pauline Olympe Lamoitié, 46 ans, couturière rue Carnot ; fils d’Albeau-Darcq. Eut une fille, Camille, de son premier mariage, qui épousa en 1885 Émile Petit, de la laine, rue du Levant, 6, dont il eut 2 enfants : un garçon, Émile, mort à Lomé (Togo) le 6 novembre 1918 et Yvonne, mariée en 1920 à Fernand Colmart, à Gratreuil. De son second mariage, il eut 2 filles, dont l’une, Berthe, épousa en secondes noces, après guerre, Émile Deveaux, architecte, décédé depuis. Berthe était marchande mercière à Dijon, rue de la Liberté, en 1914, quand son mari fut mobilisé. Prisonnier libéré, celui-ci ne rejoignit pas le domicile conjugal, et un divorce dut intervenir. Deveaux était lui-même divorcé d’Émélie Collinet, fille du peintre rémois bien connu et apprécié.

Le Dr Alphonse Panis, 70 ans, rue du Jard, 19, accoucheur réputé, veuf d’Élisa de Montigny, fils de Celse Joseph Panis-Lundy, d’origine belge.

Eugénie Adrian, 51 ans, épinceteuse, de Sedan ; veuve de Charles Jeannette, anciennement rue Brûlée, 42, et rue Tournebonneau, 38 ; elle était la sœur aînée de Maria Adrian, veuve de Ernest Alby.

Camille Cassier, 35 ans, de Bar-le-Duc, adjudant au 13e R.I. à Tananarive. Fit partie de la Société des Arts lyrique et dramatique, au Théâtre des Variétés (Voir “Échos et Visions du Passé »).

Marie Nicole Herbé, 61 ans, rue de l’Étape, 9, chez son fils Henri, pianiste, veuve du “Tombeur des Ténors”, le jardinier du Jard, Victor Herbé, et fille de Herbé-Bombaron.

Jules Mellinette, des tissus, 49 ans, rue des Fusiliers, 49, époux de Julie Lucie Moreau, fille de Moreau-Thirion. Témoins : André Stocanne, 37 ans, de la firme Prieur & Mellinette ; François Clérein, 38 ans, tapissier, rue de Vesle, 39.

Jean Touny, 79 ans, de Chateleux-le-Marcheix (Creuse), maçon, époux de Marie Dizier, rue Brûlée, 14, fils de Touny-Couty. A un fils qui fut élève au Jard, et architecte-entrepreneur, restaurateur du bâtiment de la Brasserie Poterlet, reprise par Classens.

Jules Thibault, 24 ans, rue Libergier, 2, fils de l’organiste aux Petites-Orgues de Notre-Dame, Achille Nestor, et de Léontine Adélaïde Cavel. Séminariste.

Léonie Adélaïde Allognier, le 13 février, rue du Faubourg-Cérès, 8, cour de la “Providence”, auberge où elle tient en dépôt les pansements de la Croix-Rouge. Son mari, Nicolas Bigot, de Dun-sur-Auron (Cher), est marchand de laines. Elle était fille du feu serrurier maréchal-ferrant Allognier et de Natalie Josèphe Petit, 90 ans.

Simon Vincent Chéry, de Méry-Prémery, 66 ans, ex-zouave, trieur de laines, rue de Normandie, 1 bis. Noyé volontairement dans le Canal, à hauteur du pont-écluse du Château-d’Eau, à la suite de sévices moraux de ses collègues, provoqués par une faute vénielle, qu’on eût pu pardonner en raison de son passé de travailleur courageux et honnête. On dit que les femmes sont impitoyables pour les femmes. Ces ouvriers le furent pour un des leurs. La fraternité humaine n’est pas encore entrée dans les mœurs, et les hommes sont des loups pour les hommes. Peu encourageant pour les doctrinaires humanitaires et sociaux.

Le 19 janvier était décédée rue des Augustins, 12, dans un appartement occupé avant 1870 par son père, Jean François Dupont, de Liry, Sophie Dupont, 76 ans, qui avait été de longues années au service des La Prairie. Elle était la sœur de Louis Joseph Dupont, trieur de laines, rue Chanzy, 79, décédé en 1887, et de Désiré Dupont, trieur, mort en 1888, à la Maison de retraite. Elle est inhumée en sépulture de famille au cimetière du Nord, canton 13. – De profundis ! (Voir “Tablettes rémoises”, t. 1 à 3).

Charles Hertenberger, 84 ans, rue Saint-Thierry, 14, père de l’artiste-décorateur qui, en 1914, allait entreprendre les peintures décoratives du Palais de Justice.

Victoire Sophie Diancourt, 63 ans, rue Werlé, 22, cousine germaine du sénateur.

Madame Henri Richardot, 46 ans, à Longjumeau (Seine-et-Marne).

Élisabeth Goërg, veuve Sergent, 88 ans, rue Kellermann, 15.

Nicolas Leblanc, dit Blan-Blan ; ancien fileur pensionnaire de la Charité, 84 ans. Avait sa “chopine » quotidienne au Café Saint-Roch, rue du Barbâtre, à l’heure du “piquet” de ces Messieurs les habitués, dont Émile Godret, dit Bazières, surnommé le “Sultan” et ex ou plutôt Ministre de la Marine de l’enfant du 3e, Achille Ier roi d’Araucanie (Voir Almanach Matot-Braine, 1935 : “Rois d’Opérette”). Leblanc y était assuré également de sa “dariole” et de sa “couronne” en pâte de brioche, dont Alfred Colmart et son voisin Jacquemin avaient la spécialité, en temps de Foire à Saint-Remi. De nos jours, ces “délicatessen” ont perdu leur qualité et leur bon marché : on n’en retrouve l’équivalent que chez un autre Colmart, cousin d’Alfred, boulanger “au bas” de Fléchambault. Et Blan-Blan s’assurait les miettes de ce festin occasionnel. C’était un vieil ouvrier de la Fabrique, dont les vieux finissent généralement à l’Hospice. Il était de ce pays de Par-en-Haut où les classes se mélangeaient d’autant plus aisément que les différences y étaient peu marquées. C’est aussi la richesse en sabots et la misère en sarrau, et la fraternité dans une solidarité d’origine et de camaraderie d’enfance, celle qui laisse mes meilleurs et plus durables souvenirs !

François Amigues-Caillet, des tissus, rue Saint-Symphorien, 8, chez son gendre Clerc-Amigues, à Luxeuil-les-Bains.

Marie Texieras, 75 ans, veuve Koch, ex-professeur d’allemand au Lycée. Ses enfants, le frère et la sœur, étaient collectionneurs de vieilles faïences, sans préjudice aux autres “antiquités”. Le frère était traducteur dans les champagnes. En 1914, comme ils n’avaient pas été naturalisés, ils furent transportés en camp de concentration jusqu’en 1919. Leur maison de la rue Jeanne-d’Arc, 48, avait été plutôt ménagée par les bombes, si acharnées en d’autres endroits, et ils retrouvèrent leur trésor intact : livres rares, tableaux choisis, faïences et porcelaines. Il reprit, le fils, son habitude de boire le verre “mousseline” bière blonde au “Louis XV”, que Tayot, retour de captivité, s’apprêtait à reconstruire. Il était rare qu’il y fît la “partie” ; autrement, il y perdait à coup sûr, et raflait, avec le sourire, les tournées de plateaux à 0.25 c.

Achille Détrée, 55 ans, qui avait été horloger rue du Bourg-Saint-Denis. Une pendule et sa garniture en marbre noir, portant sa marque, se retrouve, en 1935, après des séjours à Paris et Montfermeil, rue des Murs, 36, ignorant le destin qui l’attend dans un avenir qui se rapproche : souvenir d’un oncle fort estimé, mort à la Maison de retraite en 1887. Détrée habite rue de l’Isle.

Jean-Baptiste Roland, ex-jardinier rue de Venise, 26, veuf de Joséphine Lorin, décède rue Petit-Roland, 32, à 81 ans. Il laisse 4 enfants : Pierre, Émile, Ambroise et Henriette. Il avait contribué, avec Petit-Rousseau, à la création de la rue qui porta leur nom, jusqu’à ce qu’un “hurluberlu” en puissance de mal faire, dépouillât la mémoire de ces deux travailleurs de l’hommage qu’une Municipalité rémoise leur avait rendu, de concert avec les habitants du quartier du Jard et de Venise. Grand gaillard, voûté par le travail de la terre, visage martelé de trous de variole, teint bistré par l’air, le vent et le soleil. Si Paul Adam, au souvenir duquel a été consacré cette dépouille indécente, revenait parmi nous, il protesterait contre l’annexion !

L’abbé Delorme, de Fresne, près Reims, curé de Courlandon-Romain, 71 ans.

Pauline Arsène Clautiaux, 40 ans, rue de l’Université, 48, fille du vitrailleur venu de Metz à Reims en 1871.

Théodore Coulvier, 54 ans, trieur, rue de Sébastopol, 22.

Le père Vernouillet, Léon Vincent, 68 ans, pontife à barbe à la Moïse, de la Libre-Pensée, en majuscules, épicier rue du Mont-d’Arène. Fait partie de la chronique électorale de cette fin de siècle à Reims.

Victor Déprez, 42 ans, comptable, rue de Vesle, 66. Ex-élève au Jard. Avait habité rue d’Anjou 14. Sa mère est morte peu avant guerre, à la veille de ses 100 ans, aux Petites-Sœurs des Pauvres.

Henri Victor Baudet, 23 ans, rue Ponsardin, 80, fils du violoniste des tissus Alexis Baudet-Poissinger.

Séraphine Clotilde Bailleux, veuve de Charles Charbonneaux, chez son gendre Jules Benoist, rue des Cordeliers, 5.

Louis Joseph Herbé-Roland, 78 ans, jardinier rue des Moulins, 27.

Albert Hasé-Norman, 57 ans, de la firme de laines Eugène Gosset, place Godinot.

Honoré Désiré Gosset-Baudoin, 64 ans, maître-paveur, rue du Barbâtre, 21, beau-père de son successeur Dabancourt, après l’avoir été de l’artiste-peintre Pujo.

Gustave Bauche, 55 ans, veuf de Marie Palette de Caloën, fabricant de coffres-forts, rue Boulard, 20.

Victorine Antoine, 72 ans, veuve de Victor Lambert, rue Dieu-Lumière, 66.

Jules Léopold Colmart, 67 ans, comptable à l’usine d’apprêts Machuel, faubourg Fléchambault, 2.

Adélaïde Navelot (Télémance), 54 ans, épouse de Bégny, camionneur à Bétheny, et ménétrier d’occasion.

Amandine Émerantie Odile Boulanger, 49 ans, épouse Alexandre Truchon, vannier rue de Contrai, 34.

Le Frère Lamaze, 35 ans, des Écoles chrétiennes, rue de Courlancy, 86, asile des Petits Frères depuis la laïcisation.

Émile Dubois-Braün, 72 ans, laines et toiles d’emballage, rue de l’Université, 64. Gros et bas sur jambes, favoris à la François-Joseph, trottinant avec ses petits paquets de “chicorée” ; veuf d’une bonne femme qui avait la peau jaune comme un citron, et père d’un fils unique “jaunion” qui allait en classe, tout gosse, chez les Frères de la rue des Telliers, directeur Frère Aunicien.

Ernest Brion, 64 ans, des papiers, à Villedommange.

Désiré Roger-Valtiez, 80 ans, rue Saint-Pierre-les-Dames, en parenté avec Kalas.

Henri Aerens-Samoline, tissus et fils de laine, 50 ans, rue Sainte-Marguerite, 32. Gros et bedonnant, teint bilieux, barbu, homme sociable et compétent en sa spécialité.

Anne Marie Hortense Barrois, 64 ans, veuve Jean-Baptiste Millet, trieur et débitant rue Henri-IV, sœur de Barrois-Mailfait, marchand de laines, de Sommepy. Elle décède chez son fils Paul, d’abord employé aux laines chez Edmond Leget, rue du Levant, où le papa avait été chef-trieur, puis, employé à la Compagnie du Gaz. Un autre fils, Armand, est trieur, entre temps chapelier.

Marie Louise Mailfait, 70 ans, rue de Bétheny, 18, veuve Barrois. Ces deuils attristent les familles Simon-Barrois, Pol Franquet-Barrois, André et Paul Simon. Ces derniers sont les fils de l’une des plus jolies femmes de Reims, à la peau laiteuse, au regard adouci par une légère déformation à apparence de “loucherie”, mais à peine appréciable, Madame Simon-Barrois, dont le mari est peintre place Godinot, angle Université.

Antoinette Georges, 40 ans, épouse du susdit Armand Millet, place du Chapitre, 2. C’est-à-dire dans l’appartement qui a ses fenêtres sur la rue Carnot, dans les tourelles et la porte du Chapitre.

Rose Aimée Leroux, 73 ans, veuve de Charles Arlot, et mère du journaliste rémois Ernest Arlot, à Asfeld, où ce dernier décédera lui-même en 1920.

Eugène Villedieu, 66 ans, rue des Capucins, 51. Ex-bottier rue du Cadran-Saint-Pierre, auprès la librairie Lemoine-Canart (Michaud). D’origine belge, venu à Reims avec les Deveaux, dont un fils, Émile, fut architecte.

Amédée Houbart-Guilmotte, 62 ans, frère de Jules, tous deux marchands de toiles d’emballage, rue des Chapelains, 1.

Isidore Arsène Napoléon Villain, 69 ans, rue de Vesle, 56.

Le 31 décembre, décès à 7 heures du soir de Germaine Sculfort, 42 ans, fille d’Ernest, tisseur, et d’Elvire Douvain. Témoins : Clovis Carlier, journalier, rue de Strasbourg, 19 et Damas Douvain, boulevard Saint-Marceaux, 1.

Le même jour, à 11 heures du soir, Jeanne Pérette Labouvry, 86 ans, couturière et célibataire, à la Maison de retraite, fille de Labouvry-Husson. Le directeur de l’établissement hospitalier signe : Basile Triclin, 47 ans. Un Triclin plus que sexagénaire, ex-instituteur, siège en 1921 dans une Commission de dommages de guerre.

Henri Jules Pigeon, 22 ans, marchand de journaux, place des Marchés, 11, fils de Pigeon-Froumy. Témoins : son beau-frère David Féron, camionneur, rue Boulard, 17 ; Adolphe Michaud, marchand des quatre saisons, place des Marchés, 18. Il était mort à 11 heures du matin.

Et, pour clore ce très long nécrologe, un modeste contremaître de peignage au Mont-Dieu, Émile Maguet, ami des trieurs de cette usine, et qui les approvisionnait de longues aiguilles à pointe forgée avec lesquelles ceux-ci extrayaient de l’extrémité de leurs doigts endoloris, les bouts d’épines provenant des laines de Zélande qui leur passaient dans les mains. Les toisons des moutons australiens en sont criblées pour avoir pâturé dans des prairies à plantes aux fleurs d’orties. Ah ! tout n’est pas rose dans la vie d’un trieur de laines, quoique des fantaisistes en croient !

Et le 1er janvier 1901, le premier défunt, dès 8 heures du matin, est Louis Raoul Gorlier, fils de Raoul Évariste Augustin Gorlier, cocher, 33 ans, et de Jeanne, dite Anna Hubert, rue Gilbert. Deux cochers sont témoins : Paul Albert Gaillard, rue Chabaud, 29, et Joseph Mariage, rue Anquetil, 26.

En outre, deux fillettes ayant à peine eu le temps de prendre contact avec le siècle : une Ponsart, fille d’un peintre de la rue Féry, 6 ; et Hélène Lagnier, fille naturelle de Sidonie, rue des Moulins, 21. À chacune d’elles la formule consacrée : “Un Ange de plus au Ciel !”

1901

Émile Theisse, de Metz, fondé de pouvoirs Maison Folliart, 63 ans, rue Lesage, 1, où sa veuve est décédée, Eugénie Bry.

Veuve Laignier-Bernard, 80 ans, mère de l’avoué Paul, rue Libergier, 59.

Isidore Louis Cochinard, 84 ans, ancien directeur du Mont-Dieu, en retraite rue Passe-Demoiselles. Un vieux « cabochard » plein de réflexes frappés au coin du bon sens ; se plaignait des méfaits de la Presse, aussi bien en politique qu’en éducation et protection des mœurs, alors que, gravissant le large escalier conduisant au triage des laines, il confiait ses sentiments sur toutes choses au trieur de la maison, Louis Joseph Dupont. D’une rare intelligence et dont le verbiage faisait ouvrir les oreilles à certain apprenti de 15 à 16 ans, qui n’en perdait pas un « fifrelin ».

Charlotte Louise Mirambeau, veuve Henri Sutaine, 63 ans, boulevard de la République, 21. Grande et forte matrone, à carrure de dragon, le teint couperosé sur ses vieux jours, l’œil encore vif et allumé.

Un trieur, d’une force musculaire digne d’un athlète, tout en nerfs et os, mâchoire de diplodocus, qui aurait brisé d’un coup de dents une assiette de faïence à cul noir, de cette sorte dite de Sarreguemines qu’on voyait sur les tables de nos aïeux, il devenait par moments la terreur des chantiers, à cause sa brutalité inouïe, par ailleurs professionnel excellent : Sénateur Leheurteux, 53 ans, rue Favart-d’Herbigny, 40. Ses parrains devaient avoir été des personnages d’une originalité plutôt charentonnesque pour décocher un semblable prénom à un tel rejeton des champs et de la laine ! On le vit, un jour de querelle au cabaret, emporter d’un coup de dent une parcelle du nez de son adversaire, un alcoolique de sa trempe, Alexis Doutté. Au cœur même de notre civilisation, on perçoit çà et là de ces explosions de sauvagerie individuelle qui nous rappellent à l’humidité et au sens de nos origines !

Jeanne Barbey, 37 ans, rue Piper, 11, meurt d’éclampsie ; elle est femme d’Adrien Pozzi, médecin et conseiller municipal.

Ernest Charles Blanchin, 48 ans, époux de Lucie Brunette, marchand de laines, place Godinot. Grand gaillard à mine de poitrinaire, poil noir et dur, excellent homme, brusque d’allures, cœur d’or. Ce n° 8 de la place Godinot fut longtemps un centre lainier important. Le bâtiment, vaste et à deux étages élevés, avait une partie, dans la cour pavée, réservée aux bureaux et à la demeure du concierge, garçon de magasin en même temps, à l’époque de Baptiste Thuillier, marchand de laines, un grand et solide bonhomme, du nom de Beauvois, vieux serviteur fidèle et apprécié. Avec une porte cochère sur cour et à une autre sur magasins, les deux étages sur rue Saint-Pierre-les-Dames et place Godinot, recevaient les laines et, au 2e, le chantier de triage. Celui-ci était dirigé par un célibataire d’humeur bénigne, Félix Verrier, dont le père avait été boulanger rue Neuve, et qui avait reçu quelque instruction secondaire. Après les Thuillier, les Blanchin et les Cailliau reprirent la suite des affaires, et, puisque rien n’est durable éternellement, en commença par renoncer aux magasins, qui furent loués à un marchand de papiers en gros, Couture. Et, après-guerre, des appartements privés ont remplacé le tout. Le bon docteur Édouard Guillaume a transporté là, au 2e sur place, le « studio » de ses études biographiques sur ses anciens maîtres et condisciples de l’École de Médecine. Ce Beauvois cité plus haut était ingénieux et chercheur ; il avait consacré une partie de son temps à inventer un allume-feu automatique, de cette sorte de petits engins à essence qui s’efforcent de remplacer l’allumette de la Régie. Ce travail le reposait des pénibles nécessités par le maniement de la calandre à corde, instrument de supplice pour les haleines « courtes », lorsqu’il y avait lieu de monter des balles de laines aux étages. De nos jours, il n’est point de magasin qui ne soit au rez-de-chaussée, et le travailleur en est enchanté.

Guillaume Célestin Cosson, 72 ans, chaudronnier-fumiste, rue du Barbâtre, 43, entrera dans cette galerie mortuaire, parce qu’il était le père d’un ex-élève des Frères du Jard, gamin dont on se rappelle qu’il était sensuel, à tournure et visage féminins, un peu vicieux, comme on n’a que trop de tendances à l’être à ces âges où les sens commencent à s’éveiller, surtout quand la promiscuité agit dans le dortoir de la vie commune. Beaucoup de surveillance discrète est nécessaire de la part des maîtres.

En ce 43 du Barbâtre avait vécu et travaillé le fabricant Charles Joltrois, que son contremaître Louis Beugé repêcha du Canal certain soir lugubre. Après-guerre, plusieurs Commissions de dommages opérèrent dans ces vieux bâtiments, propriété alors de Lallement, l’ex- restaurateur du « Gros-Raisin ».

Marie Jeanne Eugénie Naudin, épouse Friesenhauser, boulevard de la République, 77, âgée de 38 ans ; elle est la sœur du lainier Henri Naudin-Weiland, et Paul Naudin-Bonnet.

Jean Chandon-Escalas, 50 ans, rue Clovis, 71, dont le père, d’origine auvergnate, fut marchand de vieux métaux rue Hincmar (voir « Échos et Visions du Passé »).

Gustave Caurier, 64 ans, maître tailleur rue Colbert, époux de Céleste Philippe, et beau-père de Charles Couvreur, propriétaire actuel (1935) du « Chrystal-Hôtel ».

Mme veuve Anatole Dérodé, née Amélie Fournier, 69 ans, rue de l’École-de-Médecine, 12. C’est là que devait mourir le musicien Ernest Lefèvre, qui avait épousé Mlle Dérodé. Le couple avait une villa à Thil, dans le voisinage des époux Kalas-Truchon, et, en fait, c’est dans cette villa que décéda le musicien, en 1913. La veuve Lefèvre-Dérodé a fait construire rue des Murs, 13, une villa sur le modèle de Thil.

Léon Gavroy, 34 ans, rue de Mâco, 5. Léon était fils unique des Gavroy-Bernard, de la rue Chanzy, 77 ; lui, dans les tissus, chez Émile Charbonneaux, rue des Trois-Raisinets, et hautboïste aux Pompiers, avait épousé la sœur de Mougne, serrurier rue Deville, conseiller municipal.

Jean-Marie Victor Ragaut, 76 ans, rue de Neufchâtel, 25, propriétaire du « Bal Ragaut ». Morvandiau ou Auvergnat, au collier de barbe grise, avec des yeux d’épagneul, un nez confortable – accueillant au tabac en poudre –, et sensible à l’extrême, ne pouvant contenir ses larmes, un soir, au Théâtre, à la représentation de la « Jeanne-d’Arc » de Gounod ! Son bal était fréquenté par la jeunesse du 4e canton, et il en assurait la police, lui-même et son gendre Brunelet ; le succès, au moyen d’un excellent orchestre homogène, conduit par Gayet de Sommepy, trieur à l’usine Rogelet. Certain violoniste qui occupait le poste de deuxième violon accompagnateur, aux côtés de la contrebasse à cordes Jules Caÿde, gagna là, à la sueur de son front, et à renfort de colophane, l’argent nécessaire pour payer les 1.500 fr. de son « volontariat » au 91e R.I. (1879-80). Il y avait sur l’estrade haute et confortable, du fond de la vaste salle à étage de galerie, deux joueurs de piston, et des « as » ! Émile Lecomte, usager de « coups de langue », et Détrée, un vieux de la vieille qui eût pu être à Waterloo sous Cambronne, le « père » Collard, clarinette, souvent enrouée ; Rivière l’ophicléide ; Visé le trombone et Louis Coutier, tambour. Là, point de grosse caisse, à l’instar du « Bal Français », qui avait la sienne, tapée par Harmonville. Le dimanche, il y avait deux séances de 3 à 7 heures l’après-midi, et de 8 ½ à 11 ½. Le lundi, un réchaud du soir. Le deuxième violon touchait 3,50 fr. par soirée. Les autres salles populaires de danse étaient : à Fléchambault, chez Bellavoine ; aux Promenades, à « l’Embarcadère », sous Chemin et Brié ; rue des Romains, Éloy ; au Pont-de-Muire, Louis Rix, qui mourut, ruiné, garçon de salle à l’Hôtel-Dieu ; Savart, Faubourg-Cérès et, un court temps, Constant Lohier, faubourg Fléchambault, vis-à-vis le chemin des Bains Guinot. Ce « second violon » devait user sous lui trois instruments : le premier, un « Stradivarius » ! payé chez Laplanche, 80 fr. ; le second, un « Salomon » noir d’ébène, racheté pas cher à Gayet ; le troisième, un « Nicolas » authentique, hérité du maître à danser François Gautier, et, quand les forces manquèrent à ce vaillant champion de la chanterelle et de l’archet, devenu propriété de William Cantrelle, à Paris.

Le 4 mars, 66e anniversaire de sa naissance à Metz, décès, doucement et avec résignation, de François Gautier, professeur de danse et violoniste, chef d’orchestre à la Salle Besnard, où Ernest Duval est son « cotillonneur » : il s’en va dans l’estime et le regret de tous (voir « Échos et Visions du Passé : Messins et Rémois »).

Et voici que s’alignent des noms et des particules sans grande signification en ces temps de démocratie débordante : Charlotte Bérangère L’Heureux, comtesse de Barthélemy d’Hastel, au château de Courmelois (c’est en ce village marnais que Léon Lacroix découvre, en 1932, un four de potier gallo-romain qui ouvre des horizons à de futures recherches pour notre Préhistoire).

Au Gotha de ces petits hobereaux : comte de Brocas de Lamauze, Jehan de Brocas, prince de Gonzague Vescavado, et Montholon-Sémonville, vicomte de Poli, etc. Vertugadins et collerettes, culottes roses et fines épées, Gainsboroughs à plumes, panaches et emmitouflures, escarpins et violes, rubans et clavecins, ritournelles et menuets, bergères et chevaliers, amours, Jeannettes et Jeannots, Colettes et Cupidons – ô splendeurs de la Résurrection !

Henri Courmeaux, fils d’Eugène, bel homme à moustaches effilées, intelligence et initiative, fruit cueilli dans une ramure trop touffue, – mort en mission aux Nouvelles-Hébrides, à 57 ans, après avoir commercialement voyagé pour les Dauphinot de la fabrique. Appartient à la « bonne » histoire locale, ayant droit à hommages de concitoyens.

Joseph Janouix, restaurateur et cafetier rue Hincmar, angle rue Clovis, et qui, retiré du « beurre d’escargot », meurt paisiblement rue Brûlée, 1. Eut sa marque de « champagne ».

Pierre Roland, deux fois veuf à 74 ans, faubourg Fléchambault, 45. Ex-jardinier, naturellement.

Charles Louis Quénot-Hérisson, 62 ans, maître serrurier, place Drouet-d’Erlon, 33, dont le père, pompier comme lui, fut victime de l’incendie Quentin-Lacambre, en 1871. Habitué à la manille chez Girard, au « Vieux Tableau », faubourg Fléchambault, avait vulgarisé dans son milieu sa recette du beignet à l’acacia, qu’il estimait supérieur à celui aux patates !

Laurent Émile Gabriel Coutier, 22 ans, rue Passe-Demoiselles, 18, organiste à Sainte-Geneviève. Cette rue d’avant-guerre n’était guère plus large que celle de la Gabelle, et, bordée d’herbes folles sur un sol mou, elle longeait les murs de l’usine de teinture et apprêts des frères Neuville, pour aboutir à un pittoresque, riant et frais coin de Vesle, dont il ne reste que des parcelles charmantes encore, dignes du pinceau d’un paysagiste amateur d’eaux courantes, de lavoirs sur bateau, et de saules ébranchés.

Michel Jean-François Puig, à la Maison de retraite, dont le frère fut directeur. C’était un peintre de genre apprécié des amateurs de coins rémois.

Eugène Alfred Bertrand-Rosé, 74 ans, rue du Barbâtre, 44, chez son gendre, Hannesse-Bertrand. Un saint du Paradis laïque, ex-filateur en cardé au bas du Jard, grand et voûté, trapu, l’homme bon et juste par excellence.

Joséphine Philippine Rosalie Ponsin, 82 ans, chez son fils Gilbert Brunette, architecte, place Royale, 2. Cette retraite d’artistes bourgeois s’ouvrait sur place Royale par une étroite porte à grosse serrure, sans ornements : c’est là qu’avait fini également le « grand Narcisse » de nos monuments historiques.

Ferdinand Piéton-Guyotin, 78 ans, chez Maquet-Piéton, impasse Saint-Jacques, – mort subitement. Le spirituel avocat eut un cortège funèbre si allongé que le « deuil » se vit contraint à faire demi-tour, alors qu’il se trouvait en présence, à l’angle de la rue de la Tirelire et Thiers, d’une tranchée du Service des Eaux, lequel avait administrativement omis de « barrer » la chaussée.

Léon Jules Devivaise-Lochet, 66 ans, rue des Moissons, 12. La Camarde fauche à fond de train et à tour de bras dans les rangs de la bourgeoisie rémoise !

Eugène Périn, 81 ans, ex-directeur du Petit Séminaire, rue de l’École-de-Médecine, 9, – coin préféré des chanoines de Notre-Dame.

Joseph Consdorff, 72 ans, menuisier, rue des Créneaux, 13, empoisonné par le vernis noir dont il maquillait le sapin blanc de ses meubles. Haut comme une perche à houblon, maigre comme un clou, cheveux foisonnants, noirs et crépus, longue barbiche en pointe. A laissé une dynastie d’« as » de la profession.

Auguste Bünzli, 81 ans, rue de l’Échauderie, dont l’inhumation ce fera à Saint-Étienne-sur-Suippe. Le parfait artiste et professeur de violon a laissé des souvenirs ineffaçables dans le monde musical rémois.

Alfred Colmart, 62 ans, boulanger-pâtissier place Saint-Timothée, retiré au 17, place Saint-Nicaise. Son four avait été construit au moyen de débris de la basilique : il fut le grand fournisseur de darioles des pèlerins de la foire de Saint Remi.

Narcisse Farre, citoyen adoptif de Reims et appartenant à sa chronique contemporaine. Hémorragie interne, à 72 ans. Dauphinois, élève au Lycée de Montélimar, il entre aux P.T.T. Soldat au génie, sous-officier, il est en Crimée avec Plon-Plon. Blessé et décoré, médaillé militaire. À Reims en 1856, il entre au service de Charles Cousin, marchand de « champagne ». Il fonde un Cercle de Dauphinois, se marie avec Émilie Octavie Léonie Boussod, et habite rue du Carrouge, 26.

Léon Théodore Mercier, 81 ans, rue Chanzy, chez sa fille, compagne du gros Camus, coupeur au rayon « chemises » aux Galeries-Rémoises, et dont le fils André reprendra le fonds de mercerie et rouennerie du 14 rue Chanzy, encore existant. André est mort, mais sa femme continue.

Charles Trézaune, frère l’abbé Trézaune, curé de Ludes. Il a 64 ans, et habite rue Chanzy, 54. C’est un pédagogue aux longs cheveux, à l’abdomen large et débordant le pantalon. Sa femme est une Tailliart, Caroline, dont une sœur dirige une pension rue des Murs. Auguste Tailliart, neveu et frère, est dans la laine, comme leur père l’avait été ; il émigra à Bergerac en 1914, ainsi que le grand type que nous rencontrons souvent dans le Reims nouveau, Raison-Tailliart, qui promène en philosophe revenu de bien des choses, sa longue silhouette, surmontée d’une tête barbue, aux yeux observateurs et intelligents.

Marchand-Limoges, ex-épicier, rue de Cernay, 17, où habite encore sa fille, veuve Archambault, dont un fils est dans les ordres. Cet Archambault était originaire de Monthois, et quincaillier rue du Faubourg-Cérès.

Que dire du seigneur de la Basoche, l’ex-avocat Lasserre, de Toulouse en Toulousain, qui décède à 66 ans revêtu de la toge d’un président à la Cour d’appel d’Agen-les-Pruneaux ? Rien que de trop connu !

Félicité Adèle Givelet, veuve de Corneille le corroyeur, chez lequel, tous les ans, venait s’approvisionner, rue Colbert, des attifiaux de sa profession le bourrelier d’Hauviné, Achille Breton, client en ces circonstances du charcutier voisin Cogne, aux jambonneaux réjouissants et au « petit-salé » sans rival.

Le coltineur Certeaux (Léon), 45 ans, ex-fort des halles, rival de Julius pour le Reims-Paris avec cent kilos sur les épaules, est retrouvé noyé dans le Canal, par le pêcheur Heillier, à hauteur du pont de Saint-Léonard, tombé dans l’eau on ne sait trop comment ; il était garde-pêche et enfant de cette commune.

Des Roederer, Jacques Olry, rue de Monceau, à Paris, personnalité digne d’un historiographe considéré, par les services rendus à la cité rémoise.

Victor Ferré, 64 ans, trieur, rue de Bétheny, 40.

Fulgence Collet-Lefert, 71 ans, rue de Talleyrand, 54. Lainier de Sommepy, venu au monde une crotte de mouton au derrière.

Léon Glatigny, 58 ans, de la laine, époux de Julie Laurent.

Théodore Gustin, 53 ans, plombier-fumiste, place du Chapitre, époux de Victorine de Bonnay.

Marie Catherine Caroline de Hédouville, 79 ans, religieuse à la Visitation, rue de l’Équerre, 8, alliée aux Gerdret de Laprairie.

Charles Payen, ex-teinturier rue de Vesle, très vieil immeuble qu’ont respecté les obus boches, par dérision, qui détruisaient dans Reims ce que la ville avait de mieux ; en 1814, un obus russe s’était incrusté dans un mur de la maison voisine, où fut installé le vannier Cognette. Payen a 76 ans, et habite chez son fils Paul, avocat, rue Buirette, 41 ; il était veuf de sa cousine Caroline.

Pierre Désiré Bourlet, 73 ans, rue Boulard, 31. Né d’un tailleur, rue du Clou-dans-le-Fer, il s’établit, à sa majorité, tailleur rue Colbert, et exerça 38 années consécutives. Sa femme, Victorine Chabanel, y mourut en 1890. Fait un legs important à la Maison de retraite.

Peu après son « vieux » disparaît Élisabeth Florine Léger, 69 ans, veuve de Ragaut.

Charles Mauroy, 48 ans, époux de Louise Lantshèerre, épicier rue de Mars, 32. Fondateur des établissements d’alimentation portant son nom. Ex-piston aux Régates et aux Pompiers. Avait débuté modestement rue Neuve, 4 (voir « Rue Neuve »).

Adèle Rose Fortunat, 65 ans, veuve Duverger, rue Gambetta, 89, mère de ce bel enfant de l’Amour, au teint d’abricot, joli comme Cupidon devait être, Eugène Duverger-Fortunat.

Gérard Péria, 87 ans, cordonnier rue des Poissonniers, 23, père du musicien qui exploita un temps la Salle-Besnard, et avait été, en 1870-71, soldat au 26e bataillon de chasseurs à pied avec Dagot, Toussaint, Émile Vermonet, Jules Dupont et d’autres engagés volontaires rémois.

Augustin Paquotte, prote à « l’Indépendant rémois », rue de la Maison-Blanche, à Sainte-Anne.

Louis Baye, 72 ans, chanoine, curé de Saint-Remi, après avoir été vicaire à Notre-Dame. Un grand gaillard déluré, intelligent, sociable, grand cœur, portant beau, digne à tous égards de la mitre, qu’il aurait honorée par sa prestance et la sympathie foncière qui se dégageait de sa personne. Popu et Mme Gibou disaient de lui qu’il se « déguisait » en civil pour aller au Théâtre.

Henri Lafforgue, 71 ans, rue Libergier, peintre en voitures. Il eut deux fils, Raoul et Fernand, de la partie. Un fils de Raoul et de Léontine Stengel, – celui-ci maître sonneur à Notre-Dame – fut de l’aviation de guerre, dès 1914.

Chabot-Barrois, 76 ans, venu de Paris, ex-mégissier ayant eu ses bassines sur la rivière Brûlée.

Remi Julien Godfrin-Camuzet, 78 ans, architecte, rue Clovis, 46. Un type de nos rues, sanglé et verni à la Bauche, remarquable par sa perruque noire ondulée, ses moustaches à la Fracasse, sa longue redingote et l’éternel haut-de-forme ; ses tibias démesurés, la raideur de sa taille et le « flirt » discret et crépusculaire sous les loges de l’Étape. Bauche et lui furent l’incarnation de ces « vieux marcheurs » dont les restes bien astiqués et pommadés prolongent la factice jeunesse, sans que le ridicule s’y greffe trop sévèrement, – résultat dont il faut créditer leur éducation et leur savoir-faire.

Mme Alexandre de Saint-Marceaux, née Isabelle Morizet, à Cuy-Saint-Fiacre (Seine-Inférieure). Inhumée à Reims, Cimetière du Nord.

Le « père Klein », ancien voltigeur de la Garde, surveillant à la Banque de France, 81 ans, rue Clovis, 4.

Jean-Baptiste Gosset-Périn, 72 ans, marchand de charbon en gros, rue Hincmar, 15, père de Gosset-Hannier.

Hélène Lamy, 47 ans, veuve Paul Morlot, rue de Pontgivart, 3, immeuble racheté par le Dr Henri Saint-Aubin. Elle avait été épicière-buraliste rue Chanzy, angle Hincmar.

Noël Auguste Lacourt, 83 ans, ex-serrurier, rue Linguet, 9, grand-père de Émile Lacourt, récent administrateur du « Nord-Est », et de Madeleine, artiste peintre, dont les produits fleurissent le « studio » de la nouvelle Bibliothèque municipale.

Constant Pierquin, 75 ans, époux de Éléonore Jennesseaux, de Verzy, rue de l’Échauderie. Ancien charcutier, avait été victime un temps de la calomnie et de la rumeur publique, qui mêlèrent son nom à l’assassinat d’une vieille rentière de la rue de Tambour.

Philippe Chézel, 85 ans, à l’hôpital général, dit la Charité.

Pierre de La Morinerie, 36 ans, époux de Louise Lefebvre, et habitant rue Werlé, 7. Son beau-père était propriétaire de la maison à tourelle dite des Anglais, à l’angle de la rue de l’École-de-Médecine, qu’après-guerre les La Morinerie ont fait reconstruire, sans la tourelle, pour en faire leur habitation.

Charles Aubert, 72 ans, époux de Léonie Aubert, rue de Talleyrand, 1. Né à Chilly, près Rocroi, le 15 août 1830, fut répétiteur au Lycée de Chaumont en 1853, puis à Sens, et, en 1860, à Charlemagne. En 1863, à la suite d’une manifestation antigouvernementale, il est envoyé à Reims, où il enseigne jusqu’en 1893.

Émile Peter, 55 ans, de Mützig, ex-chef trieur chez Nicolas Bigot, rue de Strasbourg, 90.

Cyrille Lambert-Bonnefoy, 63 ans, ex-auneur de tissus, rue Sainte-Marguerite, 38. Ce quartier Saint-Symphorien était central pour les tissus, et rassemblait dans un étroit rayon les professionnels du mesurage et du conditionnement. Cette profession de « mesureur » disparut lentement après la création d’un Bureau officiel de Conditionnement, qui engloba toutes ces opérations : socialisme municipal, mais augmentation de sécurité pour les usagers.

Louis Coutier, 47 ans, peintre et tambour aux Pompiers et au Bal Ragaut, l’homme peut être le plus sganarellisé de Reims, maigre comme un chat de gouttière, créature sans défense, rue du Barbâtre, 176. Battit de la petite caisse un peu partout, au gré des désirs de sa volage et tendre compagne, au pied mutin et à la jambe alerte, tôt levée au rythme des tambourinades de son bénévolat conjoint.

Charles Bettinger-Hourié, médecin, rue de Thillois, 37.

Jules Blavat-Deleulle, 76 ans, rue du Levant, 9, archéologue et collectionneur d’un médaillier de valeur.

Marie-Françoise Georgin, 87 ans, veuve Philippoteaux, rue Clovis, 10.

Louis Pontoy-Raulin, 75 ans, rue de Berru, 9, ex-caissier à la firme de laines Desprez, reprise par Edmond Leget, rue du Levant, en ce bel immeuble racheté par Henri Picard, laines, au prix de 80.000 fr. ; dont la construction avait coûtée, paraît-il, 300.000 fr. à Leget. Son fils Charles lui succéda, et devint caissier chez Alfred Gosme, marchand de laines, même rue, 5. De taille moyenne, très calme et pondéré, soigné de sa personne, aux pas comptés, et perpétuellement affable.

Louis Joseph Babillotte, 54 ans, rue Saint-Yon, 5, curé de Cernay, aumônier du Bon-Pasteur, rue Gambetta, 20.

Félicité Remiette Cury, en parenté avec Saint-Saëns, lequel lui rendait visite en son logis de rue de Talleyrand, 26.

Et pour en terminer avec ce long obituaire, sorte de festin macabre où se repaissait une répugnante Camarde à la faux toujours aiguisée, – évoquons l’ombre et le souvenir de Pierre Soulier, dit Fanfan, de Liry (Ardennes), où il fut, enfant... et de chœur : il a 83 ans, veuf de Marie Virginie Olivier, et décède le 28 novembre 1901, chez son gendre, le coiffeur Méhaut, rue Payen, 13. Fanfan fut de longues années au service des frère Edmond et Auguste Givelet, fabricants rue de la Peirière, 3. En 1873, date à laquelle ces deux associés se séparèrent, il suivit les destins d’Edmond, l’aîné des frères, qui venait d’ouvrir sa maison de commerce place Belle-Tour, où lui succéda le doux et compétent Bourlet, spécialiste du « carton » à la Jacquart, pour dessins de tissus « nouveauté ». Ce Bourlet mériterait, à lui seul, qu’on contât aux générations nouvelles ses mérites professionnels et ses vertus civiques !

Cet ultime devoir précisé, suivons au flair les marchands ambulants de ces petits pâtés de la Saint-Sylvestre, par lesquels nous allons entrer en douce, au seuil de l’an 1902, qui, lui aussi, à quelque chose dans le ventre, et fera de son mieux pour satisfaire à nos passions séniles de résurrection du Passé rémois, si cher à nos méninges !

1902

Au fur et à mesure que se débobine le ruban des années, le cercle s’élargit des silhouettes dont nous nous appliquons à prolonger le souvenir. Passons à l’état civil, où nous trouverons enregistrés les noms d’une multitude de Rémois ou « adoptifs » de vieille ou nouvelle souche, les uns faisant place à d’autres, en peuplant nos nécropoles, les autres entrant en lice pour reconstituer le cheptel rémois. Ces derniers, en groupes pleins d’allant, confiants en les vertus de leur jeunesse et en les promesses d’un avenir prodigue et insouciant, s’essaient à remplir les vides dont s’embrume la Communauté. Reims n’est mort, et ne mourra pas !

La bonne habitude en étant prise de nos jours, faisons oraison en l’honneur de nos Défunts et au regret de ne pouvoir réveiller les ombres de cette phalange d’humbles travailleurs qui constituent le tuf de notre agglomération. L’Éternité leur fera justice, en les couvrant à jamais, avant peu, de cet incommensurable rideau d’oubli sous lequel nous sommes tous assurés d’être ensevelis à jamais !... Ils sont légion, à vrai dire, et ils n’ont guère fait parler d’eux. Nous choisirons entre eux quelques noms susceptibles d’appeler l’attention sur des souvenirs chers à nos cœurs.

Avant tous autres, honorons comme elle le mérite la dépouille d’une mère aimée entre toutes les mères : Victoire Aumont, veuve de Louis Joseph Dupont, laquelle décède à 73 ans, en son domicile rue Chanzy, 79, le 15 mai 1902, à 10 heures 1/2 du matin, à la suite d’un catarrhe pulmonaire. C’est l’abbé Dupuit, vicaire à Notre-Dame, qui l’assiste à ses derniers moments. Le Dr Lacoste lui avait prodigué ses soins. Il est des créatures d’élection qui ne devraient périr qu’avec leurs amours, en l’espèce des fils tendrement chéris, soignés, comblés de toutes les caresses d’une mère digne de ce beau titre ! La chère Maman, depuis plusieurs mois, sentait la vie l’abandonner. « Que puis-je, mon cher enfant, pour répondre à tes supplications ? » disait-elle à celui de ses fils qui vivait auprès d’elle, attentif à ses moindres besoins. « Je sens mes forces m’abandonner, la vie s’en va de moi ! » Et son bon sourire résigné mais consolateur, s’abaissait sur l’adorateur, agenouillé à ses pieds comme devant une Sainte, qu’elle était, terrestrement parlant. Où peut-être, d’ailleurs, la Sainteté ailleurs que dans l’âme d’une « fille respectueuse » et aimante, d’une « épouse irréprochable », d’une « mère modèle » ! S’il est une récompense à ses modestes vertus accumulées, et qui ne connurent jamais la défaillance, Victoire Aumont, que ses fils au moins ceux qui avaient pu rester auprès d’elle, auraient voulu entourer de toutes les joies et de la plénitude du Bonheur terrestre ! elle lui est certainement acquise dans l’Au-Delà ! Le seul vœu formulé par le survivant qui lui rend ici cet ultime et dernier hommage, serait de se retrouver avec ceux qu’il aima, et de les aimer encore davantage, dans l’amour du Père Céleste.

À d’autres, qui, eux aussi, ne furent aimés et regrettés !

Pierre Julien Perseval, ancien notaire, 73 ans, époux d’Éléonore Arlot, place d’Erlon, 86.

Cette bonne petite vieille à coques blanches, Émilie Virginie Gérard, veuve du libraire Parent, rue Cérès, et retraitée rue Saint-Pierre-les-Dames.

Aimé Dosithée Buiron, des tissus, 47 ans, rue Ruinart-de-Brimont, 40. Ce prénom de Dosithée, qui n’était point usagé, faisait la joie de ses camarades à l’école des Frères des Telliers, et au Jard, à la classe d’honneur. Il fut toute sa vie au service des Grandjean de la rue Ponsardin, et avait été président de la « Fraternelle rémoise ».

Stanislas Alphonse Renoult, 80 ans, rue Pluche, 25. Avec le gros Carrière, greffier de justice de paix, il avait été l’un des apôtres de la méthode de chant Galin-Paris-Chevé, musique chiffrée, dont l’expérience fut de courte durée. Il enseignait chez les Frères et les Mutuels, guindé dans une ample redingote noire et coiffé d’un haut-de-forme aux tons cuivrés, le cou engoncé, comme son collègue de la Basoche, dans un large et épais foulard blanc. Visage de magistrat, maigre et pas toujours rasé de frais, des favoris poivre et sel de chaque côté de la ganache.

Remi Victor Besnard, une personnalité foncièrement locale, dont la maigre et pétillante silhouette voltige à l’horizon de nos souvenirs : Reims lui fit des obsèques solennelles. Mort le 18 janvier à 68 ans, rue Chabaud, 39, il était l’époux de Marie Pérard. Celle-ci épuise ses vieux jours et les dernières gouttes de son élixir de vie à Avenay, chez les sœurs qui dirigent l’Asile Saint-Joseph. Elle y eut pour voisine de chambre une autre Rémoise, Louise Grand’Barbe qui l’a laissée seule fin décembre 1932 (exactement, en janvier 1933).

Edmond Willemet, ex-élève des Frères aux Telliers, et employé à la firme Eugène Gosset, laines, perd sa mère, Marie-Louise Blanche, veuve Willemet, 81 ans, rue des Augustins, 4. Elle avait tenu un bureau de tabac rue des Tapissiers, sur l’emplacement où l’on devait construire le « Crédit Lyonnais ». Edmond Willemet est décédé en 1931 au Parc-Saint-Maur, et inhumé dans son pays natal, le nôtre. Sa mère mourait, hélas ! trop tôt pour apprécier l’innovation de bouillottes dans nos tramways à « crottin ».

Charles Benoist, 76 ans, rue Saint-Symphorien, 24, époux de Marie Thérèse Adeline Fréminet, père d’Albert, Paul et Georges, et de Mme Cosserat. Fabricant à l’usine du Mont-Dieu, il fut l’homme le plus considéré par sa haute tenue et l’intégrité de ses moeurs et de sa vie entière. Très digne et courtois, on le vit jusqu’à la fin de ses jours, circuler en redingote noire et haut de forme, ne laissant pas écouler un jour sans aller à l’usine et visiter ses ateliers, ayant un mot affable pour tous. A ses débuts, il avait essayé de la carrière du barreau, mais, ayant reconnu son inaptitude à plaider le faux et le vrai alternativement, sa nature élevée l’en détournant, et manquant aussi des facultés oratoires et gesticulatoires nécessaires à cette profession, il imita l’exemple d’un homme placé en même situation, Victor Diancourt, et continua le métier paternel, à la suite de Isidore Benoist-Petizon. Son beau-père Fréminet avait été Président du Tribunal de Commerce de Châlons. Quant à lui, il était grand et bel homme, glabre, à moustache assez épaisse, sérieux et imposant, une belle et mâle figure ! Simple et ne cherchant point à dominer, il venait parfois « relancer » lui-même son chef-trieur, Louis Joseph Dupont, qui, depuis 1869 habitait rue Chanzy, 79, lorsqu’il avait besoin de ses services ; il arriva un jour de vendredi, alors qu’à table, la famille prenait son repas du soir, composé d’un plat bouillant de lentilles, savamment aromatisé par la maîtresse de maison, qui était une parfaite cuisinière. Ce plat était au « maigre », bien entendu, et, en qualité de catholique pratiquant, il en parut enchanté et déclara que, lui aussi, avait consommé de ce succulent légume ce jour-là. Ses fils Albert et Paul lui avaient succédé, élargissant le programme de fabrication, jusque-là confiné dans le « mérinos », et on s’adonna à la « nouveauté ». Ces jeunes hommes, et aussi leur frère Georges, avaient appris à connaître la laine d’Australie, seule employée à l’usine, et à la trier, auprès de ce serviteur très estimé et respecté qu’était leur professeur, et ils furent des maîtres, à leur tour, en la matière, surtout Paul Benoist, aimant la laine, et à qui personne n’eût pu en remontrer. Albert fut moins attaché à la laine que son cadet, et, sortant de Polytechnique, il fut le « mécanicien » de la maison. Georges alla à Paris, où il devint Ingénieur-conseil en droit public et privé et y mourut avant-guerre. Seul, Albert vit la tourmente. Georges était, en ces temps, un beau grand gamin à la figure douce et rieuse, adoré de tous, portant jolie tête féminine aux cheveux blonds bouclés. Toute cette famille de haute bourgeoisie témoignait d’une réelle considération à ceux qui collaboraient à leur fortune, et qu’ils rémunéraient en conscience, bien qu’ils eussent réputation de bourse serrée !

Pierre Rohart, décédé à Paris dans sa 89e année, est inhumé « au Nord ».

Un soliste aux Pompiers, Eugène Huffling, 50 ans, rue de Trianon.

Pauline Lamort, 76 ans, chez son fils Alexandre Leclerc, rue Saint-André, 5 ; elle était veuve de Paul Isidore Leclerc, marchand de laines, et mère de Charles, Alexandre et Léon.

Un enfant de Liry (Ardennes), ami de tous temps des trieurs Dupont, Jean-Louis Lépinois, ex-trieur et contremaître à la firme de laines Desprez, décède le 23 février, à 81 ans, rue Savoye, 46. Sa maison à l’angle du boulevard Jules-César et rue de la Justice, où il aimait à jardiner, avait été vendue à une firme de « champagne ». Louis Lépinois, en qualité d’« enfant de fille » et frère adultérin des Poursain de Liry, fut un fervent disciple des doctrines roussiennes, et sa dépouille fut la première à mettre à contribution le four crématoire Goïot, au Cimetière de l’Est. Il légua 60 volumes de sa bibliothèque à la Salle-Holden, du faubourg Cérès, bâtie sur l’emplacement de la « bascule », entre autres des « Mémoires de Sully », du Voltaire, du Proudhon, du Louis Blanc et du Cabet, dont il partageait les idées philosophiques ; « le Vicaire de Wakefield », etc. Saint-Marcoul récolta des meubles et un « fond de grenier ». La Ville eut 7000 mètres de terrain pour un jardin d’expériences.

Et les Benoist sont frappés d’un nouveau deuil : Mathilde leur fille et sœur, 28 ans, épouse Pierre Cosserat, fabricant à Amiens, – après un mois de maladie.

Arthur Albert-Cotréaux, 57 ans, rue Clovis, 1, ex-teinturier rue de Contrai, 6.

Henri Mennesson, des tissus, 34 ans, rue du Clou-dans-le-fer, 4, époux de Madeleines Delarue, fils de Benjamin Mennesson-Richon, rue du Levant, 12, et allié aux Arlot, Camuset, Richon, du Tardenois, et frère de l’abbé Auguste Mennesson, prêtre de Saint-Sulpice.

Le beau-père de Casimir Roche le « basculeur », Froment-Coutte, chez son gendre et son petit-fils Charles, qui fut maire de Reims en 1919, rue du Bastion, 5.

Théophile Dupré meurt subitement rue de Monsieur, 24, à 61 ans ; il avait été gérant de la « Brasserie de Strasbourg ».

Prolongeons notre arrêt devant une figure rémoise des plus considérables, connues et aimées, et regrettée : Abel Maurice, retraité depuis 1896 à Hermonville, y meurt à 79 ans, le mercredi 12 mars. On l’inhume à Hermonville même. Il était l’époux de Gabrielle Delaunay, et le beau-fils du pédagogue Muzart, qui tenait école rue Sainte-Marguerite, à Reims, avec filiale ou annexe à Saint-Thierry, aidé par le « pion » Pierre Dubois (voir « Pierre Dubois, prote, imprimeur et homme de lettres : 1823-1868). Trop mêlé aux luttes politiques comme aux manifestations d’art à Reims, son pays, pour être méconnu de ses contemporains et oublié de nos successeurs, Abel Maurice fut le chroniqueur-type de la chose locale : annalistes, historiens, simples curieux désireux de sentir battre le pouls de notre Cité bien-aimée, entre 1870 et 1900, consulteront avec fruit ses « articles » à « L’Indépendants rémois », depuis 1876. En sa jeunesse, il avait voyagé en Amérique pour le « champagne » et séjourné à la Nouvelle-Orléans ; il était un musicien accompli, et critique d’art avisé, compétent et sagace, avec l’esprit gaulois en plus. On le vit violoncelliste à la Philharmonique, et au Théâtre.

Le tisseur Jubréaux (Antoine Philibert) 82 ans, rue du Barbâtre, 90, ex-pensionné du « Deux-Décembre », dont il avait été une des premières victimes rémoises (voir « Rue Neuve »).

Aimée Désirée Lefebvre, 85 ans, chez sa cadette Sophie, veuve de ce personnage mi-bouffe mi-sérieux qui fut gérant de la Compagnie du Gaz, à son dépôt de la rue du Bourg-Saint-Denis, 68. On remisait là le coke de l’usine, et y passaient la nuit, sur un châlit de planches avec paillasses, les « allumeurs de réverbères » (voir « Échos et Visions du Passé »).

Adolphe Henrot, 74 ans, rue Neuve-Gambetta, 73, dans la vieille demeure de famille, où habite encore son neveu Alexandre, fils d’Henri. Philosophe et philanthrope, démocrate de bonne foi et « médecin des Pauvres ». Grand, rasé de près, moustache gauloise, exerçant depuis 1856. Leur père, aux Henrot, était né à Liry (Ardennes) et avait épousé une Petit, de ce même village du canton de Monthois, et cousine de Véronique Petit, épouse Jean François Dupont et mère de Louis Joseph. – Adolphe fut médecin de la Société des Musiciens, et, un jour, eut à soigner l’un de ceux-ci, François Gautier, qui, étant affligé d’un panaris, s’était laissé barbouiller le doigt avec un enduit au mercure, par une pythonisse, rebouteuse achalandée, la mère Peterson, de la rue Saint-Maurice, et dont l’état devenait inquiétant. Adolphe jurait et tempêtait contre cette folle, qui, s’il ne fût intervenu à temps, façonnait un tétanos bien tassé à sa crédule victime.

Un chanoine titulaire, l’abbé Butot, modeste aiglon à l’Archevêché, dont la silhouette est difficile à hisser des limbes qui l’emmaillotent.

Le « carcanier » de la Haubette, François Vuibert, équarrisseur, rue de la Concorde, 60, après avoir longtemps habité une masure sur la côte de qui grimpe au Pont-de-Muire. Sa « carcannerie » était située en partie à gauche de cette côte, et dans les champs par la suite, près d’Ormes, au lieudit les Garvières. C’est d’un squelette vivant, et qui traîne une vie languissante, qu’on disait cyniquement, et avec un sourire, bien entendu : « Bon pour Vuibert ! »

Disparaît un homme de haute lignée spirituelle et intellectuelle, mêlé à la vie rémoise, l’avocat royaliste Henri Paris, gros homme à face martiale, au toupet de cheveux bouclés, à l’impériale bien fournie, visage gardant des traces de variole, gloire du prétoire, ou il pérorait depuis le 19 mars 1846. En 1877, Mac-Mahon l’avait mis à la tête de la municipalité. Décédé à Avenay, pays originel des Paris, il y est inhumé le 9 avril.

Une personnalité dont on trouve des traces vivantes dans la biographie de « Nicolas David », Rémois qui fut écrivain, poète, prote d’imprimerie à Paris, et créateur de la collection d’œuvres mondiales, dite : « Petite Bibliothèque Nationale », à 0.25 centimes le volume. Émery Achille Rohart, chimiste et industriel, 82 ans, rue Chabaud, 20, veuf en premières noces de Léonie Blanpain, et en deuxièmes noces de Zélie Berlet.

Gustave Isambert, né Saint-Avit (Eure-et-Loir) le 20 octobre 1841, secrétaire au « Temps » en 1865, rédacteur en chef à « l’Indépendant rémois » en 1868, et député de Châteaudun, de 1889 à 1898.

Marie-Antoinette Neveux, 80 ans, rue de l’Échauderie, 9, tante de Pol Neveux. L’éminent écrivain a évoqué ses traits et son caractère dans « La douce Enfance de Thierry Seneuse ».

Marc Raoul Collas, des tissus, rue du Cardinal-de-Lorraine (emplacement actuel de la Bibliothèque municipale), 46 ans, rue Sainte-Marguerite, 5.

Anne Vitry, 83 ans, rue de Châtivesle, 15, veuve de Isidore Cochinard, ex-directeur à l’usine du Mont-Dieu. Ils avaient un fils, Octave, d’une vive intelligence, ancien élève des Arts et Métiers à Châlons, contremaître de peignage audit Mont-Dieu, sujet prompt à la colère comme un coq, dont il avait les yeux pourpres, et la plume rousse. Insolent et affirmatif, par bravade et esprit de contradiction, répliquant à son patron, M. Charles Benoist, au sujet de sa surproduction de « peigné » (il recevait une prime à la production) : « Moi ! je ferai du ruban avec des brins de balai ! » Cette autre riposte au même, qui, le voyant laissant tomber des balles du 2e étage rez-de-chaussée, et craignant les dégâts : « Aucun danger ! je me mettrai moi-même dessous sans crainte ! » Cette Maman Cochinard, coquette attardée est soigneuse de son épiderme d’un blanc laiteux, se faisait préparer tous les samedis un bain chaud au savon et carbonate, porté à renfort de seaux, par les dégraisseurs de laine.

Constance Marie, dite Eugénie Dessenis, 59 ans, veuve de Louis Le Blanc, rue de Tambour, 22. Un Dessenis avait été soupçonné de l’assassinat de la veuve Bernard avec Pierquin le charcutier, à tort, évidemment : elle était propriétaire de cet immeuble.

Des tissus, Prosper Soüel, 47 ans, époux de Marie Déroche, rue du Faubourg-Cérès, 73, immeuble Lantein ; la mère Déroche, Rose, était l’Angot de nos halles.

Un tout jeune Rémois qui avait voulu tâter de la carrière du cabotin, et n’en recueillit que l’ombre de la renommée, Édouard Fernand Poissinger, se mariera en 1902 : donnons-lui rendez-vous à quelques lignes d’ici.

Mme Auguste Godart-Vasseur, 83 ans, rue du Barbâtre, 87, belle-mère du peintre Devraine et du professeur au Lycée Gazeau.

Antoine Sanvoisin-Potier, 60 ans, rue de l’Arquebuse, 22.

Charles Marie René du Hamel, vicomte de Breuil, à Rosnay, d’une famille de hobereaux dont il éclaira le nom en 1870, comme commandant des Mobiles de la Marne. Né à Paris en 1833, il fut en 1855, sortant de Saint-Cyr, au 8e hussards. Lieutenant en 1859, capitaine en 1867. Se marie à Rosnay en 1874. Ses gendres : vicomte du Doré, comte Louis de Lambilly ; ses neveux, De la Plagne, comte Palluet de Basset, baron de Niort, et de Brosses. Témoins : vicomte d’Amécourt (Ponton), comte Nodler, vicomte Charles Dugon.

Louis Eugène Barrois, 75 ans, longtemps mégissier rue de Vesle, 232.

Alexis Morlet, 66 ans, rue Saint-Pierre-les-Dames, 13, immeuble adjacent aux bureaux et magasins de ses patrons, les lainiers Adolphe Prévost et Albert Laîné, dont il était le chef-trieur et acheteur de laines en ferme, région Rethel. Originaire de Hauviné (Ardennes). D’abord, garçon de magasin, doué de quelque instruction primaire. Devenu quelqu’un, il est responsable de la fondation, en 1891, de ventes publiques de laines à Reims, à la suite d’une mise en interdit d’un éleveur de moutons, Lamiable de Coucy, indocile à ses propositions à bas prix. L’histoire a été contée dans le livre : « La Laine de France », de Eugène Dupont. Grand, de haute et puissante carrure, gros et moustachu. Musicophile, et amateur de théâtre, il couvrait de son omnipotence les trieurs faisant partie de sociétés musicales ou autres, de quelque renom. Sur la fin de sa vie écourtée volontairement, hélas ! il ne dissimulait pas ses rancœurs à l’égard de patrons, qu’il estimait ingrats, et conseillait un jour à l’un de ses jeunes collègues, de la firme Picard-Goulet fils, de ne pas se dévouer pour une « franc-maçonnerie » de potentats qui ne sont que des égoïstes, ayant le dédain de leurs serviteurs. Il laissait, paraît-il, un petit capital de 25.000 fr. ; fruit de son travail de 50 ans, et les intéressés affirmèrent qu’ils ne l’auraient laissé manquer de rien. Charité, et non solidarité ! Cela ne convient pas à tous les cœurs !

Marie Léontine Colin, 27 ans, épouse du musicien Charles Petit, rue Hincmar, 15, dans un immeuble moderne à locataires construit par l’architecte Maréchal sur l’emplacement du Gymnase Defrançois. Léontine est la sœur de Arthur Colin, de la Société des Déchets. Employé à la carderie, leur père Colin-Perricot, à l’usine des Capucins, était en même temps concierge rue Saint-Yon, chez les Benoist.

Pierre Lucien Gérard, 68 ans, rue Savoye, 8, trieur et propriétaire. Veuf de Clémence Henriette Villenfin, époux de veuve Françoise Raverd. Il avait deux filles, dont l’aînée, devint une dame Oulmann, et un fils marié avec Mlle Glatigny.

Alexandrine Élisa Colin, 68 ans, rue de Belfort, 13, épouse du trieur Deville, de Sommepy, cousin de Jules Poullot, vieil homme très fin, aux yeux malicieux, à la verve caustique, un peu « chopinard » et quelque peu « dédaineux », vice qui avait compromis l’intégrité de son odorat et la sensibilité de son « palais », à ce point qu’un soir d’hiver où il avait prolongé ses libations chez la « mère des Trieurs », Mme Aubert-Delahaye, de Branscourt, il croyait n’avoir à régler que de la bière, alors qu’il n’avait consommé que du vin blanc !

Louis Benoît Bouton-Gérard, 70 ans, cultivateur et grévier, rue de la Concorde, 7. Mme Cellier, sœur de la Visitation, sous le nom de Sainte-Jeanne-de-Chantal est sa petite-fille.

Le chanoine Marie Alfred Decheverry, 73 ans, rue du Marc, 14.

Théophile Varlet, 76 ans, d’une dynastie de couvreurs, décède à la Maison de retraite.

Jules Baudart, 44 ans, trieur, Faubourg-Cérès, 218.

Nicaise Florentin Briallard, 50 ans, à La Neuvillette, cultivateur, époux de Angèle Witry.

Pierre Jules Charles Robin, 15 ans, à Villes-Allerand, fils du Dr Louis Robin, rue du Clou-dans-le-Fer, médecin major des Pompiers. Les Robin sont originaires de Mourmelon-le-Grand, et leur père, Robin-Saint-Remy, y fut maire sous l’Empire. Louis Robin, au sortir de l’école, s’installa rue Chanzy, 86, locataire de Auguste Petit-Rousseau, constructeur de la rue Petit-Roland. Un autre fils, Charles, reprit le commerce de vins de la famille, et en mourut jeune encore. Il avait fait son volontariat en 1879-80 à Mézières, et épousé la fille d’un vigneron d’Avenay, Pautard, et en eut une fille, Marie-Louise.

Émile Vayeur, 66 ans, épicier, rue du Jard, 35, en succession de Auguste Petit. La boutique existe encore en 1935, sans avoir changé ses dispositions, ni à l’intérieur ni en façade, depuis trois quarts de siècle.

Le maître d’hôtel du « Dauphin », à Saint-Brice, Émile Bigelot-Garnotel, 68 ans, réputé pour ses ragoûts de lapin, les berceaux de son jardin, propices aux amoureux, son orchestre de danse dominicale, ses darioles fameuses, et providence des amateurs de promenades villageoises. On l’accusait, en rigolant, de confectionner ses gibelottes avec des chats braconnés chez les voisins ou sur les toits de Reims ; son astuce aurait consisté à orner son plan de ragoût d’une vraie tête de lapin, afin d’authentiquer la provenance du fricot.

Catherine Hubertine Joséphine Landragin, 52 ans, fille du trieur dit « Sans Viande », épouse de Jules Toussaint, de Romain, cousin de Auguste Petit, et employé aux laines chez Henry Mennesson, puis à la firme Wenz.

Gustave Henry, 75 ans, capitaine d’artillerie en retraite, manchot de guerre, rue Hincmar, 37, en service à la Compagnie du Gaz pour recouvrements.

Auguste Carnot-Monclin, 59 ans, caisses à champagne, boulevard Dieu-Lumière, 30. Fait partie des notables de Par-en-Haut, en compagnie de Bazières, Victor Lambert, Paillotin, Peltier et Noblin, Gardeur, Debliquy, Alfred Colmart, les Derungs, et 100 autres, Fléchambault mis à part.

Martine Lenoir, 80 ans, rue des Tournelles, 2, veuve Bonnet-Blanc (signalée aux rats !).

Charles Boësch, 42 ans, rue Sainte-Marguerite, 19, époux de Lucie Roederer, architecte. On lui doit, entre autres érections, l’hôtel de ville d’Attigny, en collaboration avec Émile Deveaux.

Charles Dudault, d’Aulnay-sur-Marne, trieur à l’usine Collet, rue Fléchambault, 65. Petit bonhomme taciturne, ne parlant que par secousses, yeux de renard frangés de rouge, appréciant surtout le vin blanc de pays, qu’il dissimulait sous les menues pailles qui tombent de la claie du trieur, et vidant son litre, en catimini, entre 7 et 11 heures du matin. Sut mettre d’accord ses actes avec ses paroles, car, ayant déclaré qu’on ne devrait jamais dépasser 60 ans, pour éviter les diminutions de la vieillesse, il meurt précisément à cet âge, bien involontairement d’ailleurs. – Que La Fontaine eût goûté les dires de ce paysan champenois !

Sillas Omer Autain, 51 ans, pharmacien à Dormans, époux de la très belle Aimée, fille du « père Boulogne » des Bains.

À Paris décède rue Blanche, 75, Clémence Destable, veuve Lespérance Quenoble, gros et jovial fabricant de la rue Cérès, et dont l’immeuble, non grevé de bombes, reste en avance sur l’alignement nouveau de ladite rue.

Sidaine, marchand de parapluies rue des Capucins, 21, perd son épouse, Esther Laurence Hortense Barbat, 58 ans.

Léon Bernard, 31 ans, rue de Bétheny, 56, trieur, type supérieur à son destin, instruit, éclairé, spirituel, bon enfant pardessus le marché, enjoué, gros garçon au teint frais, la main tendue fraternellement à ses confrères.

Adonis Wagner, 73 ans, rue Ponsardin, 78, le doyen des courtiers en laines, qu’on voyait tous les matins commencer sa tournée en fabrique, portant une copieuse « marmotte » d’échantillons sous papier bleu. Il avait été associé avec Marsan pour la fabrication du mérinos, boulevard Saint-Marceaux ; les Collet reprirent l’usine à l’heure de sa déconfiture. Il eut longtemps son étroit bureau rue de Monsieur, angle Petit-Arsenal. Compétence, relations, estime de tous, il possédait l’œil et l’oreille de ces Messieurs de la Fabrique, et avait la vente facilitée. De taille plutôt petite, portant moustache gauloise et visage rasé, un peu chauve, il se faisait remarquer par la densité de sa « marmotte » d’échantillons, dits « paquets de chicorée ».

Paul Defayolle, 36 ans, rue des Poissonniers, 19, époux de Marguerite Glatigny, comptable, vice-président des Régates rémoises.

Alphonse Charles Squelin, garçon de magasin, trieur à l’occasion, chanteur comique, providence des concerts d’amateurs, 70 ans, rue de Soissons, 24.

Émile Boulanger, 52 ans, comptable, rue Gambetta, 23, époux de Louise Ponsart, beaucoup plus jeune que lui, très belle blonde aux yeux de gazelle, teint, comme on dit, pétri de lys et de roses, à laquelle il laisse des rentes. Cette Louise, de taille élancée, était sœur de l’artiste-illusionniste Alfred Ponsart, et de Mme veuve Mandil qui finit ses jours péniblement à la Maison de retraite ; tous trois étaient les enfants du tambour de ville d’il y a trois quarts de siècle (voir « Rue Neuve »).

Charles Strapart, docteur médecin, 79 ans, hors service depuis 1900, époux de Appoline Delavallée, rue des Telliers, 6, et beau-père du docteur Hoël.

Alphonse Theisse, de Metz, 31 ans, rue Lesage, voyageur.

Jeanne Baudin, veuve Bara, 91 ans, rue du Barbâtre, 88 ; elle avait eu pour mari un ex-chantre à Saint-Maurice, au temps de l’abbé Lamorlette (voir « Rue Neuve »).

Arthur Sal, 67 ans, rue Cérès, 31, courtier en laines.

Ismérie Chardon, veuve Guérin, rue Bacquenois, 31, belle-mère de Emma Guérin-Pierrot, actuellement à la Maison de retraite.

Théophile Muno, de Sedan, 65 ans, rue de Beine, 7. Il était soigné par une femme encore jeune et qui avait été une jolie blonde, fille de l’Amour, et sa servante, Eugénie, veuve depuis longtemps d’un maçon, Louis Dérozier, dont elle eut deux filles, Adolphine et Julia. Ce Dérozier était neveu par sa mère, Augustine Dérozier-Rousseau, de Petit-Rousseau, de la rue Petit-Roland. Louis était mort phtisique en 1885. Muno avait été fabricant à Sedan. Tombé de cet étage, il n’avait pu se relever qu’en faisant à Reims le courtage des laines, y gagnant difficilement sa vie, secouru par l’un et l’autre, toujours mal peigné et mal vêtu, buvant « gouttes » et « pernods » ; bref, un déclassé.

Antoinette restitue Colas, 82 ans, veuve du maître tisseur Henri Bonjean, de la rue Saint-Nicaise. En général, il apparaît que le veuvage est un brevet de longue vie pour les femmes.

À Auteuil, le 11 décembre, décès du peintre Lavidière (Edmond) qui eut son heure à Reims, et sera inhumé à Nancy. Le poète Enguerrand Homps possède, par héritage de son aïeul Chemin, de l’Embarcadère, un portrait de cet artiste, et un tableau. Il fut le protégé notamment de Alphonse Disant, du « Lion d’Or ».

Étienne Parfait Delanerie, issu de peigneurs de la Vallée de la Suippe ; le patriarche à larges épaules, costaud, à longue et profuse barbe rousse, aux yeux bleus de prophète icarien, âgé de 74 ans, rue Croix-Saint-Marc, 95, beau-frère au fabricant A. Poincenet-Delanerie, du Faubourg-Cérès.

Louis Gilloteaux, 71 ans, rue de Cormicy, 25, trieur de même souche et de la même génération, bâti en sarmant de vigne, à boucles blondes et rares sur un noble front dégarni en profondeur, teint diaphane. Ces deux bonshommes sont d’une rare valeur morale, honneur de leur corporation. On s’était promis d’en rédiger un Livre d’Or, de cette cohorte des Trieurs au XIXe siècle : le temps à manqué, et, comme disait Bloy, la vie est courte !

Et voici le tour de disparaître de celui qui se flattait d’avoir enterré 100.000 de ses concitoyens : la chose a fini par lui jouer un mauvais tour. Basile Cochet, trieur et vieil habitant du Jard, longtemps confident de la « mère Rix », au 23 de la rue, alors qu’il habitait au 35, et partageait son « café noir » de midi avec la mère de la comtesse de Loynes (voir « Reims-Magazine » 1927, et « La Dame aux Violettes » de Lucienne Ercole, 1935). Baptiste Basile Cochet meurt à 95 ans, laissant désemparée sa « vieille », ex-épinceteuse, comme la Rix. On put l’occuper de son métier jusqu’à 85 ans, sous l’œil paterne de Jules Benoist des Capucins, qui tenait à assurer ses dernières années contre la misère ; on lui faisait éplucher des laines d’agneaux, et il arrivait encore à se créer un salaire quotidien de 3 francs. Il lui fallait peu de nourriture, se contentant parfois, au goûter de 4 heures, lui servant de souper, d’une pomme et d’un trognon de pain ; mais il « sifflait » aisément un verre de vin blanc, voire de « dédaine », le lait des vieillards, affirmait-il. Tous les ans, vers 1896, certain trieur de nos amis avait la mission de diriger un triage de laines d’agneaux aux « Capucins », dans un atelier au 2e étage sur rue Hincmar, d’où l’on avait un horizon étendu sur les toits environnants, pas assez élevés pour cacher à ses amants la belle figure de Notre-Dame de Reims. On s’amusait fortement dans ce milieu de braves ouvriers, et le « père Cochet » y contribuait largement par ses histoires du vieux temps, et les quiproquos provoqués par sa surdité, exploitée par les « jeunes » de la classe. Ainsi que l’affirme Péguy, on avait le « travail gai » en ces temps, et l’on y rechignait point. Un jour qu’on lui contait quelques détails sur le sacre de Louis XVI, il ne put se retenir de hausser les épaules, en grognant : « Tais-toi, gamin ! Comment peux-tu en savoir quelque chose ! tu n’étais né ! Moi ! je puis parler d’un sacre : j’étais vivant à celui de Charles X ! » Il avait une moue en parlant de ceux de ses concitoyens, de classe au-dessus de la sienne, qui « s’entêtaient » à vouloir durer ! Les « orgueilleux » ! Juste retour des choses d’ici bas : Cochet dut partir à son heure !

Une autochtone du Jard, grande « priseuse » de tabac devant le Tout-Puissant, en compagnie de sa voisine Victoire Aumont, du 26 alors qu’elle est au 30 : Zoé Niclosse, sœur du charcutier et veuve de Antoine Philippe, épicier-buraliste-buvetier, beau-père du banquier Chapuis. Zoé décède à 75 ans, chez son gendre, au 41 (voir « Le Jard »).

Dupré, de Reims, capitaine de gendarmerie à Saint-Malo, 57 ans.

Albert Bringues, de Cette, 76 ans, veuf d’Amélie Moisson, marchand de vins rue du Barbâtre, 22, chez son fils Adrien.

François Mortier, maître apprêteur aux « Parisiens », 62 ans, chaussée du Port, 47.

Paul Huon, 41 ans, anciennement passage Marlier, et rue du Jard, 30. Matelassier, père d’une nombreuse famille, mort phtisique.

Buirette-Gaulard, de Suippes, fabricant et philanthrope, donateur d’un prix de vertu qui porte son nom et le prolongera dans la postérité. Possède ad mortem l’honneur d’une plaque de rue.

Estelle Joséphine Mongrenier, veuve du médecin Charles Adonis Faille, 70 ans, rue Chanzy, 83 (voir « Échos et Visions du Passé »).

Un carabin impénitent, quelque peu bohème, Georges Depouilly, 28 ans, phtisique, rue de Vesle, 53. Albinos au teint rose-thé, noctambule et fêtard, marié depuis peu à Blanche Baudier.

Victor Ernest Druart, 78 ans, chaussée du Port, 19, aïeul des Rémois René et Henri Druart.

Louise Pauline Lefèvre, sœur d’Henri, meunier a Évergnicourt et filateur à Saint-Brice, veuve du bibliothécaire Charles Loriquet, rue du Cloître, 10. Leur fille Marie est religieuse à l’Hôtel-Dieu sous le nom de Sainte Pauline, et on doit à son désintéressement des choses de ce monde la destruction de nombreuses notes d’érudition locale dues à son père, sans que Henri Loriquet, arrivé trop tard, pût sauvé du feu ces infortunées victimes du mépris de ce monde. Henri était alors, le 12 décembre 1877, conservateur de la Bibliothèque de Rouen. Les petit-fils sont nombreux : Charles, Jean, Louis, Georges et Robert.

Marie Louise Alexandrine Bourgeois, 71 ans, épouse du marchand de laines Leclerc, rue Hincmar, 27, et mère de Georges, qui succéda à son père, et se retira des affaires à la veille de la crise des laines, en 1910, à Saint-Léonard, dont il est maire. La défunte avait connu des heures difficiles, vers 1850, alors que son mari n’était encore que garçon de magasin, et qu’elle repassait des bonnets de tulle à tuyaux pour un sou pièce !

Le poète rémois Arthur Guillemaille (voir Almanach Matot-Braine, vers 1931), perd sa mère.

Gustave Barau, 49 ans, rue Coquebert, 47, époux de Madeleine Muller, des « champagnes », et président de la Compagnie des Petites Voitures. Frère du peintre Émile Barau.

Héloïse Joséphine Pergod, 85 ans, veuve Bazière, rue du Barbâtre, 85, chez son beau-fils Émile Godret, dit Bazière (voir Almanach Matot-Braine, 1935).

Simon Mitchell, 61 ans, rue de Cernay, 259, contremaître de serrurerie au peignage Jonathan Holden, citoyen britannique, en retraite sans fortune, comme tant de travailleurs du textile, après quarante ans de service.

Raymond Aubert, 64 ans, époux de Joséphine Sibenaler, marchand de bois chaussée du Port, 36. Ex-adjoint au maire, et bibliophile, appelé à recueillir la succession en livres et gravures du voisin des Sibenaler, Hédouin de Pons-Ludon, et père du poète René Aubert, fondateur de « la Jeune-Champagne », de « l’Entr’aide », auteur du « Bois Sacré », qu’il désavouera sans le moindre tort à l’œuvre, absolument remarquable, et qui habite en 1935, depuis des ans, la Côte d’Azur, actuellement à Roquebrune Cap Martin (voir « Lettres à un Ami », 1935). – Sa fille Hortense avait épousé Maurice Salaire, qui, capitaine des Pompiers, fut décapité par une bombe allemande, à Reims, rue de Vesle, en 1915, à son poste de devoir. Avec les dommages de guerre, la veuve fit reconstruire leur immeuble de la rue de l’Université, à usage d’hôtel-meublé et restaurant, sous l’appellation « Hôtel Régina ». Tenu longtemps par André Salaire, architecte, décédé à Villers-Allerand en 1934. L’hôtel est remplacé par une clinique chirurgicale. Hortense Aubert est décédée en 1930.

Le 29 novembre ont lieu les obsèques civiles du citoyen Eugène Courmeaux, dont la vie politique fut très agitée et pourrait fournir matière à quelque romance en prose issue de la plume et de l’imagination de tel ou tel mémorialiste bien doué. Celui que nous appelions le « Pontife » en raison de la redondance de ses discours, échauffés à froid, prononcés d’une voix de basse profonde et déclamatoire, qui s’épandait au travers de la broussaille de sa moustache et de sa barbe hugolienne, est décédé le 22 novembre, jour de Sainte-Cécile, patronne de cette musique qu’il honorait particulièrement, au même degré que la poésie, les tableaux et les livres. Il fut un bibliothécaire plein de mansuétude pour les familiers de notre Nécropole des livres, et fervent amoureux des « maroquin » ou « basane » aux dorures impeccables. Son corps mort fut déposé à la Maison de la Libre-Pensée, tout comme on expose, à leurs décès, la pieuse dépouille de nos Archevêques. Les hommes changent, les mœurs restent, avec leurs coutumes ; les sectes et les religions se succèdent, toutes intolérantes pour leurs rivales, gardant et usageant les mêmes rites avec des superstitions différentes, de même résultat, peu flatteur pour l’espèce ! La curiosité publique fut grande sur le parcours du cortège funèbre, où d’autres Pontifes se rengorgeaient dans une fosse émotion, car il ne manqua aucun bonze au poste de représentation, et avec le vernis de simplicité de règle en ces occasions. Le « de cujus » sonore et piaffant, mais fidèle aux convictions de sa jeunesse et comme tel, digne de respect et d’éloges, était né à Reims le samedi 15 février 1817, à 6 heures du matin, avec l’aube. Son père, Jacobin de bonne trempe et soldat de la France en république, avait été décoré de la Légion d’honneur par le César corse. Eugène Courmeaux fit ses études à Paris, à l’École de droit. En 1846, il est bibliothécaire à l’hôtel de ville, en remplacement de Louis Paris. 1848 l’accroche à la politique active, et le voilà sous-préfet, après Charles Poisson. Complots, journées de Juin, et il est emprisonné, jugé, acquitté. La séance recommence au Coup d’État de 1851. Ces juges qu’on trouve au service de tous les régimes, le gratifient d’un an de prison, qu’il évite de subir par son exil en Belgique, à Bruxelles, avec d’autres co-rebelles, à l’ombre et dans l’atmosphère du déjà grand Hugo, – ce dont il ne sera pas peu fier ! Amnistié en 1863, il réapparaît dans sa ville natale, et, de 1855 à 1860, il voyage pour le champagne Jules Mumm, en se fixant à Paris, jusqu’en 1869. Il entre alors au service de Roqueplan, directeur du Théâtre du Châtelet, comme secrétaire général. C’est à partir de ce moment que ses condisciples au Collège des Bons-Enfants affectent de le considérer en fantoche, et s’amusent de ses faits et gestes. La guerre survient. De Reims, il visite le champ de bataille de Sedan, et en publie ses impressions dans « l’Indépendant rémois », à titre de documentation. Il va ensuite à Tours se mettre à la disposition de Gambetta. Testelin le charge d’une mission, et Pierre Legrand lui confie le ravitaillement en pigeons-voyageurs. Agent de liaison entre Freycinet et ce général Farre qui a des attaches avec notre ville. En 1871 et 1879, candidat battu à la députation, il tient bon, et finalement décroche la timbale au scrutin d’arrondissement. Membre de la Gauche radicale, il est nommé vice-président de l’Extrême-Gauche. Il était, de par nature champenoise, frondeur et empêcheur de « danser en rond », vice rédhibitoire ! On s’en débarrasera. En 1885, il est battu au scrutin de liste. Son ami Henri Henrot, et parent, maire de Reims, le rétablit dans ses fonctions de bibliothécaire, au décès de Charles Loriquet. Henri Jadart lui est adjoint, et c’est à ce poste qu’il termine des jours vraiment remplis. Ses livres et mobilier passent aux enchères à la salle des ventes, et l’un de ses fidèles électeurs, radical-démocrate avant même d’avoir su ce que représentent réellement ces mots, est adjudicataire, à peu de frais, et d’accord avec sa bourse plutôt plate, de son coupe-papier en corne de chamois, de son coquet panier à papiers, et de son fauteuil de cabinet de travail, où il siégera à son tour pour l’accomplissement de la puérile mission qu’il s’est adjugée. Courmeaux, gros et grand gaillard corpulent, tiré à 4 épingles, sous haut-de-forme et jaquette pincée à la taille, ornée d’un fin mouchoir blanc à la pochette du cœur, a peu écrit. On a de lui : « Souvenirs d’un vieux Rémois », trop brefs, hélas !; « Excursion en Crimée » (1855), « Souvenirs de la Chambre des Députés ». C’est à ses efforts qu’on doit la création du « Musée rémois », réservé aux œuvres et portraits purement locaux. Disons qu’à ses obsèques, les coins du poêle furent tenus par son ami personnel Albert Laîné, de la laine, son neveu ; Henri Henrot, son cousin par les Leclerc ; Victor Diancourt, son ami mais adversaire politique ; Virgile Paroissien, « diplodocus » rémois ; Mirman, son successeur à la Chambre ; et le gros « ronchon » Henri Menu, rat républicain aux dents d’ivoire inusables. Courmeaux, et c’est justice, a sa rue dans Reims.

1903

Et maintenant, retroussons nos manches pour brasser la pâte au moyen de laquelle nous allons consolider le bloc des Vivants et des Morts qui constitue le tuf de notre vie communale.

Au labeur le plus attristant d’abord ! Après, nous nous trouverons des consolations au contact des nouveaux constructeurs du foyer rémois, et, pas plus l’entier que la partie, Reims ne périra ! Debout, les Morts !

Jean-Baptiste Godart-Vasseur, 86 ans, ex-chef de caves et membre des Sauveteurs, rue du Barbâtre, 87, père de Mme Gazeau.

Adolphe Lefebvre, 34 ans, marbrier rue du Champ-de-Mars, 63, dont le frère Paul sera l’auteur du « Poilu », statue commémorative et symbolique dressée cours Langlet, après-guerre, et transportée depuis place Léon-Bourgeois.

Léon Eugène Grévin, 71 ans, époux d’Adèle Rohart, à Paris.

Marie Élisa Macquart, 51 ans, mère de Mme Chardonnet, épouse de Victor Gire, à Prunay (voir cour Gire, faubourg Cérès).

Ernest Scherdling, 40 ans, trieur, rue des Moulins, 32. Il était le beau-frère des Schnetzler et de Charles Hickel, de la laine. Brave et franc camarade, Alsacien de naissance, enragé « culotteur » de pipes.

Alfred Bertholle-Michel, 74 ans, des tissus, rue Sainte-Marguerite, 4. De haute taille, bel homme aux cheveux blonds bouclés, qui fut locataire, un temps, du premier étage de la coquette maison occupant le centre des Loges-Coquault, là même où Anne d’Autriche assista, du balcon, au passage de Louis XIV se rendant à la basilique Saint-Remi, au jour de son sacre.

Ernest Cogne, 54 ans, capitaine d’administration en retraite, rue Fléchambault, 62. Obèse, « riz-pain-sel »-type, bon vivant, ami intime de l’épicier Main-Dupuis, dont il avait été le voisin, rue Neuve, près des Moulins.

Albert Jules Delhorbe, 52 ans, restaurateur rue Trudaine anciennement et habitant rue Petit-Roland, 32. Vatel pour mères Angot et marchands des quatre-saisons, il joignait cette clientèle remuante et gourmande, celle des courtiers en laines, qui appréciaient ses vins de la Montagne de Reims.

Jules Eugène Copin, 61 ans, rue Marlot, 20, veuf de Clémence Gaillet. Gros et court, bedonnant et surtout constipé à cause de son sédentarise sur fauteuil rembourré, en qualité de comptable chez le fabricant Auguste Français, rue Cérès, 32.

Ernest Guitar, 60 ans, cabaretier, en succession du musicien Porgeon, Faubourg-Cérès, 16. Après avoir servi comme magasinier chez les Givelet, il était entré chez un certain Appert-Tatat, fabricant rue Montoison et rue de Mâcon.

André Félix Souris, de Sommepy, et, en raison de ce choix, venu au monde avec une crotte de mouton au c… Il a 82 ans, et meurt à la Charité, veuf. Tous ces Souris avaient nagé dans la rouennerie, lui seul dans la laine. Son fils Alphonse était peintre en bâtiments, et mourut assez jeune. La veuve, qui avait marié leur fille avec Guyot, des tissus, chez Lelarge, est décédée rue de Contrai, 8, en 1935. Vers 1885, il triait encore chez Picard-Goulet fils, rue du Barbâtre, 36, où les contremaîtres s’étaient fait un devoir d’embaucher les « Anciens » et de leur assurer l’aide et le respect des « Jeunes ». Priseur de longue date, il avait la tabatière ouverte à tout venant, ce qui permettait à ses narines largement dilatées de se régaler à tout bout de champ.

Clémence Célinie Boulogne, fille d’Alfred, 19 ans, rue Hincmar, 7. Jolie créature, choyée de tous, victime de cette tuberculose dont étaient morts ses oncles Alexandre et Édouard. L’aïeul Boulogne avait déjà les Bains chauds et Lavoir de la rue Neuve, 80, transférés ensuite même rue, au 51, dans l’ancienne usine d’apprêts Bouchette, à porte cochère rue des Orphelins.

Eugénie Grévin, veuve Lucien Guénet, 66 ans, rue Brûlée, 21. Belle, grande et distinguée, brune aux yeux noirs et profonds, charitable et sans morgue, elle était sœur de Casimir, le rustre fabricant, appelé l’« Ours des Montagnes-Rocheuses ». L’appartement des époux Guénet était au premier étage d’un vaste immeuble à jardin, dont Casimir fut propriétaire. Le concierge se nommait Gary, et au rez-de-chaussée sur cour et jardin, en deux pièces, dont une étroite et l’autre très grande, fut occupé, en décembre 1886, par ces deux jeunes mariés, Eugène Dupont et Eugénie Gautier.

Gaston Vauché, de Sedan, 40 ans, débitant rue Legendre, 14, dans une vieille maison de bois et crépi qui datait du Moyen Âge, détruite pendant la guerre. Sa sœur Rose était professeur de piano. Fort et de teint coloré, nez aquilin, il était « sauveteur » et encaisseur en fin de mois à la Banque de France : le chapeau à claque et la redingote bleue à boutons de cuivre séiaient parfaitement à sa taille et à sa corpulence : il eût fait un beau préfet !

Paul Aubry, 38 ans, rue de Clairmarais, 14. Bel homme au teint clair et rosé, faisait sa partie de « banque » à 2 sous le jeton au Café du Théâtre, au temps où les clients peu argentés avaient le droit de passer 5 heures au cabaret, sans être obligés de « renouveler » !

Élisa Clémentine Limoges, 77 ans, veuve Marchand, rue de Cernay, 17, où habite encore, en 1935, Mme veuve Archambault.

Arthur Lobet-Barangé, chef de train, 62 ans, à la Maison de retraite, père de Paul Lobet, rue Payen, 22, et, sans doute, de ce Jules Lobet, cheminot de l’Est, qui, ayant été un temps député d’Épernay, a recueilli pour sa mémoire une plaque de place publique à Reims : çà valait bien cela !

Auguste Biébuyck-Romagny, des tissus, 79 ans, à Bruxelles.

Gaston Paris, d’Avenay, 64 ans, meurt à Cannes. Fils de Paulin, son histoire appartient à celle de la France savante.

Louis Aussaris ( ?!) Trentelivres, en pesant à peine autant, 69 ans, place d’Erlon, 47, créateur du magasin de boissellerie et vannerie de la rue de Vesle, à l’enseigne : « À l’Homme d’Osier ».

Jean-Baptiste Chemin-Defawes, 89 ans, rue de Saint-Brice, derrière l’Embarcadère, sa propriété ; il est l’aïeul du poète et chroniqueur rémois Enguerrand Homps.

Trentelivres a laissé dans nos mémoires une vision de Henri IV, dont il avait le port de tête ; cet autre Rémois, Paul David, nous en rend une seconde, plus soignée. Il meurt à son château de Vrilly, à 65 ans, époux de Jane Simonet. Ex-associé d’Henri Warnier, des tissus, il fit partie intégrale de la vie élégante et nocturne de Reims à la fin du 2e Empire et commencement de la IIIe République, et décédera à Paris. En son hôtel de la place d’Erlon, là où s’élève l’Hôtel Continental, eurent lieu les plus belles et se dansèrent les plus luxueux cotillons, sous l’archet de François Gautier, et le bruit de castagnettes du piano de Ernest Duval, entraîneur sans rival. Bel homme, galant, intellectuel, il alimenta pour sa part la Chronique de l’Œil de Bœuf rémoise.

Un mutualiste de premier plan, Remi Georges Bernard, 65 ans, rue de Pouillon, 28, ex-comptable chez Dubé & Lenoble, des tissus, officier d’Académie, vice-président des Établissements économiques, et président de la « Prévoyance ». À 26 ans, il confiait déjà ses économies à la Société de Prévoyance fondée par Étienne Lesage, dont il fut président en 1882. Directeur adjoint à la Caisse d’Épargne. Grand, barbe en pointe, de teinte roussâtre. Son fils George, lui, était d’une rousseur impeccable, et débuta auprès de lui dans les tissus qu’il lâcha pour le journalisme, et il s’y appliqua d’une plume acérée. Talent vinaigré, verveux, audacieux, pamphlétaire non éclos. Fut d’abord au journal royaliste d’Henri Arsac, « la Champagne ». En 1882, il dirigea une « Revue rémoise » phtisique, imprimée par Henri Matot : il y tenait la chronique avec une lucidité parfaite et d’une écriture débordante de vie.

Pierre Le Comte, 67 ans, rue de Vesle, 57, ex-régisseur au Théâtre et au Casino. Il était père du violoniste Albert Le Comte. Grand et découplé, allure d’homme d’affaires, on pouvait se demander par quel hasard ce gaillard si plein d’entregent avait pu suivre ce sillon téméraire et obscur d’un Gil Blas de Santillane ? il n’avait rien du bohème des planches.

Édouard Trischler, 72 ans, aux Petites Sœurs des Pauvres. Fut longtemps un des plus réputés bouchers de la ville, rue de Contrai, angle Université. On est tout surpris de le savoir hospitalisé !

Émile Degand, 58 ans, rue Chabaud, 9, veuf de Pauline Pêcheur, sœur du restaurateur de la rue de l’Étape, époux de Sidonie Archambault ; il était gros épicier rue de Talleyrand, la même où H. Luzzani ouvrit ses bureaux ; il finit dans la peau d’un administrateur des Docks Rémois, création de Victor Georget.

Estelle Henriette Levent, 75 ans, rue Brûlée, 21, veuve du gros et myope Wirbel, fabricant rue du Bourg-Saint-Denis, 69.

Alexandre Bourgeois-Gérard, 78 ans, rue des Chapelains, 2, sans histoire, comme les peuples heureux.

Victor Lambin, – le beau Lambin –, 74 ans, rue Gambetta, 56, époux d’une Colombe Blanche, « repoussoir » de son coquet et fringant époux et qui, si elle avait la douceur de l’oiselet charmant qui porte son nom, était loin d’en posséder la grâce. Représentant en liquides et spiritueux, piston distingué aux Pompiers, Lambin portait beau sa barbiche de chasseur à pied, et corset sous sa chemise.

Augustine Rosalie Coutte, 75 ans, rue du Bastion, 7, Parisienne de La Chapelle et de la Goutte d’Or, veuve de Ernest Froment, marchand de fers, et grand-mère d’Eugène, René et Charles Roche, ce dernier destiné à la première magistrature rémoise, aussitôt l’armistice de 1918.

Henri Tricout, 77 ans, place d’Erlon, 82, époux d’Adèle Pichot, bandagiste réputé dans le peuple enfantin par sa tige de fer électrisée protégeant la vitre d’une fenêtre à sa boutique : les gosses prenaient plaisir à s’y faire électrocuter... bénignement, mais d’une façon très chatouillante. Opticien et membre de l’« Académie nationale de Statistique universelle », ce qui n’est pas peu de chose !

Charles Laroche, 63 ans, place du Palais-de-Justice, angle Clou-dans-le-Fer, époux de Henriette Amélie Monnin, et de culte protestant. Libraire-papetier fort achalandé. Homme glabre et grave, d’honnêteté irrémissible.

Gustave Adolphe Trapp, 45 ans, à Neuilly-sur-Seine, ex-filateur, dont le fils Henri, violoniste à la Philharmonique, fut associé aux frères Marteau.

À Paris, Mme veuve Sellier, belle-mère de Léon Bourgeois.

Auguste Tailliart, 69 ans, rue Saint-Hilaire, 23. Courtier en laines, passé du service Émile Petit, laines (1886), à celui des Dauphinot de la fabrique. Père d’une nombreuse famille qui donna des sujets à l’enseignement public et privé. Il y eut rue des Murs et Saint-Pierre-les-Dames, un pensionnat Tailliart. Une de ses filles fut inspectrice primaire. Son fils Jules, courtier en laines rue de la Belle-Image, 4, se réfugia à Bergerac, en 1914. Tailliart père était le plus honnête et sociable homme qu’on pût accoster, courtois, serviable, d’une modestie rare, pas « papottier » pour 2 sous ; de petite taille, rond et grassouillet, figure à moustache à la Gauloise, la main tendue à ses pareils, – mais du bout des doigts aux autres, ainsi qu’il convient à tout brave homme.

Félix Tarrâtre, 60 ans, place d’Erlon, 3, où il tient une affaire de billards et accessoires.

Georges Chavalliaud, 35 ans, chapelier, rue de l’Étape, 21.

Véronique Louise Luzzani, veuve Philbert, 82 ans, Faubourg-Cérès, 4. Un Philbert, jardinier chez les Werlé, maria sa fille à Ovide Bassin, employé dans cette maison.

Le fils unique de Victor Labin décède à son tour, à 31 ans.

Jean-Baptiste Allart, 58 ans, trieur de laines, rue de Cernay, 156. Immigré de Fourmies en 1880, avec les Bleuze, Pollet, Pollion, Jésus, Batteux ; bon petit professionnel, jovial et prenant toujours les choses du bon côté et les gens par leurs qualités, babillant à tort et à travers, sur tous sujets, se « piquant parfois le nez » avec de l’alcool malsain, d’où disparition activée.

Félix Benoist, des Capucins, 64 ans, époux de Marie Godet, rue de Monsieur, 30. Notabilité rémoise d’une galanterie chevaleresque, fils aîné des Benoist-Malot, piliers de l’industrie à Reims.

Marie Colin, dite la « mère Gélu », 85 ans, rue des Élus, 3. Fut des années la cuisinière appréciée de la pension Gélu, rue Nanteuil, où vécurent des générations de citoyens de la laine et des arts, auxquels elle a laissé les plus plaisants souvenirs : Ernest Lefèvre, Charles Stenger, Benjamin David, le ténor Claude, Félix Pilton, Joseph Rémond, Maurice Noirot, et 100 autres lurons, gourmets et bons vivants.

À Paris, la jeune Talazac, épouse récente du pianiste Fernand Lemaire, meurt à la suite de couches.

Eugénie Louise Lantshèere, 49 ans, rue de Mars, 32, chez son fils, des Établissements Mauroy, veuve de Charles, mort peu avant. Ces deux époux formaient le couple le mieux assorti en fait de beauté physique ; intellectuellement de même : ils possédaient à peine les éléments les plus simples de l’instruction primaire, mais, ils avaient la bosse du commerce de détail (voir « Rue Neuve »).

Adolphe Bardoux, 46 ans, boulevard Carteret, trieur d’occasion et par aventure, bonhomme au type gaucho bien dessiné, auquel siérait le costume brésilien à pomponnettes et sonnailles, ayant d’ailleurs circulé dans la Plata ! Un peu de mystère, le visage balafré et piqueté de traces de variole, la langue s’empêtrant parfois entre des dents jaunies par l’abus de la cigarette, et ayant perdu des unités. Son passage sur terre fut rapide, mais non dépourvu de sensations !

Ce bon chanoine Lamorlette, – le beau Lamorlette ! aux cheveux couleur rouille du blé, soyeux et bouclés, nez mutin, à l’aspect de petit-maître, le muscadin et musqué, coqueluche de ses paroissiennes de Saint-Maurice, au temps où il en était l’aimable pasteur, meurt à 77 ans, le 22 juin, rue de l’École-de-Médecine, 7.

Octavie Desmarest, 67 ans, rue Thiers, 27, veuve Ohl.

Marguerite Athalie Guinot, veuve Lerzy, 68 ans, rue des Murs, 34, chez son gendre Charles Lecomte. Lerzy avait été débitant rue de Cernay. Un oncle Lerzy le fut aussi, mais rue des Augustins, angle Petits-Augustins, actuellement rue Berton. C’est chez ce dernier que le trieur Bocquillon, un soir que le chantier des Walbaum, aux Coutures, était venu finir la soirée avant l’heure du souper, croquait et avalait des noix sèches, avec les coquilles broyées par sa mâchoire de crocodile !

Henri Périnet, 33 ans, capitaine du Génie en Guinée, à Conakry, beau-frère de Jules Laurent-Périnet, professeur d’histoire naturelle au Lycée.

Célinie Gabreau, veuve Joseph Jacquet, 83 ans, chez son gendre, Auguste Nouvion, fabricant, rue Saint-Symphorien, 27.

Ferdinand Leleu, 48 ans, rue des Moulins, 71, époux de Marie Josèphe Halbarbier, teinturier-apprêteur.

Louise Marie Harmel, 57 ans, épouse Bureau, boulevard Cérès, 4. La chère créature du Bon Dieu, oubliait, en fin d’existence, de régler une note de blanchisseuse de la rue d’Anjou, 14, envers laquelle elle sera tenue d’obtenir auprès de la Divine Providence des indulgences compensatrices, dont cette « repasseuse » des chemises à pli de son mari aura sans doute besoin après sa mort.

Victor Olry-Roederer, 44 ans, au château des Commelles (Marne) ; il était l’époux de Eugénie Mathilde Madeleine Mure, et avait pour beau-frère le comte de Jarnac, avec des neveux Rohan-Chabot. L’histoire rémoise conservera le nom de ce mécène auquel on doit l’hôtel de la Mutualité.

Floris Numa Valentin-Sueur, 46 ans, rue d’Alsace-Lorraine, 4. Originaire du Nord conquis au « pinot » champenois, nerveux est sanguin, mort en pleine vigueur.

Mme Camille Violart-Philbert, des champagnes, 49 ans, rue Saint-André, 1.

Marie Ernestine Gaillot, veuve Boutillot, 58 ans, rue des Fusiliers, 18, mère d’une distinguée, fraîche et ravissante couturière en robes, qui fut l’épouse d’un Feller. Flexible comme un roseau, d’un teint lilial, son sillage embaumait les pas de ses trop empressés adorateurs, et c’est tout ce qu’elle leur laissait d’elle. N’était-ce point suffisant !

Narcisse Antoine Gérard Lluhy, 71 ans, rue du Couchant, 4, dont le fils est graveur-lithographe chez Maillet-Valser, et la fille, épouse du relieur Charles Pothé.

Édouard Callaudaux, des tissus, 56 ans, époux de Julia Ledru fille du quincaillier de rue Gambetta, 28, grande et sympathique blonde aux yeux bleus et à la chevelure abondante, mais d’apparence lymphatique. Callaudaux est en parenté avec le coiffeur Locart, angle Chanzy et rue du Couchant.

Charles Augustin Renard, 60 ans, des vins, rue d’Aÿ, 68, veuf de Céline Debéthune. Il décède chez son fils Renard-Camus, monumentiste pour pompes funèbres rue Dieu-Lumière, 31. – Clémence Renard, sa fille est au Sacré-Cœur d’Amiens.

Émile Maire, 74 ans, rue de la Fleur-de-Lys, 4 (voir Échos et Visions du Passé). Sa maison est abattue fin 1932, avec la pharmacie Breton et le bureau de tabac y adjacent. – En tête du deuil, sa sœur Mme Varin, les Zhendre, Ducancel, et Gaston Rohart.

Charles Givelet, 81 ans, rue de la Grue, 12, historiographe rémois dont les traces sont visibles dans le dossier biographique des enfants remarquables de Reims. – De petite taille, très vivant et remuant, barbe à la Henri IV, sourire aux lèvres et dans les yeux, homme charmant et délicat, à l’air naïf et resté jeune, menu dans ses pas et ses propos, plutôt susurrés qu’éjaculés.

Ernestine Rouget, 73 ans, boulevard de la République, 21, veuve de Edmond Mahieu, puis du docteur Thomas, ex-député de Reims.

Alphonse Bonnefoy, 64 ans, veuf de Maria Cécile Oudry, rue du Cloître, 7, où ses fils Paul et Georges ont maintenu le « home » familial. Puissant et râblé, fort brun de poil et barbu, beau-père d’un Houlon. Habita rue Brûlée, en qualité d’agent d’assurances pour le « Soleil », et propriétaire au numéro 9 rue de Venise, maison faisant partie de l’héritage Picart-Latève.

Alfred Damery-Grandvalet, placier en vins fins, 60 ans, rue Savoye, 25. Maigre et rétif, au teint bistré, gendre d’un épailleur de laines.

Alfred Delacroix, 51 ans, rue des Moissons, chef-magasinier au peignage Isaac Holden. Son frère Samuel était caissier au même établissement.

Lucien Paul Labrousse-Lemaire, 40 ans, rue du Pont-Neuf, 2. Constructeur de canots et hautboïste de grand talent. Son père lui survécut, au-delà de la Grande-Guerre.

29 septembre. Obsèques de Léon Géneau de La Marlière, rue Clovis, 115, né en 1865 à Tardighem (Pas-de-Calais), directeur des fontaines à Reims.

Lucien Soussillon, des tissus, 68 ans, rue Libergier, 52. Né à Alland’huy, il débute en 1853 chez Bourgon, Balourdet & Radière, et on l’associe en 1872. En mourant, il laisse 100.000 fr. aux Hospices, et 660.000 fr. à sa sœur, en usufruit, pour le capital en revenir à sa mort au personnel. Fort et grand gaillard, aux bajoues imposantes, d’une intellectualité fort relative.

Victor Philippe Levieux, 78 ans, à la Maison de retraite. Propriétaire de maisons habitées par des ouvriers rue de Venise et de l’Équerre.

Philogène Henry, 82 ans, de Liry, chez son fils, directeur aux Capucins. Ex-receveur d’octroi à la Porte-Gerbert. Son frère Basilide le fut Porte-Cérès. Homme droit et rectiligne, âme de fonctionnaire de basse extraction, ne transigeant point avec la consigne, qui n’est pas de ronfler quand les braconniers usent de ruses d’apache pour entrer en ville le fruit de leurs déprédations (Mon Dieu ! que voilà une belle phrase de greffier de Correctionnelle, qu’aurait signée Gustave Laurent. Pschutt !)

Eugénie Achart, 59 ans, rue des Moulins, 18, épouse du musicien Princiaux, et alliée des Ledoux de Fléchambault.

Jean-Baptiste Élie Salle, 80 ans, rue des Anglais, 10, l’un des plus vieux pavés de notre chère ville de Reims. L’avocat Maurice Salle a hérité du plus précieux parmi les objets précieux de son musée local. – Bon petit vieux ridé et souriant, en redingote et souliers feutrés.

Marie Hyacinthe Ismérie Blanche, veuve Gogez, 86 ans, rue Petit-Roland, 7. Elle avait une fille d’esprit ouvert sur le chapitre des liaisons amoureuses, qui poussa sa destinée dans la carrière des dames galantes, et, en dernière resucée, maîtresse d’un excellent homme, le capitaine Rey, du 132e R.I. dont elle possédait, en son « home » rue de Contrai, 8, 2e étage, un très ressemblant portrait à l’huile. Elle déménagea en 1907 pour faire place à un serviteur de la laine, qui venait de publier un copieux, mais digeste, traité sur la Laine de France.

Rosalie Euphrasie Venain, 84 ans, rue Jacquart, 71, veuve du peintre Merlin, de la rue Chanzy, que remplaça un neveu, le peintre Venain, de Ville-en-Tardenois.

Jean-Baptiste Catelin, 80 ans, rue Gambetta, 42, modeste courtier en laines, membre des « Sauveteurs », et cousin de Émile Godret, dit Bazière, du Barbâtre, ministre de la Marine d’Achille Ier, roi d’Araucanie, in partibus.

Nicole Félicité Vuattier, 48 ans, épouse Houdinet, rue Croix-Saint-Marc, 47, l’une de nos mères Angot les plus dessalées, et de celles qu’on entendait rugir sous nos halles, laissant pour la remplacer dignement deux demoiselles à forte voix et nourries de la moelle des artistes en «poissarderie ». – Elle eut un fils qui occupa le fonds de tabac-boissons et comptoir à l’angle de la Fleur-de-Lys. Houdinet père contait avec fierté, à ses auditeurs attablés de ce cabaret achalandé, la façon dont ses voisins et amis du quartier Alsace-Lorraine, organisèrent les obsèques électorales du maire Maurice Noirot, récemment dégommé. On avait organisé chez Camille Lenoir, alors cabaretier rue d’Alsace-Lorraine, toute une mise en scène destinée à frapper l’esprit des foules. Houdinet fit le mort, et son cercueil devait être gardé, jusqu’au lendemain, avant enlèvement et défilé, par le conseiller municipal Lesourd. Le mort, qui n’avait pas voulu être occis par prétérition sans avoir salué de quelques coupes frappées sa pseudo-disparition de ce monde, s’endormit dans sa boîte d’un sommeil plutôt lourd : on pouvait croire qu’il ne s’en réveillerait point. Ce voyant, le gardien Lesourd file à l’anglaise, – comme il devait le faire en septembre 1914 –, et, au matin les obsèques, Houdinet ronflait encore, tombé sur le plancher de la chambre mortuaire, prêtée par Lenoir. Il ne se réveilla qu’au moment où le cortège funèbre, après avoir défilé au long du boulevard Gerbert jusqu’à Cormontreuil, chez Lapie, où devait se produire la Résurrection et de nouvelles Noces de Cana, avait terminé le trajet, picaresque outre mesure. Et c’est ainsi qu’on s’amusait au temps de la vraie République des Frères et Amis !

Émile Tourtebatte, 47 ans, boulevard Louis-Roederer, 10, hôtelier-cabaretier à l’angle de la rue Villeminot-Huard.

Joseph Antoine Gros, de Metz, 63 ans, ex-photographe, rue Marlot, 7, frère de Gros-Pottelet, de la rue Chanzy.

Joseph Keller, 76 ans, contrôleur militaire, époux de Julie Keller et beau-frère du Dr Colanéri ; il habite rue Lesage, 35.

Eugénie Émilie Houpin, 37 ans, rue Fléchambault, 102. Fille de Ernest Maupin, avait épousé son cousin Jules Machuel, teinturier-apprêteur, fils de Machuel-Houpin, ex-élève à l’école du Jard, et cimbalier à la Musique des Frères, son camarade Lefeuvre tapant la grosse caisse (voir « Le Jard »). Machuel est encore bien vivant en 1935, même maison, avec ses enfants et petits-enfants Machuel-Derungs. Émilie était une Junon brune, fine et de toute beauté, adorée de son mari, aimée de tous.

Veuve Eugène Rohart-Galopin, 89 ans, chez son fils Gaston, rue Hincmar, 52.

Veuve Stéphan de Hlavats, née Charlotte Burchard-Bélavary, 69 ans, rue Werlé, 30.

Louis Émile de Mormand, 74 ans, rue Amélie-Doublié, 12.

Reine Célestine Cousinet, 40 ans, rue Chanzy, 46, à la « Fromagerie Jeanne-d’Arc ». Fille de l’afficheur public, elle avait épousé en 1873 un ex-sergent Brandebourgeois de l’occupation prussienne, Joseph Riethmuller, qui n’avait pas suivi son régiment en septembre 1872, lors de la libération de Reims. Ce Boche récalcitrant était devenu un doux ivrogne, au contact des fumées de nos « dédaines » champenoises et du petit vin de nos coteaux. Feldwebel logé rue du Bourg-Saint-Denis, 79 (63 en 1935) chez les Dupont-Aumont. En 1914, il quitta Reims en hâte devant l’apparition des fils de ses pareils, de crainte de leurs embrassades à la mode teutonne. De puis, il s’est décidé à se diriger vers le Walhalla de ses pères.

Jules Collinet, 82 ans, rue du Ruisselet, 3, où cet excellent artiste peintre rémois avait son atelier (voir « Rue Neuve »). Sa veuve est née Nicole Héloïse Coutin, tante du sculpteur Auguste Coutin-Collinet.

Marie Arsène Louise Petitjean, 32 ans, place Royale, épousa Pierre Petitjean. Souche de fleurs artistiques dont la corbeille réjouit, en 1935, le cœur des vieux Rémois, et aussi des jeunes !

Léonard Varin-Grandsire, des tissus, 74 ans, rue de Talleyrand, 23, siège de la firme Senart-Colombier.

Alphonse Carette-Sirot, ex-peintre, chez son fils Carette-Guérin, rue de Thillois, 30. Guérin père était propriétaire du numéro 38 rue Marlot, y habitait avec un locataire, Désiré Dupont-Thibaut, en 1880.

Nous clorons ici ce nécrologue trop abondant, pour reporter nos pensées vers ceux qui vont ensemencer à nouveau le jardin de Reims.

1907

Marie Mennesson, 64 ans, rue de Belfort, 3, épouse du caissier de la firme lainière Thuillier & Cailliau, Ernest Leloup, père de ce Louis Leloup, aimable « rouquin » plein de vie et de belle humeur, au poil doré, à la parole animée et franche, si compétent en matière laine et qui sera l’un des plus remarquables experts à Londres, aux Ventes coloniales. Peu avant la guerre, Louis Leloup habitera une coquette maison rue Chanzy, réhabilitée depuis par les propriétaires, Janin-Barrotteaux. La famille comporte : Grandremy-Leloup, Fayet-Leloup, les Bourg et Wéry-Mennesson, et Wallet-Leloup, tous Rémois.

Georges Colle, 41 ans, boulevard Pommery, 2, d’une équipe de professionnels.

Jules Hippolyte Houdinet, 49 ans, marchand des quatre-saisons, route de Witry, 59, et l’un des héros de la comédie macabre organisée à propos de la chute du « consul » opportuniste Maurice Noirot. Les Halles retentissent encore du nom de ce Crainquebille parvenu.

Lucie Bel, 37 ans, épouse du célèbre paysagiste rémois Édouard Redont, boulevard Louis Roederer, 34, mère de Juliette et Anita.

Jalenques-Renard, vice-président du Tribunal civil, un bon gros sans-souci méridional qui s’était créé de sûres amitiés dans le monde de la Basoche et de la musique. De sa bonne grâce et de son esprit conciliateur, un peu « lâche », dira-t-on, ce propos, en réponse à une plainte contre certain huissier ayant « fauté » gravement envers un « poursuivant ». « Ah ! ces huissiers, ils nous donnent du fil à retordre. Trop nombreux, hélas ! et beaucoup ayant les dents longues. Bah ! il faut que tout ce monde là vive !... « En hâte, il ajouta : « Toutefois, tranquillisez-vous, justice sera rendue ! » Le bon billet, mes frères ! La réclamation portait sur 125 fr. que, faute d’action en temps utile, on avait touchés sans les frais à la charge du payeur en défaut. Il y eut transaction par l’entremise du plus « considéré » des avoués rémois, lequel avait plaidé qu’il lui était bien pénible d’avoir à poursuivre des collègues, plus maladroits que déshonnêtes, qui, aux 125 fr. déjà absorbés par leurs « offices », réclamaient en outre un pourboire de 90 fr. Jugement rendu, l’infortuné plaideur perdit ses 125 fr. plus 20 fr. d’honoraires à l’arbitre « considéré ». L’huissier maladroit fut, en compensation, invité à céder son étude. Moral : s’écarter le plus possible de ses hordes de loups ! Le petit Jalenques avait d’abord souffert d’un mal d’oreilles qui, empirant, provoqua des douleurs intolérables, délire et mort, un matin du dimanche 13 janvier, à Paris, où le défunt était procureur depuis deux mois.

Adrien Joseph Alvin, 60 ans, époux de Lucie Schmidt, sous-chef trieur au chantier Prévot & Laîné, sous Alexis Morlet. Les époux avaient habité longtemps au numéro 3, rue du Jard, pour aller rue Gambetta, 14. Il y a là les Hubert Alvin-Caille, Alvin-Menu, Gabry-Alvin, Alvin-Lecompère, des Gaspard, des Aristide, des Prosper, des Désiré, des Ernest Alvin-Adrian, une « tripotée » de braves gens d’essence rare de nos jours (voir « Le Jard »).

Le chanoine Migeon, sans histoire, 74 ans, rue Saint-Just, 16, anciennement des Anglais.

Amélie Coilly, veuve A. Mellier, 80 ans, chez son fils Georges, peintre, rue Buirette, 12.

Daux, l’artiste peintre rémois, rue de Courlancy,143, perd sa fille Suzanne, 20 ans.

Marie Marguerite Déroche, enfant des halles, veuve Prosper Souël, 39 ans, avenue d’Épernay, fille des Eugène Déroche-Roze.

Anastasie Debertonne, veuve Jean-Baptiste Cochet, 90 ans, à l’Hospice Saint-Marcoul. Son « vieux » était mort au 37, rue du Jard, à 95 ans. Au temps où les époux occupaient un premier étage sur rue au 60 de cette rue, vis-à-vis la rue Petit-Roland, ils avaient une fille, très jolie, Ernestine, épinceteuse comme sa mère, qui s’était laissé prendre aux appeaux d’un Don Juan de la flanelle, qui, habitant non loin de là, se faisait un honneur d’« enceintrer » les belles qui n’ont jamais entendu chanter, par Méphisto, la sérénade de « Faust » : « Ne donne un baiser que la bague au doigt ». De concert avec sa maman, craignant toutes deux les foudres paternelles, on avait dissimulé la grossesse, au point qu’il n’en eut vent, le grand-père impromptu, qu’après délivrance ! Les Cochet sirotaient le « café », en ces temps, avec cette autre épinceteuse devenue rentière, Marie-Anne Detourbay, mère de celle qui fut la comtesse de Loynes (voir « Rue Neuve »).

Victorine Ludivine Courtin, 83 ans, place d’Erlon, 48.

Hortense Caurette, veuve Laplanche, 90 ans, place Royale, dans l’immeuble des « madeleines » Rousseaux, et qui donna asile au jeune Paul Marchandeau quand l’ami Malvy l’eut fait accepter comme rédacteur de « l’Éclaireur de l’Est ». Le « Popaul » actuel prenait pension rue Nanteuil, anciennement Maison Gélu. La défunte avait deux fils, Gustave et Georges, des tissus.

Jean Léonce Botz, 57 ans, directeur du Bureau central, où il avait succédé à feu Cabanis, et Jubert prendra la place libre.

Louise Hélène Pauline Bonnevie, 80 ans, rue des Capucins, 86, veuve Édouard Nonnon. Bonne femme s’il en fut, ainsi que ses deux filles survivantes. Un frère à Nonnon, Isidore, était curé à Pontfaverger, et leurs filles sont prénommées Marie et Berthe (dans une de ses « Revue rémoise », le mémorialiste, sans intention, mais ignorant ou ne s’étant pas assuré que Mlles Nonnon vivaient encore, il réveilla mal à propos des souvenirs pénibles, et il y eut du chagrin quelque part. On s’en excuse humblement ici, en regrettant la chose. C’est là l’écueil à prévoir et éviter. Dure leçon, souvent oubliée !).

Adolphe Labori, père du célèbre avocat, ex-inspecteur à Reims à la Compagnie de l’Est, demeurant à Paris, rue de Grenelle, 151.

Alexandre Lacombe-Baretti, 70 ans, rue de la Renfermerie, 5.

La 473e défunte de l’an : Adélaïde Charbogne, 60 ans, épouse de Baptiste Péter, dit Lafleur, de Mutzig, chef-trieur, rue des Fusiliers, 37. Fut des années gargotière rue des Poissonniers, 35, ex-propriété des Dagot, angle rue Bacquenois, au temps où se construisit le restaurant Bernardin, source de clientèle ouvrière ; inhumée au Cimetière de l’Est, ou Lafleur la rejoignit peu d’années après. Leur héritier fut leur neveu du côté du « cran », comme disent les trieurs, au vocabulaire coloré, Julien Radière, trieur, né à Montcheutin (Ardennes), mobilisé sous-officier au 40e artillerie, et décédé en 1918 à Nogent-sur-Seine. Sa veuve, Alice Péter, habite la maison familiale des Fusiliers.

Henry Vasnier, des champagnes Pommery, 74 ans, le 28 février, d’une embolie au repas du soir, qu’il prenait au Buffet de la Gare, en célibataire gourmet et pensionnaire fidèle. Personnalité rémoise qui a son folio dans l’histoire économique de notre grand Reims.

En mars, on apprenait la mort de Casimir Périer, et le désastre du navire « Iéna ». Les Boches durent être convaincus que leur bon dieu Votan leur avait ménagé cette revanche !

Charles Edmond Boutinot dit Piesvaux, fabricant de savon, 62 ans, rue Ernest-Renan, 59, époux de Marie Catherine Vanny.

Cyrille Velpry, 64 ans, pharmacien, décédé à bord de « La Ville d’Alger ». L’ouverture de son officine rue Colbert avait été saluée par les malades comme une promesse de concurrence et de baisse des prix des médicaments, toujours trop chers pour le commun. En réalité, ce n’était qu’amorce à ablettes et goujons ! – Allez donc demander à un boutiquier quelque générosité du cœur ! – Schneider, son gendre, est sous-préfet de Redon, et il a un beau-frère lieutenant-colonel d’infanterie. – Tous ces catéchumènes du radicalisme ont des leurs dans les fonctions publiques.

Cyrille Dablain-Fortin, 73 ans, carrossier à Dieu-Lumière, rue d’Ay, 56.

1er mars. Jean Auguste Cabanis, 84 ans, rue Saint-Hilaire, 6.

20 mars. Obsèques à Paris de Marcelin Berthelot, décédé et inhumé en même temps que son épouse.

1er avril. Alfred Renard-Frissard, 76 ans, directeur à la Société des Déchets, rue du Jard, 23. Veuf et père de deux filles, Marie Jeanne et Lucie, et de deux fils, le lieutenant Paul et Fernand ; ce dernier lui succèdera. Le moribond dit à ses enfants, réunis à son chevet : « À part le chagrin que j’ai de me séparer de vous, je quitte la vie sans regrets, heureux de pouvoir jeter sans crainte un coup d’œil sur mon passé et remerciant Dieu de la part qu’il m’a réservée ici-bas ! » Plus d’un parmi les honnêtes gens dont nous sommes serait autorisé à en dire autant !

Paul Pierrard, fils du courtier à Londres, pour les laines, Paul Pierrard-Duboc, 24 ans, à Leysin (Suisse).

Édouard Thilmany, 27 ans, secrétaire à la rédaction du « Courrier de la Champagne », rue Boucher-de-Perthes, 23.

Alfred Déquet, peintre en coffres-forts et voitures, dont le fils Eugène a été broyé par un train à la barrière de Saint-Brice, et demeurant rue Philippe, près le Pont-Huet, reçoit une facture de frais s’élevant à 27 fr. dus à la commune de Saint-Brice, et homologuée par le maire Jaillot, pour différentes démarches occasionnées par ce terrible accident. La voiture mortuaire a bien été prêtée, mais il devra verser 5 fr. d’indemnité, 5 fr. de transport par le garde-champêtre Gérard, qui, en outre, aura 5 fr. de gratification. Le sceau sur le cercueil coûte 5 francs et de séjour à la Morgue, 2 fr. à Nurdin, rue de Beine, 17, représentant de Mme Robert, dont le fils Eugène a livré le cercueil, 24 fr.

Jean Wilfrid Démolin-Lagarde, 59 ans, ex-cultivateur à Clairmarais, demeurant rue Boudet, 33. Son fils Gaston Démolin-Lemaire, est régisseur à la ferme des Marquises. Son gendre, Prévost-Démolin, au Fond-Pâté. Il a un neveu, Bernard ; son petit-fils Jean Prévost-Manesson est, en 1935, à la ferme de Gueux.

Albert Bonhomme, trieur après avoir été comptable, et employé aux Hypothèques, 51 ans, rue Bacquenois, 21. Il était l’un des fils de Bonhomme, de Liry, ancien « Suisse » à Saint-Maurice, qui habitait, en 1870, rue du Barbâtre, 49.

Louis Lhermite ex-comptable et épicier rue du Jard, en remplacement de la « mère Closset », époux de Caroline Claudin, 74 ans, à la Maison de retraite. Il avait été chargé, avec Raymond Aubert, de liquider la succession de la vieille Joséphine, elle-même ex-gouvernante et héritière de Hédouin de Pons-Ludon le jeune, lorsqu’elle mourut rue Neuve, 19. Son fils Ulysse fut comptable des « champagnes » Irroy & Goërg, rue Gallion à Paris, pendant la guerre. Il habite depuis à Thiers.

Alexis Mathieu, de Carignan, constructeur d’autos, dépositaire rue Buirette, des Citroën, en association avec Charles Couvreur, époux de Joséphine Hacquart, superbe brune, qui reprit le fonds avec Couvreur : il a 51 ans.

Mme veuve Arsène Bourgeois, née Alexandrine Gargam, 90 ans, rue des Templiers, 26.

Bazin de Bezons, ex-proviseur au Lycée de Reims, puis à Lakanal, meurt à Bourg-la-Reine : il avait été directeur de Petit-Lycée à Saint-Rambert et à Lyon ; est l’auteur d’une très bonne histoire de Reims.

Édouard Charles Peltier, marchand de laines, 46 ans, rue des Chapelains, 3, époux de Marie-Louise Leroux. Chétif et menu, malade du foie, il s’efforçait tant bien que mal de maintenir la firme créée et par son père, Édouard, rue de Luxembourg.

À Pontfaverger, Thomas-Derevoge, père de feu Félix, député, 95 ans. Né à Bourbonne-les-Bains, il étudia au Collège de Langres, puis le « droit » à Paris. En 1838, il est clerc de notaire à Pontfaverger Chapdoye, dont il épouse la fille en 39. Reprend l’étude, qu’il cède à son fils le 24 janvier 1866 (voir « Mémorial de Fresne », de Gustave de Bohan).

Alfred Godchaux, cheminot de la peinture à l’huile, pour portraits et tableaux de genre Corot, 68 ans, rue de Vesle, 101. Il avait planté son chevalet à l’angle des rue Colbert et place Royale, dans un petit réduit tel qu’une échoppe de savetier, où il se tenait à disposition des clients, et exposait ses articles pour la vente à forfait. Curieux bonhomme, barbu, chauve, à crâne revêtu d’un béret, pipe éternellement au bec, yeux ironiques mais bons, cachés derrière les verres d’un binocle en or, ses tableautins se vendaient bien, pas cher, bien entendu ! Albert Dubois (voir « Champagne illustrée » n° 14 – novembre-décembre 1935), fine plume, esprit observateur, Rémois de vieille souche, à la dent un peu mordante, poète très fantaisiste à l’occasion, aux heures où la flanelle lui laissait des loisirs, a griffonné quelques lignes sur ce type de nos rues, qu’il voyait journellement, en se rendant à son bureau, chez les Walbaum, rue des Marmouzets. Les voici : « Peinture au taximètre. – Godchaux et ses aides. Pas de siège social. Tableaux dans tous les genres, pour toutes les bourses. Prix à débattre. Le cadre est offert en prime. – Tableaux sur commande, livrés en 10 heures. – Pour les personnes n’habitant pas la ville, écrire « poste restante » au « chevalet d’industrie », à Reims. Plus de 1000 toiles livrées en six mois, sujets divers ». – Godchaux étalait ses produits quelquefois sur le pourtour de la statue de Louis XV, où s’arrêtaient, à l’heure de midi et de 1 h 30 les nombreux employés de commerce traversant la place Royale, à l’aller et retour du déjeuner.

Paul Prévost, 50 ans, rédacteur au « Républicain orléanais », atteint de paralysie en 1901. Célibataire, et alors rédacteur à « l’Indépendant rémois », il habitait avec sa mère rue Gambetta, 54, dans l’immeuble de Guerbette-Lamiraux, dont la veuve vient de mourir, à Reims, rue Ponsardin, 78, en novembre 1935.

Arnould Leven, caviste, anciennement rue des Fusiliers, 41, 63 ans, veuf de Marthe Boquel, rue des Filles-Dieu. Un beau-frère, Léon Leven, de religion réformée, est à la firme Wenz, rue de l’Échiquier, à Paris, depuis la guerre.

Louis Tourolle, 61 ans, rue du Barbâtre, 180, ex-tenancier du cloaque à 2 sous la nuit pour « sans-logis », à la corde et sur paillasse, rue Neuve, angle rue des Carmes, où lui succédait Matile.

Auguste Fritsch, 59 ans, époux de Marie Wirig, tous deux Alsaciens, rue de Belfort, 12. Mort subitement, le lundi 6 mai, à six heures, se rendant à son jardin de la rue de Cernay, avant d’aller au bureau, Maison Moch, rue du Levant, 13, où il était comptable. Jadis au service de Oury-Dufayt, on l’avait accusé d’une indélicatesse dont il se défendait âprement, la veille même de sa mort, en prenant un bock avec un ami, au « Continental ». Gros et congestif, sédentaire par nécessité professionnelle, bon et serviable. Une de ses filles est directrice d’école, et a épousé un chef de musique militaire.

Louis Harlaut-Ardel, ex-liquoriste, 57 ans, rue Courmeaux, 47, « lanceur » de la « guigne » dont il fut victime, confectionnés ou jus de cerises à l’eau-de-vie. Grand « rigolard », la fit courte, et certainement bonne parfois.

Albert Alexis Beaujot, 76 ans, l’un des deux « suisses » à Notre-Dame, portant beau, mollets gras, barbe à la Johann Strauss, à fils d’argent, rue Brûlée, 56.

Arthur Plançon, 61 ans, rue Auguste-Comte, 17, à Paris. Proviseur à Montaigne, où le remplacera Paul Despiques. Ex-proviseur à Reims. Le baryton d’opéra Plançon est son frère ; le professeur Landormy a épousé sa fille.

Pierre Hippolyte Marquant-Collet, ex-teinturier-apprêteur rue Gerbert, 8, 75 ans.

Un trieur roubaisien, à Reims depuis des années et ayant un fils employé chez les Wenz : Auguste Castelin, 64 ans, rue Croix-Saint-Marc, 59. La majeure partie de la corporation s’est gîtée en ce quartier de Cernay, en raison de sa situation entre les deux peignages.

Marie Mirguet, 35 ans, épouse de Victor Georgin, rue Chabaud, 52.

Inhumation à Tagnon de Mme Schwaeblé, fille du chirurgien Eugène Doyen.

Alfred Werlé décède à Pargny le vendredi 27 mai, 69 ans. Depuis 1884, chef de la Maison Clicquot, allié au Uzès, Montebello, comte de Vallombroza, baron général Kirgener de Planta, Albert de Mun et Bertrand son gendre, général de Charette, et descendant d’un Rhénan de Wetzlar, Édouard Werlé, qui fut maire de Reims et député au Corps législatif. Aux obsèques à Pargny, le comte de Sachs, Étienne de Nalèche, Napoléon Magne, marquis de Fontescourbes, d’Orlan de Polignac, La Morinerie, Delouvin & Gougelet, Krug, toutes les caves champenoises, et, peut-être quelques-uns de ces vignerons au dos plié qui ont soigné leurs vignes et contribué à la fortune des uns et des autres. Écarté du parlementarisme par l’électorat, il en garda une rancune profonde qui rejaillit sur notre ville, laquelle n’en pouvait mais. Il secoua la poussière de ses escarpins sur une cité glorieuse entre toutes où il avait trouvé la vie toute faite. L’un de ses plus regrettables gestes consista dans le retrait de son abonnement au Théâtre de Reims. En d’autres circonstances, il se racheta par des dons distingués qui sont davantage dans le goût français, et font oublier telle ou telle faiblesse provoquée par un amour-propre excessif. On n’est pas des saints, disait le farouche Léon Bloy !, ce contempteur des puissants, de l’argent, de la réclame mercantile !

Le chanoine Antoine Léopold Champenois, 75 ans, rue d’Anjou, 1. Pour un mémorialiste rémois qui ne voudra rien laisser échapper des faits et gestes de nos contemporains d’avant-guerre, il importera de consulter le « Bulletin du Diocèse », car, quoi qu’on en dise, le monde sacerdotal n’a pas renoncé à sa nationalité.

Paul Grévin, 46 ans, époux de Marie Vix, suites d’accident à Saint-Dizier.

Louis Pommery-Thévenin, 65 ans, en sa villa à Cannes. Le 10 juin ont lieu ses obsèques à Reims, à la Cathédrale. Ferdinand de Bulgarie est présent, en redingote et haut-de-forme lustré. Voyons le descendre les marches de pierre du parvis à l’allure écrasante qu’avait, en 1870, Bismarck venant de visiter la Cathédrale, cette grande basilique française et royale, qu’avait honorée Jeanne-d’Arc : le reître était carapaçonné de sa cuirasse recouverte de drap blanc épais, et laissait son grand sabre lui battre les flancs. L’orgueilleux Borusse devait être fier de son œuvre : l’abaissement de cette France honnie, enviée, que, s’il avait osé, il aurait découpée en tronçons pour mieux l’avaler, l’Ogre ! – Mme Pommery était fille d’un beau soldat du 91e, le commandant Thévenin, qui, en 1880, n’étant encore que capitaine à Mézières, enseignait aux « Engagés conditionnels » le tir aux longues distances. Par sa femme, Thévenin était en parenté avec le colonel Guillemain, un rude soldat qui avait le mépris du « pékin » et le faisait bien voir à l’époque où les réservistes de la région tombaient sous sa coupe ; il prenait plaisir à en passer la revue, les dimanches matins, dans les Allées de Charleville, sous le soleil de juillet, leur faisant recommencer plusieurs fois le défilé, jamais assez correct à ses exigeants regards. Et les habitants, la rage aux dents, assistaient à ce pénible spectacle de leurs proches et de ces petits « troufions », coiffés lourdement d’un casque de cuir épais à pompon, suer sang et eau pour le bon plaisir de ce rustre, jouant au César de caserne ! Ce Guillemain mourut « brigadier », sans regrets de qui que ce soit. Sa femme était une blonde grasse et vaporeuse dont le frère, Liénel, dit « la Hyène », adjudant de bataillon au 91e, abusait de cette situation privilégiée pour se livrer aux turpitudes habituelle aux « rengagés » inférieurs de cette époque, dont Courteline a si bien dépeint les travers. Une vraie culotte de peau, semblable à son puissant beau-frère, lequel ayant été volé de quelque argent par son soldat-ordonnance, se rendit justice en punissant le coupable à sa façon : l’ayant fait mettre tout nu, aux regards des « troufions » rassemblés dans la cour de la caserne, à la Citadelle, près de la Salle du Rapport et de la cantine, d’où Mme Louis la cantinière examinait, l’œil flambant, ce répugnant spectacle, il le fit « bouchonner » à la fontaine par deux soldats du corps de garde, qui s’en amusaient à leur gré ! Écœurement de nombreux présents, que la discipline et la terreur maintenaient silencieux, non sans que leur fierté d’homme protestât, en leur for intérieur, contre cet abus d’autorité. Ce n’est pas ainsi qu’on gagne les cœurs !

Ernest Clignet, ex-filateur, 71 ans, à Ludes.

Marie-Jeanne Euphrasie Gros, veuve Jacquemart, 79 ans, rue des Murs, 14. Son mari vécut quelques années après guerre, et leur maison passa dans les mains de Victor Lemoine-Saint-Aubin. Parmi les proches : l’abbé Georges Jacquemart ; Lucien Masson, le Dr Luton.

Eugène Vuitry-Cousin, 65 ans, ex-boulanger rue de Vesle, 254, proche l’impasse du Moulin-Brûlé et du mégissier Barrois. Un colosse blond d’origine messine, dont le fils Henri, élève des Arts et Métiers fut directeur à l’usine Collet frères, et quitta Reims pour aller à Paris, avenue des Gobelins, fabriquer des instruments de précision. Un vrai type à la Danton, ce Henri Vuitry, le meilleur enfant du monde, bon et juste.

Virginie Peller, veuve de ce Martin, politicailleur devenu saint du calendrier radical rémois, et honoré en conséquence, par le don d’une rue à son souvenir : elle a 76 ans, et habite rue Marlot, 2.

Le général de cavalerie Besson, ex-commandant de la 12e division à Reims, meurt à Lons-le-Saunier, étant né à Macornay (Jura).

Célestine Henriette Léfébure, rue Gambetta, 40, 61 ans, à la maison au belvédère (voir « Rue Neuve » et « Nicolas David »).

Charles Bourdonné, technicien de la fabrique, brave et honnête concitoyen honoré de tous, 75 ans, époux de Léonie Lapie, rue de Luxembourg, 4. Avait été fabricant avec Verdière, puis intéressé à la firme Dauphinot-Pradine, rue de l’Université. Son père avait dirigé une école commerciale, rue Vauthier-le-Noir. Il a pour amis intimes Albert Halbardier et le quincaillier Girardot.

Cet autre fabricant rue Cérès, 32, Auguste Français-Larangot, 78 ans, décède à Saint-Thierry. Son fils Émile lui succède ; une fille est religieuse du Sacré-Coeur, Louise.

Eugène Neveux, 61 ans, veuf de Sidonie Élisa Vasson, fille d’un trieur, rue Gambetta, 95. Neveux, comptable chez le feutrier autrichien Haënlé, à Fléchambault, fut le roi des « trombones » à la Municipale, sous Bazin, soliste aux lèvres robustes, aux sons filés, remarquable notamment pour le fini de son « air » de « Lakmé » : « Ton doux regard se voile… » Jules Neveux-Pangaut, son fils, représente à Reims, après guerre, la firme Wenz, rue de la Tirelire, 20. A subi en 1930, avec succès, l’opération de la prostate, comme ses concitoyens, septuagénaire, Charles Loilier, de Menneville, et J. Laloyaux, baryton de lutrin, et ce jeune homme Joseph de Bohan, de Fresne, et d’autres, opérés chez le Dr Bouvier, spécialiste doué (voir « Les Augures en veston », de Mme Lefèvre-Ercole). Une demoiselle Neveux a épousé Dubois le peintre de rue Saint-Julien.

Émile Rézelles, 38 ans, représentant de commerce, rue Clovis, 54, peintre amateur (voir « Petite Fafa », de Léon Niclot).

Georges Amigues, journaliste de sports à Bordeaux.

Ernest Legros, 49 ans, rue de Bétheny, 4, Maison de la Libre-Pensée. 9 août. Ex-bistrot à l’angle de la rue de l’Écu, près l’Esplanade, est devenu conseiller municipal et le Baptiste des libres-penseurs rémois, à la fleur violette ou pourpre. Gros et gras, blond et rose, face pleine aux fanons plissés et à barbe rase, il était un bon drille, et bien contourné pour ce poste plutôt ridicule et prêtant à rire. Militant radical auprès de sa clientèle de « mesureurs » et trieurs, il secondait de son mieux ses protagonistes Camille Lenoir, Vernouillet, Rabat, Martin-Peller, Laurent-Déramez, tous plus au moins mastroquets ou épiciers, aux mains libres, ayant revêtu le tablier bleu et l’insigne des Frères de la « Sincérité », Sésame, ouvre-toi ! très recherché et sûr.

Lucien Camus, médecin rue de Venise, 12, originaire de Dieu-Lumière, et scribe occasionnel à « l’Éclaireur de l’Est », avec ses copains les ex-carabins Drs Cérac et Magniez, époux de Marthe Patureaux ; il a 33 ans. Cérac a survécut jusqu’en 1931, et Magniez se pavane dans le costume à galon violet de major aux Pompiers.

Justine Schreder, veuve Deveaux, 70 ans, rue Marlot, 10, chez ses fils Émile et Jules. Elle fut soignée avec dévouement par deux Sœurs converses de la Congrégation, recueillies par ces Deveaux alors qu’elles venaient d’être mises sur le pavé, sans ressources, à la suite des laïcisations.

Victorine Léopoldine Sibien, veuve Eugène Payard, 65 ans, rue Carnot, 22, mère du capitaine Paul Payard et parente d’Eugène Becker, agent de change.

Léonie Estelle Berger, 78 ans, rue des Capucins, 107, veuve de se plafonneur Massonnet, qu’on trouve à l’origine des constructions d’avant 1870 de cette rue nouvellement percée, tout proche le Jard.

Pierre Fulgence de Bigault de Maisonneuve, 79 ans, rue Clovis, 5.

Émile Janson-Clément, fabricant associé à Lelarge & Noirot, 59 ans, rue Thiers, 18, gendre de Mme Clément-Foureur. Un « as » du tissu, protecteur-né de la gent rentrayeuse.

François Joseph Flamant, 58 ans, rue Tournebonneau, 10, de la Société la Fraternelle.

Elphége Péhose-Adam, 77 ans, ex-fabricant de cardes, rue Ruinart, 7, père de Mme veuve Bernard, et du gérant de « l’Éclaireur de l’Est », qui demeura rue d’Anjou, 14, au rez-de-chaussée de cour, où le remplacèrent les époux Dupont-Gautier.

Francine Éléonore Langlet, veuve Baudet, 91 ans, rue du Couchant, 3, chez son fils. Elle avait longtemps tenu le kiosque à journaux de la place Royale, au seuil de la rue du Cloître, et exploité une librairie-papeterie rue Chanzy, 75. Son fils, en 1914, était photographe place du Parvis-Tronsson, maison Antony-Mars, au n° 26, et à Paris, boulevard de Strasbourg, en temps de guerre. En 1913, il avait, du haut de la terrasse chez Gérard, Bibliothèque agricole, rue Chanzy, 15, photographié le cortège Poincaré, visitant le Musée. Après-guerre, eut baraque place du Parvis. La mère Baudet avait cédé sa boutique de la rue Chanzy à Mme Bajolet, qui la refila à M. et Mme Jules Bègue, lesquels, de là, exploitèrent l’« Embarco », en attendant l’exode à Amiens, en hôtel-restaurant à leur compte. Ainsi vont les choses !

Edmond Fosty, 41 ans, rue de l’Étape, 14. Sa veuve, couturière, épousa le courtier juré des ventes publiques Charles Loilier, alors âgé de 52 ans, et qui, à 80 ans, préside encore aux destinées de ces mêmes ventes publiques de laines, bien chancelantes. – Portant beau, belle barbe châtain clair, allure de sous-officier de cavalerie, voix claire, sourire facile, comme la poignée, était entré, au sortir du régiment, au service de Henri Picard-Goulet, vers 1884, pour la vente des « peignés ». Avec Bonjean et Bouchez, fonda en 1891 les ventes publiques (voir « La Laine de France).

Édouard Fourdrignier, antiquaire à Rilly-la-Montagne, auquel on voit la découverte à Somme-Bionne d’une sépulture gauloise, avec char, et, à Sillery et Thuisy, de vases gaulois.

Anaïs Faucheron, veuve Édouard Gibus, 70 ans, rue du Carrouge, 12, belle-mère du notaire Jolivet.

Eugène Eppe, 34 ans, frère et associé du papetier Jules Eppe, rue de l’Université, 22.

À Troyes, Alfred Étiévant, directeur du « Petit Troyen », où le remplacera Alexandre Israël.

Anatole Auguste Petit, 79 ans, rue de Contrai, 28. Son fils Émile, rentier, après-guerre, est président de l’Harmonie du 3e, et habite rue Chanzy, 55.

Julie Legoux, 69 ans, épouse Maufroy, directeur de l’usine Dauphinot, rue des Moulins. À deux gendres : Edmond Bertrand, des champagnes, après-guerre, villa du Tertre, à Antibes, et le musicien Wiernsberger.

Jeanne Sacré, 20 ans, chez son père, Jules, trieur, rue Favart-d’Herbigny, 9. Adorable fille aimable et belle, enlevée par la tuberculose. Sa mère, veuve avant-guerre, épousa, en 1930, âgée de 80 ans, un sexagénaire, et mourut en 1934.

Mathieu Alzyre Pierlot, de Verzy, veuf de Maria Julia Minna Jennesseaux, 67 ans. Sa petite-nièce Germaine Bouvry, a épousé Henri Aubert, de Reims, fils de Numa Aubert-Picard, fondé de pouvoirs à la savonnerie Verminck, de Marseille, où il habite, rue de Paradis, 118. – De cette famille sont les veuve Pierquin, Léon et Jules Pierlot, et Alzyre Pierlot, villa la Pergola, route de Champfleury.

Marie Augustine Roisseleux, veuve Lorrillière, 82 ans, chaussée du Port, 39. A un neveu comptable, après-guerre, chez Edmond Dupont, laines, à Sedan.

Alfred Mareschal, 68 ans, rue Petit-Roland, 26, inhumé à Péronne. Frère du notaire Alexandre Mareschal.

Alexandre Gillet, veuf de Clémence Godet, 78 ans, rue Andrieux, 12. Des familles Dubois, Edmond Sarazin, Cailliau-Godet, Émilie Gillet, Sœur Marie-Thérèse de Jésus ; et les cousins Charles Rivière, qui finit ses jours à la trappe d’Isigny, et Niverd-Rivière, comme les Gillet-Fisson.

Veuve Ferdinand Leleu, née Marie Joséphine Halbardier, mère de Paul, teinturier, tante de Halbardier-Barré, 56 ans, rue des Moulins, 71.

Marie Adèle Jarradin, épouse Cury, rue du Barbâtre, 10.

Adolphine Laruette, veuve Longatte, débitante boulevard Saint-Marceaux, retirée rue Gambetta, 132. Les trieurs de l’atelier Collet frères faisaient souvent leur petit déjeuner de 8 heures et leur goûter de 4 heures en cette accueillante auberge, vers 1894-95. Ces gens étaient du Nord, pays de la « rondelle » où les brasseurs commanditent les cabaretiers, pour l’écoulement de leurs eaux bouillies au houblon, ou « ersatz », livrées en « rondelles » barriques allongées, qu’on renouvelle dès que vides.

Décès du marquis de Montebello.

Rosalie Payard, veuve Désiré Seuvre, 50 ans, chez son fils Dr Edmond Seuvre, rue Chanzy, 9 (5 décembre).

Antoinette Eugénie Heuréville, 74 ans, veuve en premières noces de Louis Alfred Védie, dont elle eut un fils, ordonnateur des pompes funèbres avec Simon-Concé. Elle habite rue de l’Arbalète, 33. Elle avait épousé en secondes noces Jules Auguste Hutin, armurier, dont elle eut son fils Henri.

Jeanne Marie Clémentine Guerlet, épouse Brouardelle, « boueux » route de Witry-lès-Reims, et engraisseur de porcs pour maisons d’alimentation. Il a 47 ans.

Enfin, pour fermer cette page mortuaire, Côme Georges Bellot-Guyotin, 63 ans, rue Thiers, 28.

Requiescant in pace !

1908

Beaucoup de nos concitoyens ne verront pas cette fin d’année, terminant un jeudi. O joie ! dans le petit monde des salariés au mois : on «fera le pont » ! Les pères de famille à « leurs pièces » ou à la journée, n’en « rigolent » pas. Jours de fête et dimanches, les bouches réclament la pâtée !

Le nécrologe 1907 s’était clos sur le nom de Françoise Pauline Paris, veuve Adrien Duchénoy, décédée chez son fils l’aumônier des Petites Sœurs des pauvres, à 72 ans. Il a été dit que ces corps morts ne seront pas, pour nous, des ombres dont nul ne parlera. Soyons-en les « mainteneurs » et garants !

Aux premiers jours de janvier, l’ex-teinturier Marquant-Richard (Félix), 91 ans, rue Thiers, 6 : depuis des ans, il avait pu renoncer à se teindre et s’user les mains dans la cuve ! Ayant ainsi anticipé sur le « bonheur » des âmes, la sienne sera sans doute retenue à la porte du paradis pour laisser passer de plus méritants, qui doivent être en nombre ; mais, il a l’éternité devant lui.

Marie-Thérèse Sodoir, épouse Émile Mignot, courtier en librairie chez Matot, rue Chabaud, 2, immeuble Fromonnot. Originaire de Belgique, elle avait été servante chez les Gibert du champagne, alors que son futur mari était employé, aux côtés de son aîné, Achille Mignot. Émile est mort à Bourges, en exil, et inhumé à Reims. – Possesseur d’un beau mobilier et d’une cave bien garnie restés sous les bombes, son frère Achille put faire revenir le tout en 1917, rue Lamarck, 124, à Paris, et Clos-Vougeot, tous autres grands crûs bourguignons issus des celliers Potin servirent à réconforter les assiégés parisiens de cet appartement, à l’heure des « bertha », en même temps que leurs amis et concitoyens, les Dupont-Gautier, habitant à l’étage au-dessus d’eux. À peu près à la minute habituelle où devait commencer le concert diabolique, les quatre « frères Aymon » se resserraient autour d’une table, au 1er ou au 2e, et dégustaient pieusement le divin nectar dont l’infortuné frère Émile, parti chez Belzébuth en fin 14, n’avait pu achever l’écoulement. Le cœur ainsi prémuni contre toute défaillance, on attendait avec une certaine anxiété, non dissimulable, les « Garde à vous ! » des Pompiers de Paris. En caves ou sous-sols, parfois au lit sans sommeil, on revenait à la vie aux sons d’une endiablée « berloque » ! Ah ! ces heures absurdes ! La sœur aînée des Mignot, Jeanne, était décédée avant-guerre rue Bacquenois, 5. Achille mourut à Reims, en 1928, rue Libergier, 67, dans un immeuble à Gustave Goërg, au service de qui il était depuis la « fin » des Gibert. La cadette, Julie, était sur le point d’épouser un veuf, ex-employé du Ministère de la Guerre ; lorsque la mort les surprit, tous deux, avant cette entreprise, en 1931. Le beau mobilier d’Émile est tombé, à défaut de testament, dans les mains des Domaines ! Tous ces Messins reposent au Cimetière du Nord, à perpétuité, canton 13, non loin du terrain réservé à leurs amis Dupont-Gautier.

Alfred Lallement-Billaudel, ex-fabricant, 72 ans, Faubourg-Cérès, 264.

Le surlendemain du décès de Marie Sodoir, c’est le tour de sa voisine, Eugénie Mouginot, 39 ans, épouse d’Eugène Fromonnot, marchand de meubles, rue Chabaud.

Philosie Ursule Pascal, 78 ans, épouse de Bassin, ex-jardinier chez les Werlé. Son fils Ovide a épousé une demoiselle Philbert, dont le père est également au service même maison. Bassin habite rue Libergier, 81.

Edmond Faupin, de la laine, 38 ans, époux de Juliette Benoist, fille de Félix, rue Werlé, 10.

Marie Louise Julie Lhotelain, sœur de l’agriculteur Charles Lothelain, du Comice agricole, veuve Léon Favart, de la laine, 68 ans, rue Coquebert, 12.

Jean Henri Deborre, ex-chapelier, 75 ans, époux de Élise Sens, avenue de Paris, 60, après qu’ils eurent habité rue du Bourg-Saint-Denis. L’aînée de leurs filles, Henriette, est veuve du pharmacien Fleury ; la cadette a épousé le pâtissier Dalit, place des Marchés.

Jean-Baptiste Cospin-Gillot, ex-huissier passé homme d’affaires, 74 ans, anciennement rue des Anglais, 10, venu rue Hincmar, 62. Haute taille, toujours redingoté, bel homme, cordial, plus estimé que sa profession.

À Paris, le cardinal Richard, qui laisse, au dire de Léon Bloy, 100.000 fr. à ses héritiers, en rentes, 100.000 ! Ce vieil homme ressemblait en tout à une vieille femme, et physiquement, ne relevait en rien l’aspect de Paris.

À Vervins, Albert Hurstel, né à Reims le 9 juillet 1855, élève à Centrale, ingénieur, associé à son oncle Xavier, qui occupe cinquante ouvriers aux constructions mécaniques.

Barbe Loilier, veuve de Joseph Louis Eugène Destouches.

Émilie Bourgongne, 75 ans, rue du Cloître, 1, veuve d’Ernest Henriot, mère d’Alexandre et Louis.

Joséphine Zélie Lecompère, 71 ans, veuve Alby, aux Petites-Sœurs. Ses enfants, nombreux, auraient pu lui faire une vieillesse plus heureuse, car ils avaient tous les moyens (voir « La rue du Jard »).

À Paris, l’éditeur Le Vasseur, rue de Fleurus, oncle du journaliste Louis Périé.

Camille Brouland, épouse Édouard Hue, rue Nicolas-Perseval, 5, 54 ans, d’une congestion.

Élise Julia Lafolez, veuve Édouard Langlet, 66 ans, rue Buirette, 28. Son veuf était chef de bureau chez les Walbaum & Desmarest, rue des Marmouzets.

Alfred Debatz, des tissus, 75 ans, rue de l’Avant-Garde, 3.

Sophie Arlot, 79 ans, rue du Barbâtre, 45, veuve de Jules Lecointre, ex-marchand de comestibles et adjoint au maire Werlé, aïeule de Henri Saint-Aubin et sa sœur Mme Victor Lemoine, belle-mère de Jules Saint-Aubin, de la laine.

Jules Neveux, notaire, dont l’étude est située rue de la Clef. Dans « Thierry Seneuse », son fils Pol s’est inspiré de ces milieux pour y situer ses personnages si connus des Rémois, et les claires et minutieuses descriptions du Reims d’alors. Jules Neveux débuta à Paris et Soissons. Le 4 juillet 1864, il reprenait l’étude de Me Hubert Baudet, cédée en 1883 à Thiénot. Grand et puissant, il a été un des personnages les plus représentatifs de la bourgeoisie libérale rémoise, et son fils peut être fier de lui ! Jules Neveux était décédé en sa terre de Tancrou (Seine-et-Marne) le 29 février. Il était né à Oulchy-le-Château le 7 juillet 1831. Époux de la poétesse Marie Valyère.

Lucien Cailteaux, 64 ans, époux de Gabrielle Froment, beau-père de Gaston Laval, rue de Talleyrand, 56.

Léon Lefèvre, 70 ans, époux de Marie-Sophie Delécluse, rue de Châtivesle, 12.

Marguerite Eugénie Dujardin, 67 ans, épouse Petitfils, sacristain à Saint-Benoît rue de Pontgivart, 26. Les époux étaient cultivateurs et, après déconfiture, vinrent à Reims, rue des Fusiliers, 41. Ils eurent deux filles et deux garçons. Marie, au service des Lefèvre-Tassigny ; Mathilde, institutrice ; Pol, à la maison Abelé en 1933, et Valentin, au C. E. R. Famille honorable entre toutes, et la défunte la meilleure créature qui fût !

Théodore Caÿde, musicien et « chifforton », après avoir été tisseur à Pontfaverger, son pays. Veuf, il habitait rue Vercingétorix, 98, et a 62 ans. Frère cadet de Jules.

Honoré Auguste Potdevin, 59 ans, faubourg Fléchambault, 66, boucher hippophagique, rue du Jard, 26, d’abord, puis rue Neuve, près Saint-Maurice. Il l’était, en récent lieu, Faubourg-Cérès, et c’est là qu’il fit une heureuse liquidation, grâce à des concours bienveillants. La méthode a été de tous temps pratiquée, et les tribunaux de commerce n’y trouvent rien à « redire ».

André Deck-Althoffer, Alsacien, 79 ans, rue David, 10. Râblé et court, à favoris. Une de ses filles épousa Riégel, de la laine ; une autre, Litty, et la troisième, Laignier.

Louis Devraine-Godart, 74 ans, peintre, époux en secondes noces d’Éléonore Lelez, rue Chanzy, 84.

Charles Barbelet-Lefèvre, 71 ans, rue de l’Avant-Garde, où il continuait à fabriquer de la tisane de champagne, dans les celliers de l’ex-maison de laines Barbier & Zhendre. Fut réputé place Royale pour ses escargots, huîtres et tisane à 1 fr. la demie. Sa fille aînée épousa Biébuyck, des tissus, et la cadette le docteur Mouflier.

Hippolyte Barrachin-Gabreau, des tissus, 74 ans, chez son fils rue Colbert, 22.

Ferdinand Niverd, le musicien, d’Attigny, comme les Bonneterre, meurt à la Maison de retraite à 88 ans.

Dominique Narcisse Boulogne, des « Bains » de ce nom, 83 ans, rue Gambetta, 51. Ses bains d’origine étaient rue Neuve, 82, où on monta de tissage Dauphinot, pour finalement y installer les Folies-Bergère. Le « bain chaud » était à 0.50 servi par Mme et Mlles ; le père s’occupait de la chaudière, et on le voyait rarement ; il était un petit bout d’homme nerveux, travailleur, rasé de frais tous les dimanches. Ses trois fils, Édouard, Alexandre et Alfred, furent excellents musiciens ; ses filles étaient des Reines de Beauté. En ce genre d’établissements, il y eut les « Bains Santerre », sous les loges de l’Étape et rue de Bétheny, ces derniers livrant en ville à 1 fr. le « bain ». Le Lavoir Ponsardin, créé par Werlé, rendit d’immenses services à la classe ouvrière, qui, pour 0.20 centimes pouvait s’offrir ce bonheur hygiénique. On n’a rien fait d’équivalent après-guerre, même en ces récents mois, et la dépense y est proportionnellement plus élevée, ce qui n’est guère démocratique ! Boulogne avait transporté ses baignoires rue Gambetta, 51, dans l’ancienne teinturerie Bouchette. Après lui, c’est un Harlequint qui reprit sa brosse et sa chaudière. La douche actuelle ne donne en rien les résultats d’un bon bain plein, jusqu’aux épaules, dans le bouillon savonneux et chaud. Jadis, on s’offrait çà tous les samedis soir ou le dimanche matin : on y faisait queue. Le « bain » de rue de Vesle coûte 3 fr. et ce n’est pas pour rien ! À Sedan, la municipalité a créé un établissement parfait où l’on livre le « bain » pour 1 fr. 25 !

Jules Tailliet-Jacquart, fabricant de caisses, 63 ans, rue de la Justice, 8. Un fils Maurice est notaire à Attigny ; un autre est Frère Arsène Victor, des Écoles chrétiennes ; un gendre, Geoffroy, a fait un « trou à la Lune » après-guerre, et l’autre gendre, Fossier, est médecin, et fils d’un boulanger qui opéra longtemps à l’angle de la rue du Jard et des Loges-Coquault, avant rue Neuve.

Gustave Adolphe Dugras-Alavoine, mesureur de tissus, 62 ans, rue Ponsardin, 48. S’occupa d’élections et de mutualité.

Joséphine Labarre, épouse Léonor Roche, 78 ans, à Braine. Mère de Roche-Froment et aïeule de Charles Roche, premier maire de Reims après-guerre.

A. Lelegard, 91 ans, à Alger. Il fut le premier des marchands de champagne à utiliser les crayères à Dieu-Lumière, pour encaver ses bouteilles. Il travaillait alors ses vins rue des Moissons, dans de profondes et excellentes caves où, de nos jours, opère la Coopérative des Grands Crûs. Ayant descendu par un treuil, dans ces profondes cuves de craie, il vit qu’on pouvait les aménager en casiers à bouteilles. Lelegard créa à Reims ces lourds « omnibus » traînés par une couple de chevaux râblés et nerveux qui sillonnèrent longtemps nos rues, dans un fracas assourdissant et un tremblement du sous-sol pavé impressionnant, défonçant à l’occasion tel ou tel passage souterrain, comme cela se produisit un jour rue du Bourg-Saint-Denis, à hauteur des numéros 70 et 79, dont les secondes cas étaient reliées par un large couloir insoupçonné, clos des deux côtés. – Lelegard habitait à Mustapha-Supérieur dès 1865, et il s’y fixa.

Marie Alexandrine Lhoste, épouse Léon Hécart, des tissus, 56 ans. Nièce du fabricant Lhoste-Pérard, dit « le père Bon-Dieu », et son mari fut vendeur de tissus chez Edmond Givelet, avant de s’associer à De Vertus, rue des Cordeliers, pour la fabrication de tissus. Il était lui-même le fils d’un artiste peintre très estimé des Rémois, descendant d’un autre artiste fameux dans nos annales rémoises et grand ami du fabuliste Jean de La Fontaine. Ses sœurs étaient encore, en 1920, logées rue de l’Esplanade.

Frédéric Lallement, 46 ans, industriel, époux de Jeanne Commun, rue du Faubourg-Cérès, 20.

Charles Verrière, 33 ans, pain-d’épicier place du Palais-de-Justice. A un frère employé à la Compagnie du Gaz, rue Chanzy, 68.

Anna Pelletier, épouse de César Poulain fils, ingénieur à Pont-Sainte-Maxence (Oise), 42 ans.

Amédée Victor Borgoltz, 63 ans, rue René-Bourgeois, frère du curé de Berry-au-Bac.

Jean-Baptiste Denoncin, 88 ans, à la Maison de retraite, père d’Albert, Paul et Ernest, enfants de Reims.

Lundi 4 mai. Paul Benoist, du Mont-Dieu, 54 ans, rue des Templiers, 22, veuf d’Hélène de Bary. Ses malheurs conjugaux avancèrent les jours de cet honnête citoyen, dont le fils René était atteint d’angine de poitrine, dont il a réchappé, puisque de nos jours, il est à la tête d’une société hippique à Nice.

André Stocanne, des tissus, chez Prieur & Mellinette, 46 ans, époux de Marie Augustine Tonnelier. Ex-élève aux Frères de rue du Jard, eut un frère peintre, et un autre, boulanger, rue Chanzy, 6.

Jean-Pierre Marion, ex-chef de caves, 86 ans, époux de Clémentine Adèle Courtalier, rue Boulard, 48. Père de la poétesse Rita del Noiram, lauréate de l’Académie nationale de Reims, amie des Kalas.

Louise Delphine Husson, veuve Gillet, 75 ans, rue du Barbâtre, 167. Antiquaire au nez futé, dénichant de réelles « antiquités » plutôt modernes ! travaux à l’aiguille et miniatures ou tableaux arrachés aux poussières de greniers, et faisant la joie des collectionneurs de bibelots usagés. Eut un temps une remarquable exposition rue Hincmar, angle Capucins. Type de notre vieux Reims.

René Courtalon, rentier, époux de Marie Jacquemart, 45 ans, agent de la « Nationale-Vie », mort à Paris, mais ayant demeuré rue du Levant, en un vieil immeuble bourgeois à large porte. On l’inhume à Reims, en utilisant, une des premières fois, la place du Parvis pour la décoration funèbre. Coutume élargie de nos jours, et qui contribue, avec tant de nouvelles mœurs, à affaiblir les relations entre citoyens, en leur donnant toutes facilités pour échapper aux devoirs traditionnels et à cette gentilhommerie incarnée, à Reims, dans toutes les classes de la population. Le « Mufflisme » n’en sera que plus à son aise !

Henri Romain Walfard-Galien, 78 ans, rue Libergier, 74.

À Suippes, Édouard Jacquinet, ex-fabricant, époux de Céline Vasset, 78 ans.

Louis Marius Mazoyer-Chauderlot, des tissus, firme Sordet, 49 ans, rue de l’Arbalète, 22.

Jacques Alfred Chambry, ex-imprimeur, 72 ans, rue des Poissonniers, 25, beau-père d’Ernest Denoncin.

Adolphe Gadon, employé aux ventes publiques, 56 ans, époux d’Henriette Victorine Beugé, rue des Murs, 36.

Alexandre de Saint-Marceaux décède à Paris, et on l’inhume à Reims.

Auguste Jupin, 56 ans, vannier, rue de Contrai, 26. Né à Reims le 22 octobre 1851, engagé le 2 août 1870, aux chasseurs à pied Corps Vinoy, il est à Sedan. Évadé, il est à Paris, au 9e régiment de marche ; puis, à Saint-Denis, au 21e chasseurs à pied. Du Mont-Valérien, il reprend le chemin de Reims, le 25 mars 1871. Il fit partie des « Bilots » jusqu’à sa mort.

Jacques Sidaine, fabricant de parapluies, avenue de Laon, 162, noyé en baignoire au Lavoir Ponsardin.

L’Alsacien Luder, ex-gendarme, prénommé Pantaléon, ayant servi quinze ans aux colonies, chevalier du « Dragon de l’Annam », gardien à la Bibliothèque municipale, rue de Metz, 66.

Ce Ganymède sans Jupiter, court, gras et blanc, imberbe, fine moustache, et courtier en laines, Alfred Delcourt, 42 ans, de Warmeriville, où il habite, sous l’aile du « Bon Père ». Il décède subitement, dans la tenue du père Adam venant au monde, et entre les draps blancs et soyeux d’une bonne amie, buraliste en gare de Reims, rue de Pouilly, le samedi 4 juillet, à 9 heures du soir. Secrétaire de la Société de Tir à Warmeriville et au 46e territorial. Très coquettement cravaté et vêtu élégamment d’un veston collant, pantalon de même, accusant ses formes académiques et callipyges. Aux obsèques, ses collègues Alphonse Droux, mort, lui, d’une chute d’escalier ; Lucien Cabanis, modèle préraphaélite ; Eugène Herlicq, enfant chéri de la vallée de la Suippe, où, quoique licheur émérite, mais « placier » émérite, il vend ce qu’il veut et comme il veut ; Léon Harmel, patriarche de ces enfants bénis ; le joli et jeune Grosjean, la rue de la Grue, et le proviseur du Lycée Palette.

Jeanne Louise Élisabeth Chatry, veuve Christel, 70 ans, Faubourg-Cérès, 34, ex-débitante rue de l’Écu, ayant cédé son fonds à Ernest Legros. On atteignait à la grande salle de café par un escalier de huit marches avec rampe de fer. Mlle Christel avait épousé un trieur, Prévost, ex-tondeurs à La Plata, et ouvrier mégissier à Annonay, devenu contremaître chez Alfred Gosme.

Nicolas Auguste Alard-Plumet, de la laine, rue Chanzy, 75, 75 ans. « Serpent » à lunettes, « sondeur », homme discret et serré, propriétaire-type. Son épouse, grande, belle, bonne, appliquée aux bonnes œuvres, chrétienne sincère et pratiquante, méritante pour deux. Leur gendre Panis fut directeur aux Magasins Généraux après Leroy. Leur fils Eugène est architecte et musicien.

Veuve Lefert-Pannet, 87 ans, rue de Vesle, 60, belle-mère de Gory, rue Savoye, mère de Lefert-Forest, tous deux propriétaires de l’immeuble à nombreux locataires rue d’Anjou, 14. Un fils Gory a épousé une Gaffet, dont le père était boulanger à Signy-l’Abbaye, et mourut à Charleville en 1933. Sa veuve et sa belle-mère habitent en 1935 rue des Murs, 36.

Ernest Duval, célèbre pianiste rémois, d’une famille de musiciens ayant pratiqué cet art depuis... toujours, et n’ayant pas déchu. Né à Reims en 1838, le 31 octobre, il est choisi par le cardinal Gousset, organiste à Saint-Thomas le 22 mai 1850. Il y reste 18 mois, et passe à l’orgue de Saint-Jacques. On l’enterre le 18 août, à 71 ans. Époux de Clémentine Leclère, il habite rue du Mont-d’Arène, 10, un « particulier » à jardin, accueillant, quoique le musicien fut très personnel et tranchant. Longtemps, et jusqu’à sa mort, il eut le monopole des « cotillons » rémois, avec son partenaire le violoniste François Gautier, chef d’orchestre à la Salle-Besnard. Tenait à hauteur sa réputation et son prestige, exigeant des égards pour l’artiste comme pour l’homme. Dans les sociétés, il se faisait servir en vaisselle de porcelaine et couverts d’argent. Celui qui eût failli à ce devoir eût pu dire adieu à son concours. Coiffé d’un feutre mou à larges ailes, il fumait la pipe, et faisait journellement la partie au Café du Palais, rendez-vous des fins joueurs de bridge ou autres jeux de cartes distingués. Personnalité non encombrante, mais ayant tenu une large place dans la vie artistique rémoise. Conduisaient le deuil : Ambroise Petit, l’abbé Louis Duval, son neveu, lequel devait mourir subitement, pendant la guerre, dans la station de métro Cadet, à Paris ; et Jules Boulestin, son petit-neveu (buvons-en un verre en souvenir du défunt !). Longues redingotes, pantalons à la zouave, fine moustache, longs cheveux à la bohême, mais calamistrés et soignés, doigts faits et blancs cerclés d’or et rubis. Le 20 décembre 1886, il avait accepté de son copain le grand Gautier de tenir les grandes orgues à la Cathédrale, au mariage de sa fille Eugénie avec le trieur-musicien Eugène Dupont. Au banquet modeste, chez les Jény, il se donna largement au piano pour la danse et réédita son « Express-Galop » devant les convives flattés, mais non médusés !

1607e décès de l’année : Jeanne Francine Balteau, 89 ans, rue Chabaud, 13, chez son fils Albert et sa fille Alice, mère de Juliette Lamarthée-Dubois (voir « Pierre Dubois, prote et littérateur rémois, 1823-68 », in-8°, Eugène Dupont).

François Carrière, 78 ans, rue Petit-Roland. Rentier « au pain de seigle », surnom appliqué aux menus capitalistes obligés de compter sur le bout des doigts leurs possibilités de dépenses, de façon à ne pas dévorer le fonds ! On affirmait dans le quartier qu’il déversait le contenu de son vaste nocturne dans le ruisseau, afin d’éviter d’en remplir la fosse. Il avait une fille toute menue et jolie qui conquit le cœur du guerrier Mars, en la svelte personne du lieutenant au 132e Pitollet qui, en 1908, est gradé commandant de gendarmerie.

Marie Stéphanie Gaillet, 74 ans, rue Bacquenois, veuve du charcutier Solus, prédécesseur de Bricotteaux, rue Gambetta, 6 (voir « Rue Neuve »).

À Togny-aux-Bœufs, Mme veuve Dr Lévêque, belle-mère du Dr Jean-Baptiste Langlet, – 87 ans.

Émily Sibley, épouse du dentiste et maître-tireur Lee, rue Thiers, 2.

Nicolas Auguste Sarazin-Galichet, ex-fabricant de tissus, rue de la Peirière, décède à Gueux, son pays natal, à 94 ans. Type remarquable de la fabrique de Reims, associé avec son beau-frère Galichet, si différent au physique qu’au moral ; autant l’un était maigre, barbu, hirsute, « ours mal léché », autant l’autre, grand et gros, affable et vivant, avec les joues pleines allongées du bouc des chasseurs à pied, était apprécié des courtiers-acheteurs. Maison solide, prudemment conduite, exemple à suivre pour des générations qui l’auraient connu et vu !

À propos de Lee le dentiste, on apprend, de nos jours, qu’il avait jadis sollicité contre espèces, d’un ministre de la République, Dalimier, la croix de la Légion d’honneur ?

Marie-Thérèse Dauphin, 76 ans, épouse du carrossier Hérold, rue de Contrai, 1, mère de Léon et de Mme Raulet, aïeule des époux Raulet et Arnould-Raulet.

À Folkestone, Isaac Holden-Crothers, neveu du maître-peigneur.

Haution-Jarlot, 61 ans, boulevard de la République, 97, fabricant de chaussures, inhumé à Signy-l’Abbaye. Son beau-frère Jarlot, riche propriétaire à Aire (Ardennes), meurt après-guerre en léguant la totalité de ses biens aux fils d’un de ses anciens ouvriers, Ernest, de Balham, trois futurs courtiers en grains, dont l’un, Oscar, époux de Renée Lagrive, meurt en 1932, à Montfort-sur-Meu (Côtes-du-Nord). Sa veuve habite à Rennes.

Fernand Rogé, hôtelier à « la Poire d’Or », place d’Erlon, 65, rendez-vous des forains. En 1930, sa veuve tient là café-restaurant avec le concours de Gabriel Clément, ex-agent de publicité des Hachette, rédacteur du « Reims-Magazine », revue rémoise fondée par lui, qui eut la vogue pendant quelques années.

Abel Kalas, 74 ans, rue des Fusiliers, 14.

Alfred Senot-Maréchal, 75 ans, rue de Vesle, 99. Épicier-grainetier auquel succédera son fils Henri, bibliophile rémois enseigné à l’école du voisin Élie Guillemart, publiciste rémois aux temps du Second Empire, lequel rédigea un temps le journal « le Réveil », dont les quelques numéros sont recherchés des rongeurs de papier. Henri Senot, juge au Tribunal de commerce, possède un très bel exemplaire du « Reims » de Nicolas Bergier.

Albert Rocourt-Vaillant, ex-quincaillier place des Marchés, 60 ans, rue du Petit-Four, 21, père de Gaston Rocourt et beau-père du Dr Saint-René-Bonnet.

Charles Keller-Paquin, des Paquin de la couture, 63 ans, rue Thiers, 9, voyageur en tissus pour les Warnier-David.

Louis Victor Villain, 86 ans, époux d’Irma Alba, avenue de Laon, 21, ex-pharmacien rue de l’Université, et aïeul de Raoul Villain, le stupide assassin de Jaurès, en août 1914. – il est le père de Mme veuve Malmy, et de Gustave Villain, greffier du Tribunal civil. Un autre de ses petits-fils, Marcel Villain, est d’une ressemblance physique remarquable avec Raoul. Villain avait été élève au Petit-Séminaire avant de goûter à la pharmacie ; il avait gardé les allures sacerdotales, bien marquées par ses gestes menus et ses pas feutrés, sa parole moelleuse, sans en être imbibée de miel, et ses chaussures silencieuses, dans sa redingote à longs pans noir d’encre, parfois luisante aux coudes. Le 15 juillet, il entrait en fonctions, et céda à ce petit poivrot de T... à l’orée du XXe siècle.

Adolphe Michel Denizart, des Bertholle, 81 ans, rue Eugène-Desteuque, 31.

Camille Leclercq-Desson, 77 ans, bandagiste rue Pluche, 40, dans un immeuble vieillot dépassant l’alignement, et qui avait extérieurement et à l’intérieur, aspect d’antre de la sorcière Freia, chère à Émile Berthoud, de son « Cousin du Diable », roman historique oublié de nos jours, et dont le « ciné » aurait profit à s’inspirer. Il fit nos délices !

Le père d’une tribu de maçons venus de la Creuse, Vincent Halary, 72 ans, rue Brûlée, 24. Il y avait, en cette antique rue de Reims, toute une rangée de bicoques bâties d’on ne sait quels matériaux cent fois secoués par les bouleversements politiques et meurtriers de la guerre, et cent fois ayant servi à « de la reconstruction », où logeait une théorie d’ouvriers du plâtre ou du mortier, sur des « terris » et sous des toits camoussis, et là s’engendraient des générations de bâtisseurs dont, comme pour ceux de la Cathédrale, on ignorait les noms et les vertus ; personne n’a pénétré dans les arcanes de ces âmes simples, dont le Paradis du Christ est peuplé. Les Halary d’aujourd’hui sont un peu plus attachés aux biens de ce monde, et ils se sont dit, non sans raison au regard de l’Homme mécanique du XXe siècle qu’il fait bon tournoyer aux abords des puissants de la politique... alimentaire. Ont-ils tort ? Les maçons de la « limoge » sont maintenant parmi les maîtres de Reims. Comme ils ont contribué à le bâtir ou à le reconsolider, ils ont peut-être bien gagné ce salaire. Le seul inconvénient à ce résultat, c’est que cela servira d’exemple aux purs enfants de sang rémois.

Hubert Cyriaque Noël, trieur, 51 ans, rue de Strasbourg, 85. Un de ces caractères qui ont l’esprit inné de contradiction, avec un fond de moquerie et d’ironie qui est essentiellement guerrier, et dont les MM. postés se méfient. – Un jour qu’une espèce d’hurluberlu qui, parce qu’il avait passé par l’École des Arts et Métiers de Châlons, se croyait en possession de la toute-puissance, s’étonnait de sa volonté de quitter un chantier de trieurs où l’une des moindres obligations de l’ouvrier consistait à gravir un escalier, le dos plié sous le fardeau d’un ballot de laine à étaler sur les dalles brûlantes d’une chambre de chaudière à vapeur, disait au freluquet incompétent et « avantageux » : « Ce n’est pas tant de monter qui me soit pénible, c’est de descendre ! » Le jeune Bouillard a-t-il compris ? Souhaitons-le pour son intérêt !

Gustave Véroudart, des charbons de terre, veuf en premières noces de Céline Hannier, époux de Lucie Copigneaux, 60 ans, rue de Bétheny, 8. La firme ayant gardé son nom, le charbon l’aura sauvé du néant immédiat.

Adolphe Bellevoye, 76 ans, bijoutier-graveur, rue de Talleyrand, 27, originaire de Metz, et membre d’une société toujours vivante de sciences naturelles : c’est son fils qui recueillera, à sa place, le ruban violé. Que lui chaut ?

Louis André Souris-Quénet, ex-tapissier et marchand de meubles rue Neuve, 88 ans, à la Maison de retraite. – On y est mal ! crient des grincheux. Peut-être, question de mesure ; mais, on y meurt vieux !

Félix Henri Wendling, époux de Marie Adélaïde Lacomme, 63 ans, rue du Cloître, 17. Cette maison est habitée en 1933 par un octogénaire, l’ex-pharmacien Lamorlette, qui veut y finir ses jours, et on ne pourra songer à dégager de terrain qu’à sa mort. Le sculpteur n’a pas survécu à son praticien Mathieu.

Henri Golinveaux, 54 ans, cordonnier, avenue de Laon, 144. Son fils fut encadreur chez Leconte, rue du Carrouge, et a repris sa clientèle survivante, après-guerre, à l’angle Ponsardin-Mâcon.

L’architecte Fossier, récemment décédé, avait construit la Maison de Convalescence, et certains pavillons à l’Hôtel-Dieu et à la Maison de retraite ; il succéda à son père en 1888, et c’est son fils André qui relève la flamme.

Éléonore Jennesseaux, veuve de Remy Constant Pierquin, ex-charcutier, accusé un temps par la rumeur publique d’avoir, avec Dessenis de la rue de Tambour, participer à l’assassinat de la « mère Bernard », rentière du quartier. Mme Pierquin a 81 ans et habite rue de l’Échauderie, 16.

Paul Clouet-Pinguet, 50 ans, pharmacien rue Cérès, 11, successeur de Gosset.

Auguste Fourain, de Metz, 41 ans, graveur sur émaux, rue Colbert, 36. Véritable perte pour l’art, et les honnêtes gens !

À Paris, Victorien Sardou.

Nicolas Gillen-John, 57 ans, menuisier rue Henri-IV, 40. Son fils Louis lui avait succédé et après-guerre, installé Faubourg-Cérès, près la cour des Sœurs, il y vit trop en grand, et y ébrécha ses rabots.

Hilaire Hayon-Curot, menuisier rue de Cernay, qui avait d’immenses dépôts de planches au pont de Saint-Brice, meurt d’accident automobile, sur la route de Laon, auprès de son futur gendre, un Théron de la rue des Moulins, frère de celui des Docks Rémois ; il habitait rue de Cernay, 24, proche ses ateliers.

Émile Dupuis, des tissus, associé de Varin frères, 73 ans, rue Petit-Roland, 15, veuf de Marie Strapart.

Marie Amélie Cousin, veuve du boulanger Eugène Vuitry, rue de Vesle, 254.

Célestin Quentin, ex-jardinier, propriétaire rue des Augustins, 12. Dans cette maison habitèrent Jean-François Dupont, trieur, mort à la Maison de retraite en 1871, et sa fille Sophie, décédée là en 1900 : ils avaient occupé successivement l’unique pièce sur rue au 1er étage, qui fut leur asile dernier, après une vie de travail. – Un de ses fils, le Révérend Père Quentin est attaché, en 1933, à la Curie romaine, et a fait à la basilique, en temps de foire, le panégyrique de saint Remi.

27 novembre. Assassinat de Émile Durieux, 40 ans, boueur et maçon à La Sabotterie, route de Cernay. On a prétendu que la deuxième femme de Camille Lenoir était à l’époque servante en cet établissement, ou du moins au cabaret voisin. – ???!!!

Paul Redont, 48 ans, cultivateur à Champigny, près Reims, frère du paysagiste rémois.

Fossier-Ehrhardt, architecte, 57 ans, rue Petit-Roland, 23.

Alexandre Mareschal-Goulet, 74 ans, rue Petit-Roland, 26. Son fils Maurice, des champagnes, fut atteint par une bombe allemande en 1915, en même temps que Maurice Salaire, commandant des Pompiers, rue de Vesle.

Élie Thibaut, quincaillier rue Gambetta en succession de Ledru-Bertin, y précédent Syren et Hayon-Védie, 61 ans, rue de Thillois, 22.

Jean-Marie Mazoyer-Ramette, 76 ans, menuisier et maçon, rue Simon, 15. A deux fils dans le bâtiment : Henri et Albert.

François Théophile Hégésippe Mouginot, à la Maison de retraite après avoir habité rue Martin-Peller, où il arborait un cadran solaire, prend là sa retraite, en mettant en vente trois immeubles : rue Jeanne-d’Arc, 15-17 ; rue de Thillois, 31 ; rue Martin-Peller, 36, 150.000 fr. et un terrain au lieudit Pons-Ludon, route de Louvois : 1.500 fr.

Pierre Doncoeur, 19 ans, rue Nicolas-Henriot, 4, chez son père Paul. Son oncle fut le commandant Doncoeur, et son frère Louis, l’A. C.

Et maintenant, rapprochons-nous de trois êtres qui nous furent chers ! Un cousin sous-germain, Émile Petit, fils des Petit-Rousseau, né rue du Jard, 37, en octobre 1860 : il est le 2229e défunt de l’année. Il décède rue du Barbâtre, 118, au-dessus du pharmacien Cougout, à 48 ans, vivant là avec une veuve, quinquagénaire, que ses camarades, les trieurs de chantier Moch, appelaient la « tante Torin » ! La vie l’avait séparé de sa femme et de ses enfants, dont l’aîné, Émile, né en 1887 rue du Levant, 6, mourut en 1918 en Afrique occidentale à Lomé (Togoland), après treize ans de colonies. Après avoir, au sortir des Frères du Jard, d’abord, puis de la rue de Venise, appris le triage de la laine auprès de son cousin Louis Joseph Dupont, il fut employé chez Labruyère & Tinet, rue de Bétheny, et son père l’installa, prématurément, hélas ! marchand de laines rue du Levant, en 1885. En 1891, ce fut la déconfiture, et l’homme déçu se livra à son penchant de la boisson alcoolique. Fort musclé et charpenté, il paraissait prêt pour une longue vie. Revenu au triage sous les auspices de son cousin Eugène Dupont, il fut, jusqu’à sa mort, trieur en chantier cité. C’était un caractère insouciant, « amuisard », réjoui, rieur et amusant ses auditeurs par de vieilles blagues d’atelier ou régionales, amassées auprès des « anciens » (voir « Autour d’une Famille ouvrière rémoise, au XIXe siècle »).

Après Émile Petit, Gabriel Gautier, beau-frère de Eugène Dupont. Né à Metz en 1860, d’un père professeur de violon et de danse, il se voua d’abord à sa profession ; mais, la famille ayant immigré à Reims en 1871, il apprit le triage auprès du musicien Ponce Bonneterre, chef-trieur au peignage Villeminot. Plus tard, il fut de nombre de sociétés musicales, au Théâtre, à la Philharmonique, jouant en maître de tous les instruments qu’il touchait, et, en même temps, exerçant le métier de trieur. Il fut musicien de régiment, au 102e de ligne, au Mans, avec le piston Stoffel : on les appelait tous deux, à la caserne : « la Muffée ». Ce qui revient à dire qu’ils levaient aisément le coude, – ce qui, en somme, ne faisait de tort qu’à eux-mêmes. Violon, alto, contrebasse, dans les cordes ; saxophone-alto, où il était sans rival pour le « coulé » des sons ; en tout, il fut un « as ». Les veilles et le travail manuel l’épuisèrent avant l’âge. Au soir d’une partie de pêche à Guignicourt, à la Saint-Louis, il rentra à la maison rue de Thillois, 19, à 8 heures ayant subi quelque insolation, et, à 2 heures du matin, sa femme le trouvait inanimé, à ses côtés. Il avait épousé une forte Ardennaise de Château-Regnault, Aimée Desgrolard, laquelle se maria avec un veuf, le petit rouquin Dorigny, qui possédait un petit magot conquis en vendant le « Petit-Journal » dans nos rues. Les époux prirent un cabaret rue de Magneux, et la guerre survenant, durent s’exiler à Paris. Aimée mourut en 1918, demeurant avenue de Clichy, 120, et à l’hôpital Bichat : elle fut enterrée au Cimetière-Parisien. Son veuf est à Reims, faubourg de Laon, où il tient un petit hôtel meublé. Lui aussi était le frère d’un musicien des Pompiers, qui, à Paris, en exil, gagnait des « cachets » dans les bals et cafés-concerts, notamment chez Pacra, à l’Alcazar des Gobelins, où Léopold Bombaron, cet autre Rémois « bourlingué », « grattait » de la contrebasse. Gabriel Gautier est inhumé au Cimetière du Nord, canton 13, dans un terrain familial, où sa dépouille est mêlée à celles de son père François Gautier, sa mère, Marie Catherine Schuller, Lucien son frère, brûlé à l’incendie de Bary (1889).

Et, à la suite, cette personnalité des plus aimées que Reims ait adoptées parmi les siens : Jules Wibrotte, directeur de l’école du Jard, époux de Lucie Évrain, né à Devant-les-Ponts, près de Metz, 15 décembre 1852 (voir « Le Jard »). Un élève indiscipliné ayant soulevé sa colère, Wibrotte, au lieu de le frapper, se contient ; comme il est gros et congestif, l’effort le dépasse, et, il tombe, soudain, à 9 heures du matin, frappé d’apoplexie, le sang se coagulant au cou ; tous soins pour leur rappeler à la vie sont vains, et c’est ainsi, qu’au champ d’honneur, meurt le plus beau Français et le plus digne citoyen de Reims ! D’imposantes funérailles célèbreront les regrets de tous. Jean-Baptiste Langlet prononce sur sa tombe, au Cimetière du Nord, une apologie qui frappe les assistants au cœur, et tous pleurent, avec lui. Aucun éloge n’eût d’ailleurs pu compenser la perte morale subie par la communauté humaine ! Il avait, entre autres œuvres, fondé cette « Amicale du Jard » qui rassemblait autour de son maître les jeunes Rémois qui, pour la plupart, montrèrent sur les champs de bataille, les vertus sacramentelles de la Race. Cette société avait pour vice-présidents Jules Mouny, et un vieil enfant du Jard, élève au temps des Frères. La « Clef des Champs » fut une de ses plus belles inspirations. Il fut président de la Ligue de l’Enseignement et de l’Université populaire. Tolérance, compréhension de la nature humaine, indulgence, rigidité de mœurs et de principes, honorant en un mot le régime dont il était, après la France, le fidèle serviteur, sachant combien les hommes sincères sont rigoureux sur le point d’honneur, exigeant que ceux qui les représentent, au Parlement ou au Conseil municipal, leur fasse honneur par la droiture de leur vie et l’impeccabilité de leur conscience ! L’homme public sali ne peut que salir l’honneur de ceux qu’il a voulu représenter. Quelques lignes fixeront son portrait moral et physique. « Alerte et vigoureux, encolure puissante, regard vif et souriant, voix chaude et sympathique », grasseyante à la mode de Metz, cette cité lorraine dont son cœur gardait le plus passionnant souvenir, mêlé d’espoir discret, mais sûr de soi ! Certains de ses élèves eurent la joie de participer au retour des soldats français dans la patrie de son âme ! Il eût mérité de vivre de telles heures !

Ah ! les heureux morts ! délivrés à jamais de cette incertaine aventure qu’est la vie ! Et pourquoi abandonner ainsi leur dépouille charnelle à une honteuse décomposition sous terre, entre quatre planches et un suaire blanc, dépouille qu’on jette comme à la voirie, ou tas d’ordures dans une « poubelle », pour y finir, loin des préoccupations mondaines, et souvent dans l’oubli le plus ingrat, en pourriture et pâture pour les vers, en boîte close et imperméable, ensevelie sous quelques pelletées de terre ! Pourris seule, charogne ! nous ne te connaissons plus, et demain, on ne saura même plus si tu existas ! Lâche et cruel abandon ! Une visite aux jours du calendrier réservé à ses commémorations hypocrites ou simplement de rigueur ! Un nom, sur une pierre ou une croix de bois, quelques fleurs, et adieu ! à nous la vie ! N’y aurait-il pas mieux à faire ? Comme dit l’autre : « Si ma dépouille est sans valeur, elle me reste chère, à moi ! » et de la savoir à l’avance vouée aux termites, et à la l’infect bouillon de culture invisible, cette vision en est pénible à des cœurs bien nés ! Ne pourrait-on, tout en respectant la saine coutume des funérailles publiques et la bénédiction dernière des religions, une fois le cercueil laissé isolé devant la fosse béante, s’emparer discrètement de cette funèbre enveloppe, et la soumettre à l’incinération en présence des intéressés ? De là, dans le terrain communal ou familiale ? !!! En vérité, nos corps, tabernacles de nos âmes, ont droit à ces égards !

Passons maintenant à un sujet moins macabre, disons même très réjouissant, en recueillant, de ci de là, quelques-uns de ces noms qui sonnèrent aux oreilles des contemporains, à quelque titre que ce soit, – l’important est d’avoir vécu avec nous ou à nos côtés ! Toutefois, faisons précéder ce cortège lumineux et enjoué de nouveaux mariés de cet autre, funèbre encore, qui accompagna, en janvier 1908, au Cimetière Montmartre, à Paris, la dépouille d’une femme qui avait jusqu’à sa dernière heure fait parler beaucoup d’elle, soit en bien, soit en mal : la comtesse de Loynes. Les Rémois n’ignorent plus, grâce à des publications assez indiscrètes, quelle personnalité fut celle que désignait ce nom à particule. Marie-Anne, dite Jeanne Detourbay, était née à Reims en 1857, rue Neuve, 58. Fille d’une ouvrière épinceteuse, elle était rinceuse de bouteilles à champagne dans une maison de Reims quand elle se décida à aller à Paris, pour l’avoir, a-t-elle dit, à ses pieds. Comment elle y parvint ? C’est un conte de fées. Renvoyons le chercheur à ce livre : « La Rue Neuve ».